09 Décembre 2012 À 15:09
Le Matin : Le projet de l’Université euro-méditerranéenne de Fès a été souhaité par Sa Majesté le Roi et sa mise en œuvre vous a été confiée en 2011. Le 24 novembre s’est tenue à Fès l’assemblée générale constitutive. Est-ce que cette université sera conçue sur le modèle de l’Université euro-Med de la Slovénie ?Pr Mustapha Bousmina : Le projet de l’Université euro-méditerranéenne émane de l’initiative royale, formalisée par une lettre adressée par Sa Majesté à la coprésidence franco-égyptienne de l’Union pour la Méditerranée (UpM) en 2008. Cette initiative a été saluée et adoptée par 43 ministres des affaires étrangères issus des pays membres de l’UpM. L’Université a eu le label de l’Université euro-méditerranéen de Fès en juin 2012 et elle est la deuxième dans le pourtour méditerranéen à avoir bénéficié de ce label après celle de la Slovénie. Mais l’Université euro-méditerranéenne de Fès va fonctionner selon un modèle un peu différent. L’université de Slovénie est une université virtuelle, alors que notre Université sera intramuros, avec un campus où vont se mélanger différentes nationalités, dans cette ville millénaire qu’est la ville de Fès. On on va donner un visage international à la ville et, par ricochet, à la région et au Maroc, renforçant ainsi son rôle dans le pourtour méditerranéen.Comment sera organisée cette université ?L’Université est basée dans son fonctionnement sur dix piliers. Je ne vais pas les rappeler tous, mais je vais citer ce qui fait la différence de cette université. Premièrement, nous allons consacrer 70% à l’ingénierie. C’est-à-dire à des formations tournées vers le tissu socio-économique et jouant pleinement leur rôle dans le développement local, régional et national. Les 30% des formations restantes sont dédiés aux sciences humaines et sociales. La deuxième innovation consiste à donner un caractère quantitatif aux sciences humaines et sociales (SHS) enseignées au sein de l’Université. C’est ce que nous appelons l’ingénierie des SHS. Par exemple, au lieu de faire de l’économie comme on l’enseigne actuellement avec beaucoup d’histoire et de philosophie, ce qui est bien, notre université va faire de l’économétrie avec des moyens quantitatifs et d’analyse. Aussi, au lieu d’enseigner l’architecture, on va enseigner l’ingénierie de l’architecture et toutes les autres formations utiliseraient les moyens modernes des technologies de communication et d’information ainsi que des outils scientifiques en matière de recensement, d’enquête, d’acquisition et de traitements de données. La troisième innovation est que nous n’allons pas avoir des départements, mais des programmes. J’étais déjà directeur de département universitaire au Canada et je sais de quoi je parle. Au sein des départements, par exemple de génie électrique, de génie mécanique ou de génie chimique, les gens sont cloisonnés et ils s’enferment dans une logique de départements. Et puis quand les effectifs des étudiants diminuent, on se retrouve avec des départements avec peu d’étudiants et des professeurs qui n’ont pas beaucoup d’effectifs. Nous allons, de ce fait, travailler par programmes. Par exemple : nous avons un programme sur l’énergie solaire, on fait ainsi intervenir un spécialiste en génie mécanique, un autre en génie électrique, en génie chimique ou génie des matériaux. De fait, j’optimise les ressources matérielles et humaines, j’élimine les barrières qui sont artificielles et j’encourage l’inter et le pluridisciplinaire.Quelles seront les langues d’enseignement ?Les langues d’enseignement seront le français, l’anglais et l’arabe, parce qu’il y a une demande de certains pays euro-méditerranéens qui veulent que l’arabe soit inscrit et j’en suis très content. Il y a aussi l’espagnol. Mais l’anglais va être enseigné à tous les niveaux et dans les différents cursus et programmes.Est-ce que l’accès sera payant ?Pour le moment, je ne peux parler de cela. Mais on va consacrer au minimum 20% des bourses aux meilleurs étudiants issus de milieux modestes.Et quand commenceront les formations ?L’Université ouvrira ses portes en 2015. Mais on va commencer la recherche à Fès dès 2013, dans des locaux provisoires, avec des chercheurs qui viendront de partout. Et on va implémenter des formations au fur et à mesure que les constructions avanceront.Quel sera le statut de cette Université ?L’Université est créée sous forme de fondation, et ce, pour qu’on puisse avoir à la fois l’investissement public et privé, pour avoir des donations et pour aussi avoir de l’investissement national et international. C’est une façon beaucoup plus flexible parce qu’avec une université publique je ne pouvais pas engager des professeurs français, anglais et allemands, alors que cette façon de faire me permet d’engager les ressources compétentes là où elles sont. L’Université ne sera pas non plus privée parce que cela la priverait de l’investissement de l’État. Et puis l’Université n’a pas l’ambition de gagner de l’argent. Son objectif est d’aider le pays à se développer et s’il y a des bénéfices, ils seront investis dans la recherche au profit de Fès, la région et le Maroc.Certains politiques de Fès se sont approprié le projet de l’Université et s’imposent pour participer à sa mise en œuvre. Cela ne risque-t-il pas de handicaper ce projet ?Je ne suis dans aucun parti politique et tous ceux qui peuvent aider à la réalisation de ce projet sont les bienvenus. Je vous avoue que depuis que j’ai été nommé par Sa Majesté pour la mise en œuvre de ce projet, tout le monde m’a aidé, indépendamment des couleurs politiques et je les remercie. L’Université n’est pas un projet politique, c’est un projet qui bénéficie de la bienveillance et de la Présidence d’honneur de Sa Majesté. Ce qui nous incite à faire beaucoup d’efforts et à réussir ce projet important pour Fès, la région et le Maroc.