12 Avril 2012 À 17:25
Raymond Aubrac, grande figure de la Résistance française contre les nazis et ami du Maroc, où il a contribué au développement du jeune État indépendant de 1958 à 1963, est décédé mardi soir à l’âge de 97 ans dans un hôpital parisien. Né en juillet 1914, Raymond Samuel, de son vrai nom, rejoint avec son épouse, Lucie Aubrac, les rangs de la Résistance à l’occupation allemande dès 1940. Co-fondateur du mouvement «Libération Sud», il était le dernier survivant des chefs de la Résistance réunis et arrêtés par la Gestapo en juin 1943 à Caluire (centre-sud), notamment leur leader Jean Moulin. Après son arrestation par les Allemands, il s’évade lors d’une opération spectaculaire menée par sa femme, alors enceinte de leur deuxième enfant, et en février 1944, le couple gagne Londres où le général de Gaulle incarnait la Résistance.
Après la Libération, Aubrac, ingénieur des Ponts et chaussées, devient un citoyen actif et organise le déminage de la France au ministère de la Reconstruction, avant de créer un bureau d’études sur les industries modernes qu’il dirigea de 1945 à 1948. Ingénieur formé à l’école des Ponts et chaussées (Paris), Aubrac s’installe au Maroc en 1958 à la demande du gouvernement marocain d’Abdallah Ibrahim et travaille dans le cabinet du ministre de l’Économie de l’époque, Abderrahim Bouabid. En tant que conseiller technique pendant cinq ans, il s’occupe aussi bien de l’implantation de nouvelles industries que du développement de surfaces irriguées. Il crée et organise, dès 1960, l’Office national des irrigations (ONI), ancêtre des Offices régionaux de mise en valeur agricole (ORMVA). Raymond Aubrac participe également au développement de la culture de la betterave sucrière et de la première usine-sucrerie, une suggestion de son ami, le célèbre ingénieur agronome et écologiste tiers-mondiste René Dumont, également installé à l’époque au Maroc où il enseignait à l’Institut agronomique de Rabat. Il participera aussi, des années plus tard, à la création du Centre national de documentation (CND).
Durant leur séjour marocain, son épouse, et aussi célèbre résistante, Lucie, enseigna de son côté pendant cinq ans, au Lycée Moulay Youssef de Rabat. De son passage au jeune Maroc, Aubrac garde de grands souvenirs de la bataille du Royaume pour le développement qu’il évoquera longuement dans ses mémoires «Où la mémoire s’attarde» (1996, 2000). Fort de son expérience marocaine, il rejoint en 1963 l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) en tant que directeur, où il s’occupe, entre autres choses, de la mise en place de bases de données informatiques. En 1975, en tant que représentant personnel du secrétaire général de l’ONU Kurt Waldheim, il avait été chargé de préparer l’aide internationale auprès des populations du Vietnam où Ho Chi Minh était un de ses grands amis. Trois ans plus tard, il rejoignait l’Unesco pour des travaux de coopération internationale. En juillet 2003, il participe à l’appel «Une autre voix juive», qui regroupe des personnalités juives solidaires du peuple palestinien, pour une paix juste et durable au Proche-Orient.