Fête du Trône 2006

Le congrès mondial adopte la déclaration de Tanger

Les Cheminots du Maghreb sont prêts pour l'ouverture des frontières entre le Maroc et l'Algérie.

21 Octobre 2012 À 15:30

Une croissance de la demande de transport, en dépit de la crise qui affecte la plupart des marchés, avec des tendances à moyen terme qui sont positives pour le transport mondial des marchandises. Une faible part du rail dans les échanges inter-continentaux. Une attente positive des acteurs logistiques espérant un rôle renforcé du fret rail. Le besoin d’une meilleure prise en compte des exigences des clients en termes de régularité, de fiabilité et de flexibilité... Ce sont là quelques-unes des constats relevés par les congressistes, les cheminots, les opérateurs de la logistique... participant à la troisième édition du Congrès mondial sur le fret ferroviaire et la logistique (GRFC) tenue à Tanger jeudi et vendredi.

Congrès qui a été d'ailleurs clôturé par la déclaration de Tanger et un message de fidélité et de loyauté adressé à S.M. le Roi (les travaux de ce congrès ont eu lieu sous le Haut patronage de S.M. le Roi). Les participants se sont ainsi séparés en ayant deux convictions qu'ils ont, d'ailleurs, intégrées dans l'Appel de Tanger. La première vient du fait qu'ils ont admis que le fret ferroviaire est le maillon fort des chaînes logistiques. Et ce, à travers notamment sa pertinence sur la longue distance, sa forte capacité à massifier les volumes à transporter, et ses atouts indéniables en matière de développement durable. La deuxième conviction consiste dans le fait qu'il reste encore des efforts à consentir pour surmonter les handicaps liés à la prestation limitée à la seule traction ferroviaire. Mais aussi pour faire face au manque de synchronisation des flux d’informations avec les flux du transport réel et au faible niveau d’interopérabilité modale et extra-modale.

Lors de la séance de clôture, Mohamed Rabie Khlie, directeur général de l’Office national des chemins de fer (ONCF) et président de l’Union internationale des chemins de fer-région Afrique, a évoqué la réalisation d'une étude au niveau de l'Afrique pour aider au développement du secteur ferroviaire, étude engagée par l'Union internationale des chemins de fer (UIC) dans le cadre de la vision 2025. Cette étude fait un diagnostic de la situation ferroviaire en Afrique. Les premières conclusions montrent qu'à l'exception des pays du Maghreb et l'Afrique du Sud, la situation des réseaux est assez en retard. Cette étude a ainsi permis de recenser les entraves qui handicapent le développement du ferroviaire. À travers cet état des lieux, l'on a essayé de décliner une vision en plans d'action et on a cherché à les faire porter par les sous-régions. «L'UIC Afrique est en train d'essayer de faire porter cette vision par les sous-régions pour s'assurer de son déploiement. Mercredi dernier avait eu lieu le lancement de l'Appel de Tanger (pour l'Afrique) qui consiste à sensibiliser les décideurs et les pouvoirs publics de ces pays à l'intérêt et l'opportunité que représente le fait de restructurer et de développer le secteur ferroviaire en Afrique», explique Rabie Khlie. Selon lui, dans ce contexte, le rôle de l'UIC est beaucoup plus de sensibiliser : «Car la stratégie de l'Union ne peut pas être vue comme un plan d'action d'une entreprise, qui est donc plus facile à mettre en application», nous-t-il dit.

Par ailleurs, en ce qui concerne les pays du Maghreb, qui sont un peu plus en avance dans le continent africain, se pose la question de la fermeture des frontières où ce sont des opportunités qui partent en fumée. Or il y a une bonne dynamique au sein des pays du Maghreb. Les instances ferroviaires des pays maghrébins se rencontrent au moins une fois par mois, au niveau des responsables des chemins de fer de la région. Il y a aussi des commissions qui traitent d'un certain nombre d'activités. Il existe la sous-commission voyageurs, la sous-commission marchandises, la sous-commission ressources humaines et la sous-commission sécurité. Ces entités se réunissent régulièrement pour échanger les bonnes pratiques de leurs réseaux. Mais aussi pour préparer, sur le plan opérationnel, l'ouverture des frontières afin que les cheminots du Maghreb soient prêts à cette éventualité à tout moment. C'est une réalité, si les frontières s'ouvrent, il y aura beaucoup d'opportunités d'échange entre les pays de la zone maghrébine. Pour l'instant, les cheminots travaillent entre eux seulement pour échanger les bonnes pratiques, partager autour des investissements réalisés dans chaque pays, de manière à ce que, au moins, en termes d'état d'esprit on ait des choses partagés entre les opérateurs cheminots.

Dans ce sens, Rabie Khlie affirme que la connexion ferroviaire a bien fonctionné entre 1988 et 1994, lorsque les frontières étaient ouvertes. «Maintenant, si la décision d'ouvrir les frontières est prise, il nous faudra seulement un à deux mois afin de retaper et réviser le tronçon entre Oujda et Zouj Bghal pour pouvoir faire circuler les trains. En principe, nous, nous sommes prêts», a-t-il déclaré au «Matin».


 Quatre questions à : Henry Des Longchamps, responsable unité de transport en Afrique à la Banque mondiale «Le Maroc est un modèle en termes de volumes transportés et en termes de succès»

La Banque mondiale a fait de la prospection et connaît l'état des lieux des connexions ferroviaires en Afrique, connexions qu'elle a jugées très modestes, représentant à peine 2% du trafic mondial. Quelle est la place de l'Afrique du Nord et du Maroc dans ce contexte ? En fait, je n'ai pas une connaissance détaillée de la situation en Afrique du Nord. Mais, en venant au Maroc, en me renseignant, j'ai découvert la place et l'importance du réseau marocain en Afrique du Nord. Dans la carte du réseau ferroviaire africain, vous pouvez voir que le Maroc est au top de la liste. Le Maroc est certainement un modèle, à la fois en termes de stratégie et en termes de volumes transportés ainsi qu'en termes de succès. Le Maroc se trouve dans une position géographique qui le situe entre l'Afrique et l'Europe. Comment peut-il exploiter cet avantage sur le plan de la connexion ferroviaire ? Il y a deux éléments à prendre en compte. Le premier, et qui a été évoqué par le directeur de l'ONCF lors du congrès de l'UIC, porte sur l'intégration logistique et la liaison avec les plateformes logistiques portuaires ou celles de clients privés. Plateformes qui sont essentielles parce qu'elles favorisent et intègrent le développement national à dimension internationale et les échanges internationaux. Le deuxième élément c'est qu'il y ait nécessairement une liaison interrégionale. À ce niveau, la Banque mondiale parle de projets régionaux qui intègrent à la fois des modes de transport et des infrastructures au niveau régional et entre les différents pays. Donc, l'étape suivante c'est certainement la liaison avec l'Algérie et, pourquoi pas, la Mauritanie... Voulez-vous dire par là que l'Union du Maghreb pourrait participer à améliorer la connexion régionale et accélérer le développement ferroviaire ? Absolument, cela est clair. Ceci est illustré par les pays de l'Europe. Il est clair que l'intégration des infrastructures a considérablement développé à la fois les économies nationales et les blocs régionaux. Il ne faut plus penser en termes de concurrence, mais se rendre compte que la combinaison des efforts représente un levier considérable de développement pour les nations et sur le plan régional. Le Maroc a lancé le chantier du TGV, ce qui a suscité une polémique concernant l'opportunité d'une telle initiative. Qu'en pensez-vous ? Il m'est difficile de m'exprimer sur les priorités du Maroc. Mais, sur le principe, en tout état de cause, les grands projets, même s'ils n'ont pas, en apparence, un sens immédiat, ils finissent par en avoir. Car on se rend compte que dans la plupart des grandes économies, les grands projets ont fini par avoir un sens et ont finalement appuyé les développements nationaux. Donc, la politique de la mise en place du TGV, si elle est bien maîtrisée, ne peut être qu'une bonne chose.

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