Fête du Trône 2006

«La sécurité c’est l’alpha et l’oméga de la politique de l’ONCF»

Chaque jour, ce sont des centaines de milliers de voyageurs qui empruntent le train. C’est dire l’importance de l’aspect Sécurité. L’ONCF a multiplié les tests de bon fonctionnement de ses dispositifs de sécurité, à travers des exercices de simulations. Le dernier test à grande échelle a été réalisé le mardi 28 février dernier, et a porté sur « le déraillement d’un train de voyageurs sur voie principale ».

Akrim El Kbir

18 Mars 2012 À 15:25

Le Matin : On assiste à une multiplication d’incidents, jets de pierre, obstacles sur la voie, traversées anarchiques. Y a-t-il plus d’incidents aujourd’hui qu’auparavant ?Akrim El Kbir : Oui, il y a plus d’actes, mais il y a aussi une forte prise de conscience à notre niveau et le déploiement d’une politique de sécurité qui nécessite de gros investissements. La sécurité, c’est une des priorités majeures et une préoccupation quotidienne de l’entreprise.  Le DG de l’ONCF l’a résumée récemment au cours de la rencontre avec la presse nationale en soulignant que « l’ONCF s’imposait une règle de conduite stricte : intégrer en permanence les exigences de la sécurité dans tous les aspects de l’exploitation ferroviaire, en se fixant des objectifs et en mettant au point des plans d’action opérationnels pour les atteindre ». Pour n’évoquer qu’un seul point, celui des traversées anarchiques, il faut savoir que l’ONCF a procédé à la construction de quelque 150 kilomètres de murs de clôture et d’une trentaine de passerelles pour empêcher les gens de traverser.«Les utilisateurs de navettes et de trains longues distances sont souvent très perturbés par des jets de pierre qui peuvent causer des préjudices physiques et des traumatismes. Que faites-vous pour lutter contre ce phénomène ?»Des enquêtes ont été réalisées en collaboration avec les autorités pour localiser les points noirs qui se situent dans les grandes agglomérations urbaines. Ces actes sont généralement le fait de jeunes adolescents habitant les environs du passage des trains. Nous avons procédé à des campagnes de sensibilisation dans les écoles.Qu’en est-il des pierres posées à même les rails ?Cela nous cause des désagréments. Le conducteur du train active le freinage d’urgence et le train qui pèse plus de 80 tonnes avec les wagons qui en pèsent plus doivent freiner d’urgence. Tout cela cause des désagréments de conduite et surtout du retard. Avec la construction de murs, de passerelles et l’installation de fils barbelés, de grandes zones sont déjà interdites d’accès. L’ONCF dispose également d’un contingent de plus de 150 policiers ferroviaires qui participent à la sécurisation des lignes de chemins de fer et fait également appel à des sociétés de gardiennage privées dans les points noirs.

Toujours à l’extérieur des trains, comment procédez-vous au niveau de la surveillance à l’intérieur des  gares ? Nous avons des systèmes de vidéosurveillance et nous faisons appel aux services de sociétés privées en plus de nos propres agents de police ferroviaire. Les actes de malveillance ont lieu surtout dans les gares des grandes villes où la surveillance s’est accrue. La sécurité commence à l’entrée des gares, où s’effectuent les premiers filtres des voyageurs.Qu’en est-il à l’intérieur des trains ?Il est rare d’enregistrer des actes de malveillance à l’intérieur des trains. La police ferroviaire et les éléments des sociétés privées veillent au grain. Il y a également une vigilance collective des voyageurs qui dissuade en général ces actes.Le gros point noir étant les passages à niveau non gardés ? Le passage à niveau, c’est l’intersection entre une route et une voie ferrée. Nous avons des passages à niveau gardés et des passages à niveau non gardés et il y a une législation qui précise les responsabilités de chacune des parties concernées. Les personnes qui veulent traverser le passage à niveau à pied ou en voiture oublient souvent que la vitesse du train atteint jusqu’à 160 km, et que tout va très très vite, même si le train parait bien loin ! C’est pour cela que l’on donne toujours la priorité aux trains et c’est celui qui traverse qui est responsable. C’est à lui de s’assurer, avec les instruments de signalisation, s’il peut ou non traverser.

Quel est le nombre des passages à niveau et qu’en est-il de la politique de suppression de ces PN ? Nous avons 399 passages à niveau dont 36 gardés et 363 non gardés. Le programme national de suppression des passages à niveau et leur remplacement par des ouvrages de substitution figure parmi les priorités de la stratégie de l’ONCF et vise à renforcer la sécurité des riverains et des circulations tout en améliorant la fluidité des déplacements urbains et périurbains. L’objectif de ce programme est de réduire de 50 % le nombre de passages à niveau qui sont là depuis longtemps à travers le réseau national et de 100 % dans les agglomérations à forte densité tel que le Grand Casablanca. Nous avons noué dans ce sens des conventions de partenariat avec les communes, avec les conseils régionaux, les conseils provinciaux, le ministère de l’habitat, le groupe Al Omrane,  pour mener à bien ce plan de suppression des passages à niveau qui représentent des dangers pour la sécurité de personnes et des véhicules.Par rapport à des moyennes internationales, comment se situe le Maroc ? Selon les statistiques de l‘Union internationale des chemins de fer, nous avons au Maroc une densité  moyenne de 23  par 100 Km de voie alors qu’en Algérie on en compte sur la même distance 61 passages à niveau, 53 en  Belgique 53,78 en Espagne et 59 en  France. Depuis 2005, près de 42 % du programme global a été réalisé correspondant à la suppression de 77 passages à niveau, soit une moyenne de 14 passages à niveau par an pour un coût de 700 millions de DH d’investissement alors qu’entre 1990 et 2004,  seuls 2 passages à niveau étaient supprimés par an. Ces passages à niveau ont été remplacés par 67 ouvrages d’art : passerelles pour piétons, ponts-rails et ponts-routes… Avec ce plan, nous avons pu diminuer de 60 % le nombre d’accidents entre 2005 et 2009. Avec notre plan 2010-2015, nous prévoyons de supprimer 118 passages à niveau pour un montant de 500 millions de dH. Entre El-Jadida et Casablanca, il n’y aura plus de PN. Il faut aussi souligner que les nouvelles lignes récemment mises en service en l’occurrence la connexion de Tanger Med et la ligne de Nador ne comptent aucun passage à niveau.Il y a eu récemment un accident de train en Pologne qui a  mis en cause le système de sécurité ferroviaire. Qu’en est-il à l’ONCF de la sécurité liée au système ferroviaire lui-même ?La sécurité qui est la priorité absolue de l’ONCF est un système global, c’est aussi l’atout du chemin de fer par rapport aux transports routiers. Depuis 2007, nous avons enregistré deux accidents liés au système ferroviaire. Dans nos routes, nous avons plus de 60 000 accidents par an  et c’est en moyenne 4000 morts par an. Dans nos enquêtes de satisfaction, la sécurité vient en premier lieu avec un taux de satisfaction de 87 % ! Au-delà de ces satisfécits, qu’en est-il de la sécurité liée au système lui-même ? Ce système repose sur les installations techniques, sur l’élément humain et sur les procédures d’organisation. Ce que peu de gens savent, c’est que 60 % des 7800 agents et salariés de l’ONCF sont affectés à la sécurité. D’autre part, 60 % de l’ensemble de la formation globale est dévolu à la sécurité. Quand un voyageur monte dans un train, il peut remarquer que la climatisation ne fonctionne peut-être pas, mais il ne voit pas l’aspect sécurité qui est notre priorité absolue. Le chef de sécurité ou ceux qui assurent cet aspect subissent trois examens, médical avec une périodicité de deux à trois ans avec les médecins des chemins de fer, examen psychotechnique avec la même périodicité et enfin examen professionnel annuel.C’est à ce moment qu’il pourra obtenir sa carte d’habilitation pour être opérationnel en matière de sécurité. Nous prenons toutes les garanties possibles, même si le zéro risque n’existe pas. Pour limiter ces risques, nous portons une attention particulière aux équipements, les installations techniques, les systèmes de signalisation qui sont chez nous parmi les meilleurs. Au cours du plan 2005-2009, nos investissements en matière d’équipements et de signalisation ont atteint 1,7 milliard de DH et lors du dernier plan, ces investissements ont atteint 1,2 milliard de DH.Vous avez procédé à des exercices de simulation, le dernier test à grande échelle a été réalisé le mardi 28 février dernier, et a porté sur « le déraillement d’un train de voyageurs sur voie principale ». Quelles conclusions en tirez-vous ?Le système ferroviaire est proactif. Nous faisons de la prévention, nous mettons l’accent sur la formation, nous nous équipons en systèmes de signalisation des plus performants… Maintenant, avec tous ces principes de précaution, il peut y avoir des dysfonctionnements.

 Il faut un système de correction. En cas d’incident ou d’accident, il faut une gestion de catastrophe et c’est dans ce sens que nous avons fait à grande échelle ce test portant sur « le déraillement d’un train de voyageurs sur voie principale ». Cela nous permet de tester, nos directives, nos procédures,  notre organisation des secours. Nous avions l’habitude de procéder à des tests, mais cela reste en général en interne. C’est la première fois que nous l’avons fait à cette échelle de grandeur et en partenariat avec différents intervenants, équipes ONCF, préfecture des arrondissements de Aïn Sebaâ - Hay Mohammadi, direction de la Protection civile, Caserne de Aïn Sebaâ, préfecture de police de Casablanca - arrondissement de police de Aïn Sebaâ-Hay Mohammadi, services de santé (Centre hospitalier Mohammed V, délégation régionale), Croissant-Rouge marocain et Forces Auxiliaires. Cela a été pour nous l’occasion aussi de vérifier le bon fonctionnement ORSEC-ONCF et d’identifier les dysfonctionnements.Quels ont été les points faibles et les points forts de l’exercice ? Le point fort et ce que nous avons beaucoup apprécié, c’est le déclenchement du Plan ORSEC. C’est une mobilisation extraordinaire et son déclenchement est relativement simple. Je rappelle qu’ORSEC est l’acronyme d’Organisation de la réponse de sécurité civile, un système polyvalent de gestion de la crise organisation des secours et recensement des moyens publics et privés susceptibles d’être mis en œuvre en cas de catastrophe. Le plan ORSEC formalise l’intervention et le rôle de chaque intervenant. À côté du gouverneur, se tiennent les responsables intéressés par l’accident. Et quand les responsables décideurs sont là, le commandant des sapeurs-pompiers, on sait que les décisions prises seront exécutées le plus rapidement possible. Quand le gouverneur est là, vous avez les moyens d’intervention et l’information. Le déclenchement du dispositif ORSEC-ONCF  permet une des meilleures gestions possible de toute catastrophe. L’exercice que nous avons réalisé en grandeur nature nous a permis de voir qu’est-ce qui marche, quels sont les dysfonctionnements et quels sont les points que l’on peut améliorer. Chaque point est important, car pour les secours, chaque minute compte. L’exercice aussi nous a permis d’évaluer la coordination qui est une exigence. Nous avons l’habitude, chacun, de travailler dans son coin, chacun avec ses moyens. Or la coordination nous permet de créer une formidable synergie, une mutualisation et une optimisation des moyens et une bonne déclinaison des directives. Cela permet aussi de tester des procédures, de voir si chacun se les est appropriées. Une grue par exemple que l’on peut utiliser coûte 20 millions de DH, il faut donc suivre sa maintenance, il faut l’utiliser pour garder la main… Nous avons un outillage de désincarcération pour extirper les personnes de la tôle. On doit remettre cet outillage aux sapeurs-pompiers ou travailler avec eux en symbiose. Tout cela nécessite des schémas, des points de localisation, des schémas de parcours pour permettre aux équipes d’accéder facilement à l’endroit de l’accident. Sachant que les endroits sont souvent difficiles d’accès. Il faut en même temps que tout le monde travaille ensemble.Qu’est-ce qui vous a marqué dans cet exercice ? Beaucoup de choses, mais j’ai remarqué que les sapeurs-pompiers nous ont impressionnés par leurs moyens et par la qualité de leur organisation, par le fonctionnement de leur main courante qui est remarquable. Après cet exercice, on a fait une évaluation en interne pour mettre en avant les dysfonctionnements et les points à améliorer. Le même exercice a été fait par le gouverneur avec tous les services qui ont participé à ce test de grande échelle et nous nous sommes tous mis au travail pour améliorer certains points.

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