12 Avril 2012 À 16:42
Une maladie, peut-être, mais une pathologie certes, car rares sont ceux qui la considèrent comme telle. La mythomanie a souvent été une façon de parler pour décrire un menteur ou un vantard qui nous abreuve de ses imaginaires exploits sportifs, de ses inexistantes performances professionnelles d’où la tendance de certains à embellir la réalité pour se rendre plus intéressants aux yeux des autres, plus aimables. Mais contrairement au vrai mythomane, ceux-ci savent pertinemment qu’ils mentent et sont prêts à le reconnaître.
Ce n’est pas le cas de Kaoutar ou du mythomane en règle générale. La mythomanie se définit par une tendance pathologique à avoir recours aux mensonges sans même en avoir conscience. «Comme son nom l’indique, la mythomanie est une tendance à croire et faire croire des choses qui sont de l’ordre du mythe», explique Dr Fouad Benchekroune, psychiatre à Rabat. «La mythomane donne une idée erronée aux autres et se donne une idée de lui qui n’est pas la bonne, en croyant que cette idée est la réalité», continue le spécialiste. En effet, le mythomane ne se rend pas compte qu’il ment, incapable de faire la différence entre le fruit de son imagination et la réalité. Les mensonges du mythomane ne sont pas intentionnels et n’ont pas pour objectif de tromper qui que ce soit. Ils permettent au mythomane de faire accepter sa réalité et son imaginaire aux autres, pour mieux justifier leurs existences. Ferdinand Dupré distinguait 4 types de mythomanies : la vaniteuse (la personne se vante), l’errante (la personne ne cesse de fuir), la maligne (compensation d’un complexe d’infériorité par des médisances) et enfin la perverse (fabuler pour escroquer).
Considérée parfois comme étant une simple maladie, la mythomanie peut également être symptomatique de désordres psychiatriques plus ou moins graves comme la psychose ou encore la névrose. Elle sera dans ces cas associée à toute une série de signes caractéristiques de ces troubles. «Les causes sont multiples et variables, mais elles sont souvent inconscientes puisqu’il s’agit réellement d’une adéquation entre l’être et le paraître», explique le Docteur Benchekroune. La mythomanie est une véritable pathologie qui peut également être le symptôme d’un désordre psychiatrique plus ou moins grave, névrotique ou psychotique. Comme la plupart des affections psychologiques, tout débute dans l’enfance lorsque les enfants découvrent que les adultes ne savent pas tout, et qu’il est donc possible de les duper. Ils manipulent suffisamment bien le langage pour abuser les grands et obtenir ce qu’ils désirent : éviter une punition ou obtenir une part de gâteau en plus… C’est la grande découverte du pouvoir du mensonge qui ne s’achèvera pour ainsi dire jamais, mais le mensonge n’est pas synonyme de mythomanie. «Le menteur est conscient de son mensonge alors que le mythomane ne l’est pas», explique le spécialiste. De ce fait, reconnaître une véritable mythomanie peut s’avérer difficile, pour deux raisons. La première, c’est qu’il faut savoir discerner un véritable mythomane d’un simple menteur invétéré.
D’autre part, bien souvent, les fabulations d’un mythomane sont suffisamment bien construites pour devenir impossibles à repérer, ce qui fait que le mythomane est rarement découvert. Il n’existe pas de traitement à proprement parler de la mythomanie. Seulement, une analyse psychiatrique pourra aider le sujet à retrouver les causes enfouies dans son inconscient de sa maladie. «Malheureusement, le monde du virtuel aide à ce que les enfants et les adolescents se bâtissent un monde imaginaire plus facilement, un renforcement du décalage entre le réel et le mythe, une possibilité de devenir celui que l’on veut en un clic».
Explications : Docteur Bouchaib Karroumi, pédopsychiatre
«Le dialogue redonne confiance à l’enfant et lui offre l’occasion de ne pas mentir»
❶Pourquoi les enfants mentent-ils beaucoup ?Quand l’enfant commence à se développer sur le plan physique et psychologique, il essaie ses compétences mentales et de communication avec les autres et il essaie aussi de vérifier si ce qu’il dit est convaincant. C’est une forme de vérification, car l’enfant test ses capacités à dissimuler une information et son pouvoir à convaincre l’autre, surtout l’adulte. C’est un phénomène sans gravité, car l’enfant développe sa capacité d’imagination et de vérification, son pouvoir de modifier la position de l’adulte par rapport à un évènement.❷Quelles sont les caractéristiques du mensonge chez l’enfant ?Les mensonges qui reviennent le plus souvent sont ceux concernant les mauvaises notes, les bêtises, ce qui se passe à l’école ou au sein même du foyer. D’un autre côté, il y a des mensonges élaborés qui ont pour intention d’induire l’adulte en erreur. Dans le 1er cas, c’est quelque chose qu’on peut comprendre et réajuster. Dans le 2e cas, il faut se poser la question : pourquoi l’enfant dissimule-t-il la vérité de façon répétée et élaborée ? ❸Comment réagir face à un mensonge ?Très souvent, les parents savent quand l’enfant ment. Il s’agit de demander à ce dernier les raisons qui l’ont poussé au mensonge et essayer de comprendre pourquoi il y a eu recours. S’agit-il d’une peur de la sanction ? Peur du parent ? Problème de honte, d’image de soi ? C’est en donnant l’occasion à l’enfant de s’exprimer sur la cause du mensonge qu’on lui prouve qu’il n’y a pas de mal à se responsabiliser. Il faut privilégier le dialogue, instaurer un climat d’écoute et lui prouver que le parent n’est pas là que pour sanctionner, mais surtout pour accompagner.❹Quand faut-il s’inquiéter ?Il faut s’inquiéter quand le mensonge devient un phénomène récurrent où l’enfant choisit de dissimiler la vérité, de présenter une autre version de la réalité et que cette version remplace la réalité. On rentre dans un comportement qui montre qu’il y a un malaise, dont il faut chercher la cause. Très souvent, les enfants ont recours au mensonge par peur de punitions, sanctions corporelles, il s’agit souvent d’un signe de malaise dans la relation parents-enfants. Il faut donc analyser et revoir la situation, habituer l’enfant à dialoguer, à dire la vérité, pouvoir s’expliquer, donner arguments, sa version des faits sans qu’il y ait peur de la sanction. Il faut habituer l’enfant à reconnaître ses erreurs et lui inculquer la notion de la responsabilité individuelle : «oui, je reconnais ma faute». Le dialogue redonne confiance à l’enfant et lui donne l’occasion de ne pas mentir.