17 Octobre 2012 À 17:26
Le colloque organisé par l’Institut CDG, qui s’ouvre aujourd’hui à Skhirat sous le Haut patronage de Sa Majesté le Roi, s’inscrit dans le sillage de cette lutte contre la précarité et se tient sur le thème : «Extension de la protection sociale pour une cohésion sociale et un développement durable». Le débat sur la protection sociale et sur son extension éventuelle à d’autres catégories sociales s’est amplifié dernièrement, conséquence des effets de la crise économique et financière. Ce débat ne ménage aucun effort à mettre en exergue certains articles inscrits dans la Déclaration universelle des droits de l’Homme, notamment ses articles 22 et 25. Ces articles considèrent que le droit à la protection sociale est un droit humain. Cette reconsidération est née d’un changement de perception qui fait que les régimes de sécurité sociale sont reconnus comme étant des stabilisateurs sociaux et économiques fondamentaux. D’où l’idée du socle de protection sociale qui signifie que chaque pays doit d’abord assurer un minimum de couverture sociale pour l’ensemble de la population pour ensuite améliorer le niveau de ces services.
Le rapport mondial sur la sécurité sociale 2010-2011, qui a donné lieu à une série d’autres rapports sur la couverture sociale dans plusieurs pays du monde, donne à la notion de sécurité sociale deux dimensions, à savoir : «la sécurité des revenus» et «l’accès aux soins médicaux». Dans ce rapport, même s’il existe un certain niveau de protection sociale dans tous les pays, la couverture sociale diffère selon le niveau de revenu de chacun. Ainsi, seuls 28% de la population mondiale présentent des systèmes de protection sociale étendus à l’ensemble des branches, conformément à la convention n°102 sur la sécurité sociale.De même, si 75% des personnes de 65 ans et plus perçoivent, dans les pays à haut revenu, une certaine retraite, 20% seulement dans les pays à faible revenu en bénéficient. Au Maroc, et pour remédier à ces distorsions sociales, certaines mesures ont été mises en place pour lutter contre la vulnérabilité et l’exclusion sociale. Cette volonté a été concrétisée d’abord par la mise en place de l’Assurance maladie obligatoire (AMO), qui a touché jusqu’à présent 5,9 millions de Marocains, et le RAMED qui vient d’être lancé et qui concernera 8,5 millions de citoyens. Il reste que le chantier est immense et l’extension de la protection sociale devient «une impérieuse nécessité» pour la cohésion sociale.
Le colloque organisé par l’Institut CDG et le pôle de Prévoyance, le 18 et 19 octobre sur l’«Extension de la protection sociale : pour une cohésion sociale et un développement humain durable», sera animé par des ministres, des chercheurs et des spécialistes de renom et de divers horizons, et ambitionne d’atteindre cinq objectifs : mettre l’accent sur l’importance et les bienfaits de l’extension de la protection sociale ; susciter un débat de fonds sur l’avenir de la protection sociale au Maroc ; confronter les diverses réflexions et analyses développées par les chercheurs en même temps que les points de vue des différents acteurs de la protection sociale ; reposer la question des frontières entre les différents dispositifs de protection sociale ; échanger les expériences en matière de mise en œuvre du Socle de protection sociale.
Le Matin : Comment percevez-vous l’importance de cette conférence en tant que représentant du ministère des Finances ?Mohamed Ahmed Maait : Le Printemps arabe a montré que sans justice et protection sociales, il ne peut y avoir de paix sociale au sein de la communauté et entre les citoyens. Depuis peu, il y a une tendance mondiale, appuyée par la plupart des institutions internationales et financières qui lient les politiques économiques avec des financements de projets pour l’élévation du niveau de la protection sociale, le développement humain et la réduction de la pauvreté. Il a été reconnu que la croissance économique et les programmes de protection sociale se renforcent mutuellement, car les objectifs principaux de l’extension des socles de protection sociale vont dans le sens de la lutte contre la pauvreté extrême, la réduction des inégalités sociales, l’amélioration de la viabilité des systèmes de sécurité sociale et la transition vers le secteur formel. Ceci passe par l’élaboration et la déclinaison de programmes complets de soins de santé et d’éducation, ce qui permet d’avoir des sociétés en bonne santé, instruites, sécurisées, avec des capacités de travail et de production. Il est maintenant reconnu que toute bonne croissance économique doit promouvoir la justice sociale et la protection sociale pour tous les citoyens d’un pays donné.
Par conséquent, nous au ministère des Finances d’Égypte, nous estimons que ce Colloque international portant sur l’Extension de la protection sociale, pour une cohésion sociale et un développement durable, organisé à Skhirat, est tout à fait opportun et nécessaire afin d’enrichir ce concept dans le monde arabe. L’importance de cette conférence est de mettre en évidence l’intérêt de l’extension de socles de protection sociale dans le monde arabe en explorant les enjeux et les défis auxquels sont confrontés ses systèmes actuels et la façon dont ces mêmes systèmes peuvent être réformés et étendus en termes de prestations à une majorité de citoyens de manière efficace et efficiente. En outre, l’exploration des différentes formes d’extension de la couverture sociale et les expériences d’autres pays qui ont pris des mesures majeures en ce sens nous permettront de mettre en évidence les corrélations entre la protection sociale et la croissance économique durable et la manière dont les premiers influent sur le développement. Dans le contexte actuel, quelle importance doivent donner les pouvoirs publics à l’extension de la couverture de la protection sociale dans le monde arabe ?L’extension de la couverture de la protection sociale présente de nombreux avantages. Initialement, la protection sociale est un droit humain qui doit être garanti pour tout le monde. L’extension des socles de la protection sociale est devenue cruciale pour l’incitation à l’emploi et une nécessité économique et sociale pour le développement et le progrès des sociétés. En particulier, les pays arabes font face à des défis croissants et qui nécessitent d’importantes réformes de leurs programmes et de leurs stratégies de protection sociale. Si ces défis sont convenablement pris en compte et gérés, ces systèmes seront en mesure de fournir pour les générations actuelles et futures un niveau adéquat de prestations tout en traitant chaque génération de manière juste.L’extension de la protection sociale dans le monde arabe doit désormais être considérée comme un important outil pour réduire les niveaux de pauvreté, les inégalités et l’insécurité sociale, mais aussi pour promouvoir l’égalité des chances et l’équité entre les genres et les races. La protection sociale favorise la transition de l’informel vers le secteur formel et peut être considérée comme un investissement dans les ressources humaines qui les protègent des changements des conditions économiques et des conditions sur le marché du travail. La protection sociale est un facteur clé de prospérité des pays auquel le monde arabe doit attacher une grande importance. Nos pays arabes doivent reconnaître que sans un programme décent et juste de protection sociale qui inclue tous les éléments de la protection sociale, il n’y aurait pas de paix sociale dans ces pays, ni de croissance économique soutenable.En prenant l’exemple de votre pays, quelles sont les étapes que l’Égypte a entreprises pour l’extension de la couverture de la protection sociale ?L’Égypte a mis en place de nombreuses mesures afin de configurer des programmes de système universel de protection sociale qui couvrent plus d’Égyptiens et de leur fournir des prestations minimales, en particulier après le 25 janvier 2011. Certaines de ces initiatives ont été suspendues en raison des conditions politiques et économiques en Égypte, d’autres sont en cours d’exécution.Certaines de ces initiatives ont trait à l’introduction d’une nouvelle assurance universelle de santé sociale qui couvre l’ensemble de la population par l’assurance-maladie sur 24 heures en cas d’urgence, financée par l’État pour l’accès à tout hôpital en Égypte. Sont également inclus, les femmes pauvres et les enfants en âge préscolaire dans ce programme d’assurance-maladie. L’introduction d’un nouveau système d’assurance et de retraite avec des prestations plus généreuses et un système financièrement viable vise à assurer un bon revenu de remplacement pour les citoyens lorsqu’ils sont à la retraite. Ce système permet aux retraités de garder le niveau de vie qu’ils avaient avant la retraite. Une autre initiative importante est relative à l’augmentation de faibles pensions qui se situent en dessous de 360 livres égyptiennes par mois. Le Trésor complète chaque rente dont la valeur est inférieure à ce seuil, pour les personnes couvertes par le système de retraite.
Les versements relatifs aux pensions et à l’assistance sociale ont également été augmentés de plus de 50% en moins d’un an et demi. Cette action contribue à réduire la pauvreté auprès des personnes âgées. Dans ce sens, il faut évoquer la mise en place d’une pension universelle entièrement financée par le Trésor au profit de tous les Égyptiens âgés de 65 ans et plus et qui n’ont pas de source de revenus stable et la création de nouveaux avantages sociaux solidaires au profit de ceux qui sont dans le besoin et ceux qui prennent leur retraite sans disposer d’une source de revenus.