11 Avril 2012 À 15:45
Au cœur de la Médina de Casablanca, il est 13 heures. Bruits, klaxons et appels des marchands en tous genres. Mais un peu plus loin, vers les bazars, une autre atmosphère, moins bruyante. Un silence de mort. Pas un visiteur. Des objets multicolores, tapis et couvertures multiformes, des bonnets ornés de cauris blancs, des odeurs de cuir et de bois.
«L’activité ne se porte pas au mieux». C’est Haj Brahim, un ancien commerçant, très courtois, qui se plaint de la situation. Bien installé dans son bazar, ce natif de 1934 occupe cette place depuis l’âge de 11 ans. Assis sur sa chaise, petit bonnet rouge sur la tête, cet octogénaire se souvient du bon vieux temps. Ce temps où vendre ces objets d’art était lucratif. Une situation très différente de celle qu’il vit actuellement. Deux principales causes : La «rareté des touristes à Casablanca» et le «manque de créativité des artisans», fait-il savoir.
À cela s’ajoute «une absence de publicité pour l’artisanat marocain en général», nous confie-t-il. Un contexte difficile, vu qu’auparavant les objets d’arts et traditionnels constituaient de véritables gagne-pain pour les artisans et les revendeurs. La preuve : «des objets peuvent rester un à deux ans sans être écoulés, comme ce vieux tambour qui peut coûter jusqu’à trois cents dirhams», se désole-t-il en pointant du doigt un vieil instrument de musique traditionnelle accroché en haut à l’entrée.
Ce calvaire que vivent actuellement les gérants des bazars s’explique aussi par la place grandissante des objets modernes dans la décoration des salons. Avec une clientèle plutôt intéressée par les créations modernes, les bazars ne vendent plus que de petits vases, des tapis, des couvre-lits… La clientèle est de moins en moins intéressée par certains objets, considérés aujourd’hui comme des «antiquités». Haj Brahim se rappelle qu’il pouvait écouler jusqu’à une centaine de pièces par an. La raison ? «Beaucoup de bateaux faisaient escale à Casablanca et amenaient nombre de touristes», c’est ce qui faisait vivre les bazars. Et les vendeurs se frottaient les mains.
Entre temps, c’est le changement à Casablanca qui a eu un impact sur les bazars. La ville, dont la modernisation s’accélère, est aujourd’hui bombardée d’hôtels, d’agences de voyages, de banques. Pas trop de place pour l’artisanat. Comparée à Marrakech ou Fès, la ville de Casablanca n’attire pas autant de touristes. «Allemands, Italiens et Français… optent pour d’autres destinations», précise Haj Brahim d’un ton pas vraiment enthousiaste.
En outre, les impôts élevés constituent un handicap de taille pour les gérants de bazar, dont les revenus ne sont pas si importants. «L’État devrait revoir la taxe à la baisse». Mais à la question pour savoir le montant et la nature de l’impôt incriminé, Haj Ibrahim ne répond pas.