03 Août 2012 À 17:20
De retour à Médine, ces six personnes parlèrent aux gens des tribus d’Aous et de Khazradj, leur exposèrent la religion musulmane et leur récitèrent ce qu’elles avaient appris du Coran, et leur dirent : Ce Mohammed est ce Prophète dont le nom est constamment dans la bouche des juifs, en qui ils ont cru, et en qui ils espèrent. S’ils entendent parler de lui, ils l’emmèneront. Prévenez-les, en l’amenant au milieu de vous. Cette religion, le Coran et les paroles du Prophète firent une bonne impression sur les habitants de Médine, et un grand nombre d’entre eux se convertirent. Il y eut peu de maisons à Médine où l’on n’apprit pas ces quelques versets du Coran que les six personnes avaient retenus. Les habitants de Médine attendaient avec impatience, cette année, le retour de l’époque du pèlerinage. Alors ils se réunirent et désignèrent comme messagers les mêmes personnes, au nombre de six, en leur associant six autres personnes de la tribu de Khazradj, dont voici les noms : Mo’ âds, fils de Hârith, Abbâs, fils d’Obâda ; Abou l’-Haïtham, fils de Taayyahân ; Dsakwân, fils d’Abd-Qaïs ; Obâda, fils de Çâmit ; Yezid, fils de Tha’laba. Ils les firent partir, en leur disant : Allez, prenez envers Mohammed l’engagement et ramenez-le avec vous : car nous tous, à Médine, nous nous sommes engagés envers lui, et nous sommes à sa disposition, corps et biens.
Ces douze hommes arrivèrent à La Mecque, à l’époque du pèlerinage, et s’arrêtèrent sur la colline Aqaba, près des Minâ. Mohammed se rendit auprès d’eux. Lorsqu’ils Le virent, ils furent remplis de joie, Lui témoignèrent de la déférence et Lui transmirent les hommages des habitants de Médine. Le Prophète en fut charmé ; Il reçut leur engagement sur leurs corps et leurs biens, tant en leur propre nom qu’au nom de leurs compatriotes. Ce serment est appelé le premier serment, parce qu’il y en eut un autre plus tard, ou serment des femmes, parce qu’il n’y était pas question de la guerre qu’ils promirent de soutenir avec le Prophète contre les habitants de La Mecque. D’ailleurs cet autre serment contenait les mêmes obligations que le serment des femmes, à savoir de n’adorer que Dieu, de ne pas dérober, de ne pas tuer leurs filles, de ne pas mentir, de ne pas désobéir au Prophète et de Le protéger comme leurs propres corps. Après avoir reçu cet engagement, le Prophète forma le dessein de partir secrètement avec eux pur Médine.
Abbâs était connu parmi tous les Qoraïschites comme l’homme le plus expérimenté et le plus pénétrant. Il avait succédé à Abou Tâlib dans le commandement des Qoraïschites, mais il était sans énergie. Son autorité ne s’étendait que sur les Beni-Haschim, comme celle d’Abou-Tâlib, tandis que le tribu d’Omayya reconnaissait comme chef Abou-Sofyan, fils de Harb, et la tribu de Makhzoum, Abou-Djahl.
Chaque tribu avait son chef particulier. Abbâs n’était pas en état de protéger le Prophète, quelle que fût l’amitié qu’il eût pour lui ; mais son intelligence et son expérience lui étaient très utiles, et le Prophète le consultait en toutes choses et lui confiait ses secrets. Mohammed vint donc le trouver et lui dit : «O mon oncle, Je voudrais te confier un secret et te demander un conseil ; garde-moi le secret». Parle, mon fils, lui dit Abbas. Le Prophète dit : «Tu sais combien d’injures et de violences J’ai essuyées depuis la mort d’Abou-Tâlib, et avec quelle patience Je les ai supportées, ainsi que le mépris et les outrages des Qoraïschites. A présent, Je suis las de La Mecque. Depuis plusieurs années, Je m’étais présenté, à l’époque du pèlerinage, aux différentes tribus arabes, mais personne n’a cru en moi ni en ma religion.
J’avais désiré que quelqu’un d’entre ces étrangers m’emmenât dans sa patrie, afin que J’y pusse exercer ma religion. Mais Je n’ai trouvé personne, si ce n’est les habitants de Médine et du territoire de Yathrib, dont il est venu, l’année dernière, six personnes, qui se sont engagés envers moi, ils m’invitent à aller avec eux, et Je veux les suivre. Qu’en penses-tu ?» Abbas répliqua : «Je ne veux pas te refuser mon conseil. Je ne crois pas qu’il soit bon que tu ailles à Médine avec douze personnes. Les habitants de Médine sont au nombre de dix à vingt mille, qui sont en lutte entre eux ; on ne peut pas, d’après le dire de douze personnes, compter sur toute une ville renfermant une si grande population. Aujourd’hui Tu es dans ta ville natale, au milieu de ta tribu et de tes compatriotes. Si dix personnes te disent des choses désagréables, deux autres te parlent avec bonté.
Mais si Tu vas dans cette ville-là et que l’on ne t’y reçoive pas comme protégé, Tu t’y trouveras étranger, sans assistance et sans parents, et Tu ne pourras plus revenir à La Mecque. Je crois donc convenable que Tu y envoies quelqu’un des tiens sur lequel Tu puisses compter, pour te remplacer et appeler les gens à ta religion. S’ils croient, alors Tu pourras partir, ayant lieu de penser qu’un grand nombre croiront en toi. Mais s’ils ne croient pas, au moins n’auras-Tu as pas été séparé de ta tribu et exilé à l’étranger». Après avoir entendu ces paroles, le Prophète dit à Abbas, en l’embrassant : « Que Dieu te récompense pour ton bon conseil ».
Mohammed fit partir pour Médine, avec les douze messagers, Moç’ab, fis d’Omaïr, fils de Haschim, fils d’Abd-Manaf, qui savait tout ce que a été révélé jusqu’alors du Coran, et qui avait appris les cérémonies religieuses de l’Islam. Le Prophète le chargea d’appeler les habitants de Médine à l’Islam et leur enseigner le Coran. Moç’ab, arrivé à Médine, se logea dans la maison d’As’ad, fils de Zorâra. Le lendemain, les habitants de Médine vinrent le trouver.
Moç’ab les appela à la religion du Prophète et leur récita tout ce qu’il savait du Coran. Tous ceux qui l’entendirent devinrent croyants. As’ad conduisait Moç’ab, chaque jour, dans quelques enclos où les hommes venaient pour entendre ses discours, et où ils adoptaient l’Islam.A Médine, chaque enclos est nommé d’après la tribu qui a l’habitude de s’y réunir. As’ad choisit chaque jour un nouvel enclos pour Moç’ab.
Le plus grand de tous était celui des Beni-Abdou A-Aschhal, où se réunissait le plus grand nombre de personnes. Le chef de cette tribu était Sa’d, fils de Mo’âd, fils de No’mân, fils d’Imrou’l-Qaïs, qui était à la tête de la ville de Médine. Il était cousin d’As’ad, fils de Zorâra, du côté de sa mère. Sa’d dit à un homme nommé Osaïd, fils de Hodhaïr, l’un des principaux chefs de Médine : Va trouver As’ad et dis-lui que, s’il n’y avait pas de liens de parenté entre nous, je le ferais mourir à l’instant même.
Dis-lui qu’il fasse sortir de notre enclos cet homme, car nous ne sommes pas partisans de la religion nouvelle qu’ils ont apportée à Médine ; et que, s’il ne s’en va pas, j’irai moi-même et je lui ôterai la vie ainsi qu’à cet homme. Osaïd prit une pique et se rendit auprès d’As’ad, qu’il trouva en compagnie de Moç’ab. Il lui transmit le message de Sa’d, puis il ajouta de lui-même : Si S’ad ne le fait pas, je le ferai, moi ! Allons, quittez à l’instant cet enclos. As’ad lui dit : Nous ne nous y opposons pas ; si vous le désirez, nous nous en irons ; mais viens assieds-toi et écoute ce que dit cet homme et ce qu’il veut. Tu as raison, dit Osaïd. Alors Moç’ab se mit à réciter le Coran. Osaïd en fut charmé et dit : Que faut-il dire et faire pour entrer dans cette religion ?-Se baigner la tête et le corps, répondit Moç’ab, se repentir des péchés que l’on a commis, et faire la profession de foi : « Je déclare qu’il n’y a pas d’autre dieu qu’Allah, et je déclare que Mohammed est le Prophète d’Allah». Osaïd se leva, se purifia, se repentit de ses péchés et prononça la formule de foi entre les mains de Moç’ab. Ensuite il dit à As’ad : Tu sais quelle est la position élevée de Sa’d, fils de Mo’âd. Je vais aller et faire en sorte qu’il vienne te trouver.
Peut-être, en entendant, lui aussi, ces paroles, en serait-il charmé et deviendra-t-il croyant.Osaïd vint auprès de Sa’d, qui lui demanda ce qu’il avait dit et fait. Osaïd répondit : J’ai trouvé As’ad et cet homme entourés de beaucoup de personnes. J’ai craint que celles-ci, en apprenant tes paroles, ne les tuassent à l’instant même. Sa’d dit : Je ne veux pas que l’on tue quelqu’un dans mon enclos ; ma propriété est à moi.
Il se leva, prit la pique d’Osaïd et vint trouver As’ad, qui était assis auprès de Moç’ab et au milieu d’une foule de gens. En voyant Sa’d, ils se levèrent. Sa’d dit à As’ad : Fais sortir cet homme de cet enclos paisiblement, afin d’éviter, lui et toi, la mort. Si je ne prenais pas en considération notre parenté, je te frapperais. As’ad répliqua : En effet, nous allons partir d’ici. Mais quel mal y aurait-il si tu écoutais un peu ? Sa’d dit : Parle. Moç’ab récita la surate N’avons-nous pas ouvert ? (Sur. XCIV).
Sa’d la trouva très belle, il s’assit et dit : Répète-la. Moç’ab la récita une seconde fois, et Sa’d y trouva le plus grand plaisir. Il devint croyant et adopta la foi musulmane. Ensuite il s’en retourna, convoqua les hommes de la tribu des Beni-Aschhal et leur dit : Que suis-je pour vous ? – Tu es, répondirent-ils, un homme distingué, respecté et sûr, et tu es notre chef. Sa’d dit : j’ai embrassé cette religion, et je ne l’aurais pas fait si elle n’était pas véritable. Je cesse toute relation avec tous ceux qui n’embrasseront pas cette religion. Le jour même, tous les Beni-Abdou L-Aschhal, sans exception, devinrent croyants.As’ad continua alors d’introduire Moç’ab dans tous les lieux de réunion des différentes tribus ; et bientôt il n’y eut pas une seul tribu à Médine dont plusieurs membres ne fussent croyants, sauf celle des Aous.
Ceux-ci, moins nombreux que les Khazradj, se croyaient cependant supérieurs aux autres, et s’appelaient Aous-Monât. Ils avaient pour chef Abou-Qaïs, fils d’Al-Aslat, qui était poète, et qui détourna de l’Islam les gens de sa tribu, en leu disant : Les discours que débite cet homme sont beaux, mais je vais vous réciter des vers plus beaux encore. Il n’y eut des croyants dans cette tribu qu’après l’arrivée du Prophète à Médine, après une résidence d’un an ou deux dans cette ville, après les combats de Badr, d’O’hod et la guerre du Fossé. Trois ou quatre ans après, les hommes de cette tribu furent croyants comme les autres, firent la prière et récitèrent le Coran.
Au bout de cette année, Moç’ab retourna à La Mecque, pour rendre compte aux Prophète de ces événements.Soixante dix personnes, des chefs et des principaux habitants de Médine, tels que (Berâ), fils de Ma’rour, Abdallah, fils d’Amrou, Abou-Djâbir, et Djâbri fils d’Abdallah, et les autres chefs qui étaient devenus croyants, accompagnèrent Moç’ab, afin de ramener avec eux le Prophète. Les douze personnes qui avaient prêté serment à Mohammed lors du pèlerinage avaient fixé un rendez-vous où elles se réuniraient avec Lui, à Aqaba, pour Lui prêter serment (de nouveau) et pour L’emmener à Médine. Le Prophète en parla à Abbas, qui dit : J’irai avec toi, et verrai ces hommes. La nuit du rendez-vous étant arrivée, les soixante et dix hommes de Médine se réunirent sur la colline d’Aqaba ; Abbas et le Prophète s’y rendirent de leur côté. Abbas adhérait encore à la religion des Qoraïschites ; mais il voulut confier lui-même le Prophète entre leurs mains. Lorsqu’ils apparurent au haut de la colline, tous les hommes se levèrent et leur témoignèrent du respect. (à suivre…)