Fête du Trône 2006

Il n’y a pas de distinction entre l’homme et la femme

Par Dr. Abdelkébir Alaoui M’daghri

La femme a une responsabilité financière indépendante au même pied d’égalité que l’homme.

29 Avril 2012 À 10:13

Cet article va tenter d’étudier les moyens d’intégrer le genre social dans le développement, et d’établir un partenariat parfait marqué du sceau de l’égalité des chances, de l’interaction dans la relation entre la femme et l’homme et de liens équilibrés laissant à chacun la latitude pour accomplir le rôle qui lui échoit, selon ses capacités et ses compétences, et ce, en vue de réaliser le développement.Cette recherche constitue également une occasion pour traiter des droits de la femme de la perspective du genre, examiner la relation entre ces droits et le statut juridique, politique, social et culturel de l’homme qui est le partenaire essentiel. Il s’agira en outre de faire les confrontations qui s’imposent et de procéder aux redressements nécessaires susceptibles de combler ou de réduire le fossé du genre social afin de l’intégrer dans le développement.

A travers cette entreprise, l’objectif que nous escomptons est d’évoquer l’intégration du genre social dans le développement du point de vue du sacré. Sur la base du Coran, de la tradition de notre Prophète, que la paix et la bénédiction soient sur Lui, de notre patrimoine de la loi islamique qui en émane et qui s’y réfère et notre culture religieuse accumulée le long de quatorze siècles, nous nous posons les questions suivantes :-L’Islam est-il pour ou contre l’égalité et le partenariat entre l’homme et la femme ?- L’Islam impose-t-il une distinction ou une préférence entre l’homme et la femme quant à l’accès aux opportunités offertes pour œuvrer dans différents aspects de la vie ?Par conséquent, l’Islam est-il responsable du fossé existant dans le genre social pour ce qui est du développement ? A-t-il un rôle dans le retard accusé par la femme dans la participation noble dans le développement global ? Il est judicieux d’attirer l’attention sur deux questions majeures :1- La dualité entre l’Islam authentique et tout ce qui est culture populaire controuvée répandue dans les sociétés islamiques.2- Une erreur répandue dans la méthodologie de recherche adoptée dans ce domaine.

Premièrement : la culture populaire controuvée répandue dans les sociétés islamiques porte sur la femme un regard d’infériorité qui sous-évalue ses capacités et lui dénie tout statut d’honorabilité ou de prestige. Les tenants de cette culture méprisent la femme, craignent sa malveillance et sa ruse et recommandent de ne pas investir de temps ni d’argent à l’instruire ou à la cultiver. Dans ce contexte, il existe moult poèmes dégradants à l’égard de la femme et qui la confinent dans les travaux ménagers.Ce courant tend délibérément d’évoquer des hadiths qu’il attribue au Prophète (que la paix et la bénédiction soient sur Lui) et de propager des hadiths aux références faibles ou anonymes, voire même contradictoires avec le Coran, en vue d’ancrer dans les esprits ce mode de pensée qui constitue l’un des facteurs des retards de la nation.Malheureusement, ces hadiths, relayés particulièrement par Al-Ajlouni, sont nombreux.

Des hadiths non authentifiés

Les hadiths « Votre pire ennemi est votre femme »« On ne peut faire confiance à trois : la vie, le pouvoir et la femme »« Les femmes sont les lampes du foyer, mais ne leur donnez pas d’instruction »Ce sont tous là des hadiths non authentifiés.Deuxièmement : L’erreur courante en matière de méthodologie.Quand nous évoquons les droits de la femme en Islam, particulièrement les droits économiques, politiques, culturels et sociaux, nous étudions et scrutons les versets, les hadiths et les propos qui mentionnent explicitement et ouvertement la femme. Face à la rareté de ces textes, nous ressentons de la frustration, pensant à tort que la femme n’a pas bénéficié de la même importance que l’homme. Nous nourrissons des reproches à l’égard de l’Islam. Toutefois, cet état de choses n’est que le résultat d’une erreur fatale commise dans l’approche et la méthodologie suivies. La vérité qui ne peut être niée est que l’ensemble de la littérature du fiqh dérivé du Coran, de la tradition du Prophète et de la jurisprudence concernent en fait les femmes au même titre que les hommes. En fait, le discours religieux ne fait pas de distinction quand il s’agit du genre social que Dieu a créé en femmes et hommes, auquel Il s’est adressé et auquel Il a ordonné de peupler la terre. Le saint Coran évoque le genre social dans le verset suivant : « Humains, nous vous avons créés d’un mâle et d’une femelle. Si Nous avons fait de vous des peuples et des tribus, c’est en vue de votre connaissance mutuelle. Le plus digne au regard de Dieu, c’est celui qui se prémunit davantage ». Le Saint Coran explicite la nature de ce genre, les fondements moraux qui président aux relations dans son cadre :

« Parmi Ses signes qu’Il ait créés pour vous à partir de vous-mêmes des épouses, afin qu’auprès d’elles vous trouviez l’apaisement ; qu’Il ait entre elles et vous établi affection et miséricorde »L’expression « de vous-mêmes » est une indication de l’entente, loin de tout fossé à l’intérieur du genre.L’expression « établi affection et miséricorde » implique que la relation n’est pas une relation de confrontation ni de domination, ni un lien d’infériorité d’une partie par rapport à une autre, ni encore de pouvoir d’une partie sur l’autre. Il s’agit plutôt d’une relation d’amitié et de compassion. Le Coran ne fait pas de distinction entre l’homme et la femme dans son discours, car tous les deux constituent le genre social ciblé par le fiqh.

Depuis la création, le discours divin s’adresse à Adam et à sa compagne. « Et nous dîmes à Adam : ‘habitez, ton épouse et toi, le jardin. Mangez de ses fruits sans contrainte, de partout où vous voudrez. Mais n’approchez pas de cet arbre, sans quoi vous seriez tous deux des iniques entre tous.’ C’est juste sur quoi Satan les fit trébucher : il les fit donc sortir de là où ils étaient ». Dans le même ordre d’idées, le Coran souligne que la société des musulmans s’appuie sur un partenariat complet et entier entre l’homme et la femme.« Ceux et celles qui se soumettent, les croyants et les croyantes, les dévotieux et les dévotieuses, les hommes et les femmes de véridicité, de patience et de crainte, ceux et celles qui font l’aumône, jeûnent, contiennent leur sexe, pratiquent assidûment le Rappel, Dieu leur ménage Son indulgence, un salaire grandiose. Au croyant non plus qu’à la croyante, une fois que Dieu a tranché, avec Son Envoyé, sur un cas, il ne reste plus le choix sur leur propre cas. Qui se rebelle contre Dieu et Son Envoyé se trouve dans l’égarement manifeste ».

Les hommes et les femmes sont égaux

Les hommes et les femmes sont égaux dans la responsabilité et les devoirs et dans la soumission à Dieu et à Son Prophète« Qui effectue l’œuvre salutaire, fût-il mâle ou femelle, s’il est croyant, Nous lui ferons vivre une vie bonne ; oh, Nous les rétribuerons d’un salaire plus beau que ce qu’ils faisaient ».Lorsque nous étudions les dispositions de la loi islamique et les chapitres consacrés aux prières et aux actes dans les références religieuses, la femme est tenue par les mêmes obligations que l’homme et jouit des mêmes droits, tout comme elle est soumise aux mêmes obligations. Ce qui établit de manière claire que l’Islam est basé sur l’approche du genre social, avec tout ce que cela induit comme participation de la femme dans l’édification de la société et dans le processus de développement. La conclusion majeure qu’on peut tirer de ces dispositions est que la femme a une responsabilité financière indépendante au même pied d’égalité que l’homme. Elle jouit du droit à la propriété et de l’entière indépendance économique.

« N’aspirez pas à ce dont Dieu avantage les uns sur l’autre. Les hommes auront une part de ce qu’ils se seront acquis, les femmes une part de ce qu’elles se seront acquis. »L’Islam reconnaît le droit de la femme à l’héritage en tant qu’une des principales sources de richesse.« Aux hommes une quotité de ce qu’auront laissé leurs père et mère et leurs proches. Aux femmes une quotité de ce qu’auront laissé leurs père et mère et leurs proches. Peu ou beaucoup, c’est quotité d’obligation ».L’indépendance économique de la femme et son droit à un revenu, à la propriété et à l’héritage sont susceptibles de lui ouvrir les portes de toutes les activités économiques et financières, y compris l’entreprenariat, le commerce, l’industrie et l’agriculture sans nul besoin d’obtenir l’autorisation de son époux, sans aucune limite ni condition tant que ces activités sont licites et ne contreviennent pas aux valeurs morales. Par exemple, il lui est interdit de créer une entreprise dont l’activité repose sur les jeux de chance, le commerce des boissons alcoolisées ou la prostitution, car ce qui est illicite pour les musulmans l’est aussi bien pour l’homme que pour la femme.

En outre, le fruit des efforts fournis par la femme est préservé, que ce soit durant sa vie ou après sa mort. Nul n’a le droit de s’approprier son argent ni de transgresser ses droits. En cas de décès, son héritage va à ses ayants droit légaux, son mari n’héritant que de la part fixée. L’époux n’a pas le droit de s’arroger sa fortune et d’en priver le reste de ses héritiers légitimes.Dans le secteur économique, la femme jouit, au même titre que l’homme, de l’ensemble des droits économiques et financiers. La femme majeure, mature et responsable bénéficie de la personnalité juridique complète pour disposer de ses biens pour céder, acheter, faire donation, faire testament, hypothéquer, louer, etc. ou effectuer toute autre action économique, sur un même pied d’égalité que l’homme. Ni son mari, ni son père, ni son fils et aucun autre de ses proches n’ont le droit de l’en empêcher. Concernant le verset « les hommes assument les femmes à raison de ce dont Dieu les avantage sur elles » (les femmes, 34.), les oulémas expliquent que ce verset ne contient aucune mention que l’homme assume quoi que ce soit des affaires financières ni n’émet une opinion là-dessus, mais il affirme qu’il assume la femme, c’est-à-dire qu’elle habite là où il habite, qu’il se charge de ses frais et de ses dépenses et qu’il prend soin d’elle en tant qu’épouse.

Des préjugés attribués à l’Islam

Le genre social en Islam ne souffre d’aucun maillon faible et ne comporte aucun fossé causé par la discrimination ou la ségrégation. Tous les dysfonctionnements, défauts, discriminations, mépris de la femme et violations de ses droits ayant affecté ce genre pendant des siècles résultent de préjugés attribués à l’Islam, des us, coutumes et traditions et d’une culture populaire controuvée, ne reposant sur aucun des fondements de l’Islam, outre la mauvaise interprétation des textes et l’extrémisme religieux.La règle c’est le message de Dieu Tout-Puissant et les droits émanent des règles, le droit étant corroboré par la loi islamique. Il existe deux catégories de droits : - Les droits envers Dieu Tout-Puissant : ils concernent tout ce qui a trait à l’intérêt public de la nation. Il n’est du ressort de personne et il est exclusivement attribué à Dieu. C’est ce qu’on appelle dans la terminologie des études juridiques le « droit public ».- Les droits envers les croyants : Ils concernent l’intérêt particulier de la personne. C’est ce qu’on appelle le droit personnel.

En dehors de la loi islamique, il n’existe pas de droits. Par conséquent, il est nécessaire d’inscrire l’ensemble de ces droits dans le contexte de la charia. Ces droits s’appuient sur des fondements particuliers qui sont les textes et des fondements généraux qui sont les principes et les règles généraux ainsi que l’esprit de la législation qui préside à l’objectif de la loi et les sources de la jurisprudence d’où s’inspirent les personnes qui émettent les jurisprudences. Ceux-ci s’appliquent à tout un chacun qu’il soit homme ou femme.Il est inconcevable, par conséquent, d’affirmer que le droit à la propriété, à l’instruction, à la liberté, à un minimum de vie décente, au travail, à voter ou à se présenter aux élections, à assumer une fonction publique ou autres droits sont l’apanage des hommes et que les femmes ne sont pas autorisées à les exercer.

Il ne nous appartient pas d’émettre ce genre d’avis, car ce sont des droits édictés par la loi islamique. Ils sont publics, permanents, garantis et ne peuvent être abrogés que si le détenteur de ce droit décide de lui-même d’y renoncer. Si les organisations féminines tentent, par le biais de l’ONU, de trouver les moyens d’imposer les droits des femmes, de contraindre les Etats à les respecter, nous considérons, dans le cadre de la loi islamique, que ces droits nous contraignent devant Dieu Tout-Puissant. Si l’Organisation des Nations unies n’a commencé à s’intéresser aux droits de la femme et aux questions féminines qu’en 1975 lors de la conférence de Mexico, L’Islam a réglé ce problème depuis 14 siècles en instituant l’égalité complète dans les droits et les devoirs entre les hommes et les femmes. Sa vision du genre social est, dans ce sens, intégrée et équilibrée.

Malheureusement, nous remarquons la prévalence de cette culture populaire qui porte un regard dégradant sur la femme et la méprise, faisant naître une orientation négative qui a marginalisé la femme et freiné ses capacités, tout en lui obstruant la voie qui lui permettrait de s’ouvrir sur son environnement et de participer effectivement dans l’édification de la civilisation. Economiquement, la situation de la femme a dégringolé, ce qui a annihilé sa participation dans le développement économique même s’il existe des tentatives de sortir la femme de cette léthargie à la faveur de l’entrée de femmes remarquables dans le monde des affaires et des entreprises.Les mêmes échecs sont notés dans le domaine politique : Après avoir été parties prenantes dans l’allégeance au Prophète, que la paix et la bénédiction soient sur Lui, comme le montrent moult références de la tradition du Prophète et le Coran qui a évoqué l’allégeance des femmes en reconnaissance des succès remportés : « Prophète quand des croyantes se présentent à toi pour faire allégeance, comme quoi elles n’associeront rien à Dieu, ne voleront, ne commettront l’adultère, ne tueront leurs nouveau-nés, ne commettront pas de faux à controuver entre leurs mains et leurs pieds, ne te désobéiront aucunement pour le convenable- accepte leur allégeance et implore en leur faveur le pardon ». Aujourd’hui, au nom de l’Islam, des Etats islamiques les privent du droit de voter, du droit de se présenter aux élections et du droit de prêter allégeance, confinant ce droit exclusivement aux hommes.

La femme a raison et Omar a tort

La femme a été plongée, pendant des siècles, dans les ténèbres de l’illettrisme, n’œuvrant point à acquérir la connaissance et personne ne songeant à les instruire.Nous nous remémorons encore la participation constructive des mères des croyants, les épouses du Prophète -que la paix et la bénédiction soient sur Lui – et les augustes compagnons femmes du Prophète dans les affaires publiques de la nation. Il suffit d’évoquer, dans ce contexte, la position de Moulatna Aicha et sa sortie le jour de la bataille du chameau à la tête d’un courant opposant à Sidna Ali.Nous entendons encore la voix de cette auguste compagnon qui, en réponse à Sidna Omar Ibn Al Khattab quand il a harangué la foule du haut de la tribune du Prophète -que la paix et la bénédiction soient sur Lui – pour amener les croyants à diminuer la valeur des dots versées aux femmes, estimant qu’elles avaient abusé dans leur demande, a demandé « Comment veux-tu diminuer les dots des femmes alors que Dieu Tout-Puissant dit : « Si vous voulez substituer une épouse à une autre, eussiez-vous donné à l’une d’elles un quintal d’or, n’en récupérez pas une miette ».

En toute modestie et humilité, Sidna Omar lui répondit : « la femme a raison et Omar a tort ». Après cette période où la femme a atteint un tel degré de participation effective et où la nation lui ouvrait grand, toutes les portes et lui garantissait la liberté d’expression et d’opinion, elle se retrouve aujourd’hui muselée. Certains Parlements arabes ne comportent aucune femme et certaines femmes sont obligées de prendre la vague du quota pour y être présentes. Pire, certains Etats islamiques n’autorisent même pas la femme à participer aux élections municipales, sous la pression sociale que les gouvernements ne peuvent plus se permettre d’ignorer.Cet état de choses impose qu’on se penche sérieusement sur les idées, concepts et mythes nourris par la culture populaire régnante à propos de la femme et s’atteler à promouvoir les idées et notions saines à travers les médias qui présentent l’avantage de propager les idées rapidement et de pouvoir pénétrer dans les foyers.

Il est également judicieux de propager la culture du genre dans les établissements scolaires et dans la société.Il s’agit également d’accorder à l’instruction des filles l’importance qui lui est due et de veiller à ce qu’elles atteignent les plus hauts niveaux d’éducation dans les différentes sciences.Il est également nécessaire de mettre en exergue les règles et les textes islamiques qui traitent du genre social et mettre en valeur les relations nobles que l’Islam institue entre l’homme et la femme et l’égalité entière dans les droits et les devoirs qu’il établit.

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