03 Décembre 2012 À 16:27
«C’est un cinéma qu’on ne connait, malheureusement, pas très bien en France. Alors que c’est un cinéma qui a une grande popularité dans beaucoup de pays du monde. Celui-ci produit jusqu’à 1 200 films/an constituant, ainsi, le plus grand producteur dans le monde. Je suis heureuse de rendre hommage à ce cinéma indien qui a offert un aspect unique au 7e art. Car, il a donné naissance à une forme cinématographique qu’on ne trouve nulle part ailleurs. Musique et danse sont, essentiellement, présentes dans le cinéma des Indes. C’est le miroir de la nation, de ses déchirements et ses attachements…», témoigne l’actrice Catherine Deneuve, venue spécialement pour remettre le Trophée d’hommage à la figure emblématique du cinéma indien, le comédien Amitabh Bachchan.Ce dernier n’a pas manqué de remercier S.A.R. le Prince Moulay Rachid de l’avoir invité au FIFM. «Lorsqu’un pays célèbre un autre, cela reflète le respect et l’appréciation. De mon côté, j’exprime ma considération et ma gratitude à ce pays». Il a poursuivi son allocution en précisant que le cinéma indien, lui aussi, a parcouru plusieurs étapes avant de devenir ce qu’il est, actuellement. «À ses débuts, il était considéré par les familles conservatrices comme quelque chose de mal famé. Moi-même, je ne pouvais voir un film que lorsque mes parents me le permettaient. Mais, d’année en année, les choses ont commencé à devenir plus souples et les gens ont tendance à s’ouvrir de plus en plus, sachant que le cinéma est une grande école où l’on apprend beaucoup de choses. J’espère qu’il continuera de créer des passerelles dans le monde», termine Amitabh Bachchan tout aussi ému que la délégation qui l’accompagnait.
Le cinéma marocain applauditLa journée du dimanche a entamé ses activités avec la projection, dans la matinée, du film «Les chevaux de Dieu» de Nabil Ayouch. Un film qui a drainé un grand public, vu sa programmation dans la compétition officielle et, de surcroit, son traitement d’un sujet aussi sensible que celui du terrorisme. En particulier les événements qui se sont déroulés le 16 mai 2003 à Casablanca. Une projection à la suite de laquelle il y a eu différentes réactions. Beaucoup de critiques et cinéastes ont trouvé le film parfait sur le plan technique et même sur le plan de la thématique vu qu’il a abordé le sujet épineux du terrorisme ayant pris naissance dans des quartiers démunis. D’autres ont fait des remarques à propos du traitement du sujet qui nous fait voir un monde musulman ou bien englouti dans la débauche ou manipulé par des mafias de terrorisme. «Le réalisateur a abordé une seule facette du terrorisme, parce qu’il y en a d’autres. Ce n’est pas uniquement la pauvreté et l’inconscience qui donnent naissance à ce fléau, mais il y a beaucoup de facteurs qui entrent en cause».Des avis aussi contradictoires qu’on a pu relever sur cette production très touchante.«J’ai été vraiment choqué par le film, quand j’ai vu la vie de ces gens au sein des bidonvilles. C’est vrai que tout le monde connait ceci. Mais, le fait de le montrer de cette manière cruelle et dans tous ses détails a été un peu fort. C’était dur. Je crois qu’il avait besoin de cela pour nous dire que ces enfants étaient prêts à faire n’importe quoi vu les conditions dans lesquelles ils vivaient. Ils étaient faciles à manipuler parce qu’ils sont faibles et inconscients sans aucune éducation. Sur le plan technique, rien à dire. C’était parfait. En vivant l’histoire, nous nous sommes sentis coupables, parce que c’est de notre faute que ces jeunes sont devenus un creuset du mal. Ils sont tellement délaissés et oubliés qu’ils font n’importe quoi. Le film est un cri d’appel aux responsables pour s’occuper de ces couches qui vivent marginalisées», affirme le comédien Mohamed Merouazi.Deux autres moments émouvants ont marqué la troisième journée du Festival, notamment les deux hommages de la soirée, le premier au regretté Taïeb El Alej et le second au réalisateur, comédien et metteur en scène, Zhang Yimou.
Ce film rappelle un peu celui de «Ali Zaoua». C’est toujours le même concept des couches marginalisées ?Je pense qu’il y a une consanguinité entre les deux films et je l’assume complètement, parce que quelque part les adolescents de ce dernier sont un peu ce que les enfants de «Ali Zaoua» auraient pu devenir. Ils ont des choses à dire, ces marginaux. Ils sont une armée de l’ombre qui a ses codes et ses références. Et si à un moment donné on accepte d’aller de l’autre côté du miroir (parce que Sidi Moumen n’est pas très loin de Casa), il y a beaucoup de choses à comprendre. Mais, je pense que la majorité des gens de la ville n’ont jamais mis les pieds là-bas. Une manière de voir ces jeunes pourra changer radicalement nos points de vue.
Avant Marrakech, le film a tourné dans le monde. Comment a-t-il été accueilli ?Cela fait toujours plaisir de projeter son film sur les écrans d’autres pays, puis de gagner des prix. Je ne vais pas dire le contraire. Mais, sa projection au Maroc a une autre saveur pour moi, d’autant plus que c’est sa première projection ici. Ce que j’ai senti aujourd’hui, je ne l’ai pas senti ailleurs.
Est-ce que vous avez fait ce film pour marquer cette date du 16 mai ou aviez-vous une autre raison ?Je l’ai fait parce que j’étais dans la rue le lendemain des attaques terroristes du16 mai 2003 à manifester avec des millions de gens, à crier «Matqich bladi». J’en ai gardé un arrière-goût de frustration. Mais, il a fallu des années pour me rendre compte d’où venait cette frustration. Je me suis rendu compte que les victimes venaient des deux côtés. Des jeunes de vingt ans qu’on envoie se faire tuer et tuer des dizaines d’innocents avec eux. Ce n’est pas un film qui cherche à excuser ou à pardonner des actes impardonnables. Ce n’est pas le rôle du cinéma et encore moins du réalisateur. Je pense que s’il y a des gens qui doivent pardonner, ce sont bien les victimes. Le rôle du cinéma est d’éveiller et de conscientiser à une réflexion et c’est ce que j’ai fait.
Vous n’avez aucune crainte des répercussions que peut avoir ce film ?Aucune.