12 Février 2012 À 11:59
Tous les experts l’attestent, les déchets industriels sont enphase de se transformer en matières premières. Cette nouvelle donne résulte de la demande croissante en énergies fossiles provenant de la part des pays émergents : Chine, Inde, Brésil, etc. Face également à la flambée des cours du pétrole, le recyclage et la valorisation des déchets deviennent un critère de compétitivité pour les entreprises. «Aujourd’hui, les sociétés ont intérêt à externaliser la gestion de leurs déchets pour se consacrer entièrement à la production. Elles seront gagnantes dans l’opération. La contrepartie de leurs déchets valorisables peut couvrir totalement ou partiellement la gestion des déchets destinés à la destruction», a indiqué Mohammed Azzi, professeur et responsable du master spécialisé «Management et valorisation des rejets», à la faculté des sciences Ain Chock de Casablanca. Pour combler le manque en ressources humaines dans ce secteur et dans le cadre d’un partenariat public-privé, une convention a été signée entre la faculté Ain Chock de Casablanca et la société «PolluClean». Selon l’accord, cette entreprise qui propose une plate-forme de regroupement et de pré-retraitement des déchets industriels, accueille les stagiaires en les rémunérant tout en participant en même temps à la recherche-développement dans ce secteur.
Le Maroc produit annuellement 1,5 million de tonnes déchets industriel, dont 260 000 tonnes de déchets dangereux. La grande partie de cette quantité finit son parcours dans les décharges publiques en violation de la loi 28.00, relative à la gestion des déchets et à leur élimination. Cette loi est toujours en souffrance depuis son adoption en 2006, faute de décrets d’application. Ce texte juridique sanctionne toute violation de la loi. Selon l’article 33, il est interdit d’enfouir les déchets dangereux, de les jeter, de les stocker ou les déposer dans des lieux autres que les installations qui leur sont réservés. L’article 74, lui, stipule que quiconque remet des déchets dangereux à une personne ou une installation non autorisée en vue de leur traitement, valorisation, incinération, stockage ou élimination, est passible d’une amende de 10 000 à 1 000 000 DH et d’un emprisonnement d’un mois à un an ou de l’une de ces deux. Mais tout cela relève du discours.
«Actuellement, les institutions de tutelle n’ont pas les prérogatives pour délivrer les autorisations prévues par la loi 28.00. A titre d’exemple, nous pourrons citer le décret d’application, relatif aux huiles usagées, promulgué en 2011. Selon l’article 3, nul ne peut collecter, transporter ou traiter des huiles usagées en vue de leur élimination ou de leur valorisation s’il ne dispose pas de l’autorisation de collecte et de transport ou de l’autorisation d’installation spécialisée correspondante délivrée à cet effet par le ministre chargé de l’Environnement ou la personne désignée par lui. Mais dans la réalité, lorsque nous nous présentons au service concerné, il n’existe pas d’interlocuteur désigné pour remplir cette mission», a souligné Driss Nahya, directeur général de PolluClean. Le déficit de la gouvernance résulte aussi du manque de sensibilisation des décideurs. Latifa Mouhir, professeur à la Faculté des sciences et techniques de Mohammedia et présidente de l’association MEDWEM (Méditerranéen Water and Environment)-Maroc, qui a organisé quatre colloques internationaux sur la gestion des déchets industriels, souligne : «Désormais, il faut que les décideurs soient associés aux rendez-vous scientifiques. A défaut, toutes les recommandations seront condamnées à rester dans les tiroirs ».Pour ce qui est de la gestion de déchets ménagers, basée sur le «tout enfouissement» dans les décharges publiques, le recyclage connaît aussi un retard. Pour mettre de l’ordre dans le secteur, un Programme national pour la gestion des déchets ménagers (PNDM) a été lancé, il y a quelques années. Contacté afin de connaître le bilan du programme recyclage, le département de l’Environnement n’a pas encore, pour l’heure, communiqué sur ce sujet.
Dans le cadre d’une convention signée entre le département de l’Environnement, les cimentiers et les compagnies pétrolières, la société PolluClean est chargée du traitement des huiles de vidanges. Pour ce faire, cette entreprise envoie son camion pour collecter les huiles usagées chez les pétroliers. Ensuite, le véhicule dépose ces huiles usagées dans les cimenteries. Ces matières seront incinérées et serviront à chauffer leurs fours. L’argent généré par la vente des huiles revient au pétrolier pour servir à traiter les déchets non recyclés. Selon des observateurs, si les perspectives du secteur sont prometteuses, il reste à appliquer la loi 28.00, relative à la gestion des déchets. Mais à défaut, c’est l’informel qui dominera et les sociétés structurées ne pourront pas résister. Cette situation présente aussi un risque pour la santé des citoyens.