Mon conjoint est un râleur chronique !

Karim mène la vie dure à cause du sale caractère de sa femme. Cette dernière a en réalité le «ngir» dans le sang. Elle râle pour tout et pour rien. Si parfois il essaie de rester zen et compréhensible, des fois il n’en peut plus. «J’aime beaucoup ma femme, mais je déteste son caractère de cochon. Elle aime que les choses soient exactement comme elle les imagine et si jamais il y a le moindre faux pas c’est la catastrophe. Il peut lui arriver de râler, car j’ai bu la moitié du jus d’orange, que j’ai utilisé tel ou tel ingrédient pour cuisiner quand elle n’est pas là. Elle s’emporte car on ne sort pas la semaine... quand elle n’a pas réussi à avoir la robe qu’elle voulait. Elle râle, car le rideau de douche n’a pas été installé deux heures après l’avoir acheté. Elle râle parfois quand je discute avec une autre amie lors d’une soirée...», confie-t-il tristement.

«Nous nous aimons, mais cette mauvaise humeur et cette négativité quasi permanentes nous pourrissent la vie, nous empêchent de profiter des vraies et simples choses. Ces crises de nerfs qu’elle pique nous pompent un maximum d’énergie et me dépriment à force. 

Quand elle n’est pas contente, elle le fait savoir et devient méchante et parfois plus que blessante. J’essaie de supporter autant que je puisse, mais il y a des fois où je me mets hors de moi. Il m’arrive de me mettre parfois à jeter des objets ou crier aussi…», poursuit Karim. Râler, n’a rien d’anormal. Il y a des choses qui nous embêtent, qui nous bloquent, nous déplaisent, nous empêchent d’aller de l’avant… du coup on enrage pour se défouler et faire sortir toute cette frustration qui nous ronge de l’intérieur. Sauf que quand cela devient très fréquent au sein du couple ça peut empoisonner le quotidien.

Certes, ce sont généralement les femmes qui ont une réputation de râleuses, mais cela ne veut pas dire que c’est un trait de caractère qui colle uniquement à la gent féminine. Monsieur aussi peut grogner pour un oui ou un non. Beaucoup d’hommes ont tendance à être d’éternels insatisfaits. De toutes les façons, que ce soit l’homme ou la femme qui a tendance à râler, c’est le couple qui en subit les conséquences. Cela crée des dysfonctionnements parce qu’il n’y a aucun dialogue positif. Pour la personne qui râle, à force d’être négatif et de cumuler les ressentiments, on finit par avoir un effet boule de neige. Pour la personne qui écoute, il est difficile souvent, dans ces conditions, de garder le moral.

Et la tentation est grande de reprocher vivement à l’autre son comportement et de crier aussi, ce qui engendre des problèmes Au lieu de râler tout le temps, il serait judicieux de discuter calmement et dire ce qui nous agace et essayer de trouver des solutions. Aussi, il faut apprendre à relativiser, zapper certaines choses, apprendre à dépasser les petites contrariétés…

Avis du spécialiste : Khalid El Alj, psychiatre-psychanalyste

«On devrait accepter l’autre avec ce qu’il peut apporter»

Pourquoi une personne peut-elle avoir tendance à râler tout le temps ?Nous aurons l’air d’user d’une palissade lorsque nous rappelons que nous sommes tous différents les uns des autres. Il n’est pas nouveau non plus de dire que tout être humain est marqué par l’imperfection, par le manque. Ces deux vérités, découlant l’une de l’autre, nous amènent à comprendre le décalage que chacun peut ressentir entre ce qu’il voudrait être et la réalité de ce qu’il est, entre l’image qu’il a de lui-même et ce qui lui échappe de lui-même, un lapsus au détour d’une phrase, un acte manqué... Nous imaginons bien que l’amour qu’on a pour soi-même pourrait en prendre un bon coup. On peut s’en accommoder ou du moins le garder pour soi-même comme on peut l’extérioriser, le projeter à l’extérieur, ou bien le projeter sur l’autre… Le plus souvent, dans son rapport à l’autre, le décalage est exprimé non pas dans l’hostilité, mais dans la demande d’amour… alors quand on râle, c’est tout simplement pour exprimer qu’on n’est pas aimé comme on l’attend.

Pourquoi les femmes râlent-elles plus ?Deux aspects du lien social pourraient donner cette impression. Le premier est que la femme donne à voir qu’elle tisse plus dans le lien social lorsque l’homme se fait plus esclave de son devoir. Par là, la femme sollicite davantage de l’homme, alors que ce dernier aurait souvent tendance à la mettre devant le fait accompli de ses décisions, lorsqu’il suit en cela certains schémas culturels archaïques… Certains hommes râlent aussi et même souvent par devoir envers leur gent de garder quelque transcendance dépassée de nos jours ou même une rigidité pure est simple… alors que les femmes, lorsqu’elles râlent, semblent souvent vouloir apporter maladroitement la preuve de ce manque dans l’autre dont nous venons de parler.

Que faire pour arrêter de râler et vivre en paix ?Et si l’on acceptait l’autre avec ce qu’il peut apporter et ce qu’il ne peut saisir de ses difficultés ? Et si l’on se mettait à l’écoute de l’autre, en envisageant ce que l’on peut céder pour vivre en intelligente harmonie avec lui, qu’est-ce que cela peut donner ? Ceci dit, malheureusement, nous devrions admettre la limite de ces vœux pieux devant la résistance au changement de ce qui est structurel au fond de chaque personne...