20 Mai 2012 À 13:56
En témoignent les pertes colossales subies par AIG (Américan International Group), premier assureur du monde, qui s’était considérablement affaibli en s’impliquant dans des crédits immobiliers transformés en produits financiers à travers la titrisation.L’Assurance dans les pays arabes : quel impact ? Qu’en est-il de ce secteur dans le monde arabe qui a connu des mutations économiques en terme de libéralisation, de privatisation, d’ouverture aux compagnies étrangères ? Pour Souheila Chabchoub, Inspectrice générale des Finances en Tunisie et présidente de la Commission de contrôle des assurances au CGA : «L’assurance dans les pays arabes a ressenti, à l’instar du reste du monde, l’effet de la crise. Cependant, son effet sera relativement limité, surtout pour les pays moins ouverts sur l’investissement extérieur. La valeur des sociétés d’assurance a été directement affectée par cette crise, surtout les sociétés investies dans les titres en relation avec les “subprimes” et qui ont enregistré une dépréciation de leurs actifs. Les agences de notation ont été contraintes de réviser le rating de certaines sociétés d’assurance suite à la régression de leurs résultats et de leurs situations financières. La plupart des actions des sociétés d’assurance arabes cotées en bourse ont essuyé une régression importante de leurs actions, due principalement à la panique qu’a connue la majorité des bourses. D’autre part, la réassurance, qui est une couverture pour la société d’assurance, va désormais connaître un durcissement de ses conditions dû à la régression de la situation financière de nombreuses sociétés de réassurance internationales. Les prix de la réassurance risquent, également, d’augmenter avec des capacités de souscription des sociétés de réassurance internationales touchées par la crise.»
À cette crise financière, se sont ajoutés le Printemps arabe et les mutations que ce séisme politique engendre en termes d’instabilité économique, mais aussi d’attentats, de risques terroristes, etc. Les risques se sont multipliés dans toute la région, d’où l’opportunité de la 29e édition de la General Arab Insurence Federation (GAIF), qui se tient à Marrakech du 21 au 23 mai 2012, sur le thème «L’Assurance face aux mutations dans le monde arabe». Cette édition organisée par la Caisse de dépôts et gestion, la Fédération marocaine des sociétés d’assurance et de réassurance (FMSAR) et la Direction des assurances et de la prévoyance sociale (DAPS) vient à point nommé pour «discuter des solutions et des recommandations sur la gestion des risques politiques et sur les opportunités d’intégration et de coopération des membres de l’Union générale arabe des assurances», nous déclare Anass Alami, directeur général de la CDG.
Près de 2 000 représentants des compagnies et sociétés d’assurance de l’Afrique du Nord du Moyen-Orient, des services d’assurance et de réassurance dans le monde arabe, mais aussi des représentants des sociétés internationales d’assurance, européennes, américaines et asiatiques se réunissent pour réfléchir à de nouveaux modèles économiques répondants aux nouveaux contextes des marchés chahutés par les événements politiques dans la région.On remarquera, en passant, le dynamisme des assureurs du Maroc qui multiplient les rencontres, comme en novembre dernier avec la deuxième édition du Forum africain de l’assurance et, plus récemment, avec la tenue de la première édition du Forum international de l’assurance (FIA) le 19 avril dernier à Skhirat, qui a réunit près de 300 participants pour réfléchir aux expériences à travers le monde, faire le point sur l’état d’avancement du contrat programme et multiplier les réseaux de partenaires. Le moment choisi pour la rencontre de la GAIF est crucial : le secteur doit en effet se préparer à l’entrée en vigueur de la réforme Solvency II qui entrera en vigueur le 1er janvier 2014 et qui permettra «d’uniformiser les règles prudentielles du marché de l’assurance, d’améliorer au maximum la gestion des risques, d’optimiser les capitaux et de limiter leur volatilité». C’est en appliquant ces règles que le secteur des assurances pourrait participer au financement à moyen et long terme de l’économie, répondre ainsi aux besoins des entreprises et des États pour financer les mesures de relance et de développement économique à travers l’émission d’emprunts.
Malgré les soubresauts politiques, la région regorge d’opportunités de développement pour les assureurs. Le taux de pénétration des assurances, qui peut être amélioré, reste par exemple très faible au Maghreb, avec en Algérie un taux de 0,6%, en Égypte de 0,8%, en Tunisie de 2% et au Maroc de 2,7%, alors qu’en Afrique du Sud il est de 14%. Les États-Unis et le Japon dominent toujours l’assurance mondiale et collectent près de 40% des cotisations. Viennent ensuite les principaux marchés économiques européens : le Royaume-Uni, la France et l’Allemagne. En 2010, le volume des cotisations d’assurance directes de l’Union européenne représente 34,2% du marché mondial. Mais pour augmenter le taux de pénétration encore faut-il relever les nombreux défis, comme le développement du secteur des assurances, encore très faible dans les économies des pays arabes, remédier au morcellement des portefeuilles et la multiplication des sociétés d’assurance sans commune mesure avec la dimension des marchés, au déficit de l’assurance-vie qui génère l’épargne de long terme drainée vers l’investissement. Autre défi et non des moindres : l’absence de formation dans ce secteur, qui doit pourtant répondre à une complexification du secteur, qui doit investir dans l’anticipation, l’innovation et l’harmonisation des normes et des règles pour être au diapason des références internationales. Le dernier défi pour entrer dans «le siècle de l’assurance» : jouer collectif, car comme le souligne l’expert Bernard Spitz : «Nous vivons d’ores et déjà dans des sociétés “assurancielles”, où des institutions d’assurance de toutes sortes organisent le contrat social et assurent la stabilité économique.
À l’échelle du XXIe siècle, la compétitivité entre les nations et leur cohésion sociale se joueront sans nul doute sur ce terrain. Le XXe siècle a vu l’assurancialisation des sociétés industrielles et “développées”. Le XXIe va voir celle des pays émergents. Ce sont des milliards d’individus qui, s’enrichissant, disposant d’un patrimoine, voulant accéder aux services de santé, vont s’ouvrir à l’assurance, sans disposer pour autant avant longtemps d’un filet de protection sociale équivalent au nôtre. Plus une société se développe, plus son rapport au risque se modifie avec une aversion croissante, une intolérance de plus en plus fondamentale, à des risques qui semblent croître en nombre et en complexité.» D’où l’importance de l’assurance «qui est née d’une idée formidable, nous dit Marcel Mulumba-Kenga Tshielekeja, auteur de «L’assurance catalyseur de développement». Cette idée formidable, c’est celle de la solidarité participative. Devant les nombreux risques qui menacent toute entreprise humaine, nous sommes plus forts si nous acceptons de mettre ensemble les aléas qui peuvent nous toucher individuellement. «Ce partage du risque, dit-il, est au cœur du fonctionnement de l’assurance. Et face aux nombreux risques qui menacent toute entreprise humaine, nous sommes plus forts si nous acceptons de mettre ensemble les aléas qui peuvent nous toucher individuellement. Ce partage du risque est au cœur du fonctionnement de l’assurance, assure M. Mulumba». Lire également l’article de notre envoyé spécial à Marrakech