Fête du Trône 2006

«Nous n’avons pas perdu notre âme»

● Le chef de file du PPS et ministre de l’Habitat, de l’urbanisme et de la politique de la ville réfute les critiques qui ont été récemment adressées à son parti quant à son rôle au sein du gouvernement. Il estime que les déclarations faites par quelques membres gouvernementaux n’engagent que ceux qui les ont formulées, mettant en garde contre le retour de manivelle.
● Nabil Benabdellah souligne que, sur le plan décisionnel, le gouvernement est jusque-là en harmonie avec le projet de société prôné par le PPS.

Nabil Benabdellah. Ph. KARTOUCH

15 Avril 2012 À 14:45

Le Matin : Que se passe-t-il au sein de la majorité gouvernementale, dont les composantes paraissent être en désaccord ?Nabil Benabdellah : La majorité n’est pas en désaccord. Elle est tenue en premier lieu par son pacte qui constitue une référence essentielle. Elle est aussi tenue par la déclaration du gouvernement. Maintenant, force est de reconnaître que quelques déclarations sont parfois intempestives. Ce qui importe le plus, c’est de pouvoir mieux contrôler cette situation. Nous l’avons exprimé, contrairement à ce que soutiennent certains organes de presse qui nous ont reproché d’avoir perdu notre âme. J’assure que nous n’avons pas perdu notre âme après 70 ans d’existence. Je tiens à répéter que le gouvernement ne sortira pas du pacte de la majorité ni de la déclaration gouvernementale. Autrement, c’est nous qui en sortirons.  Les déclarations intempestives sont souvent grossies et relayées par certains médias. Ce qui nous importe, c’est de sauvegarder le projet de société qui est le nôtre. Jusqu’à preuve du contraire, les principaux actes du gouvernement ne remettent pas en cause ce projet de société. La loi de Finances ne remet pas en cause ce projet de société, bien au contraire. Les principaux textes que nous avons adoptés jusqu’à aujourd’hui ne posent aucun problème et n’ont soulevé aucune polémique à aucun niveau. Aucune décision gouvernementale qui est adoptée par le gouvernement en place n’est susceptible de provoquer autant de remous. Il existe une sorte de cacophonie, qui est souvent due à des déclarations intempestives grossies par les médias.Nous demeurons vigilants. Je voudrais rendre hommage au chef du gouvernement, car il maintient le cap et fait garder au gouvernement son orientation. Les composantes du gouvernement vont avoir bientôt l’occasion de discuter de manière informelle de cette situation, afin de mieux la contrôler et mieux en maîtriser les impacts médiatiques. L’idée est de faire en sorte que nous puissions nous concentrer sur l’essentiel en restant fidèles au pacte de la majorité et à la déclaration gouvernementale. Personne dans ce gouvernement ne peut cautionner une quelconque pratique de dépravation ou de corruption.Je pense que, malgré tout, la bonne foi existe. En même temps, ça peut être, quelque part, pernicieux de signifier que ceux qui géraient ces secteurs auparavant le faisaient d’une manière non transparente ou bien avec du favoritisme et du clientélisme. Au PPS, on n’a pas besoin de se justifier. Depuis que nous avons participé au gouvernement de 1998 et jusqu’à aujourd’hui, aucun de nos ministres n’a été mis en cause pour ses pratiques ou son sens de la responsabilité et du patriotisme. Il faut être vigilant par rapport à certaines initiatives isolées. D’ailleurs, le chef du gouvernement le rappelle régulièrement en soulignant que le gouvernement doit savoir conforter son homogénéité et son unité de manière à montrer qu’il va s’attaquer au fond des problèmes. La lutte contre la corruption doit se concrétiser par des mesures et non pas par des déclarations. La lutte contre la dépravation et le clientélisme nécessite une politique de longue haleine.On reproche au PPS d’être phagocyté par les autres composantes de la majorité. On dit aussi que vos ministres ne se manifestent pas assez souvent... Que répondez-vous à ces critiques ?Le PPS jouera son rôle et les autres composantes de la majorité sont également conscientes de cela. L’objectif est de recentrer notre politique sur des actions concrètes et non pas sur la base de déclarations qui peuvent provoquer une sympathie momentanée. Attention au retour de manivelle, car le citoyen attend du concret. Dans la déclaration du bureau politique du PPS, nous avons appelé encore une fois à la concentration sur les objectifs principaux, à plus d’homogénéité et à moins de déclarations d’éclat, qui provoquent des remous dans la société, sans impact concret sur la vie des citoyens. L’action d’un gouvernement n’est pas une course de 100 mètres, celui-ci est plutôt appelé à courir un marathon. Nous sommes là pour cinq ans. Nous avons l’avantage d’avoir une expérience gouvernementale qu’il faut mener en profondeur. C’est ce que nos ministres font. Au PPS, nous évitons des déclarations d’éclat, sans effet concret. Lorsqu’une décision concrète sera prise par le gouvernement et ira à l’encontre du projet de société que nous défendons, nous accepterons les critiques qui peuvent nous être adressées.On vous reproche aussi de n’avoir pas réagi par rapport au cahier des charges du pôle audiovisuel. Est-ce le cas ?La seule chose qui nécessite un éclaircissement, c’est la question du cahier des charges du pôle audiovisuel public. Je tiens à relever que le système institutionnel marocain repose sur la Constitution et le système audiovisuel repose sur une loi, sans oublier le rôle de la HACA. On prône le respect de la diversité culturelle, linguistique, l’ouverture et l’autonomie du pôle audiovisuel public. La HACA a validé le cahier des charges. Au niveau du gouvernement, quelques réajustements peuvent être apportés, tout en prenant en considération que nous sommes un pays ouvert sur l’Europe et l’Afrique, que nous avons une communauté étrangère qui vit au Maroc et que nous sommes suivis par un certain nombre d’observateurs.Quand on établit un cahier des charges, il faut penser aux moyens et notamment les moyens financiers et humains. Je n’ai pas voulu intervenir dans ce débat, étant donné les responsabilités anciennes qui étaient les miennes. Il n’y a pas de quoi fouetter un chat de ce côté-là. Nous veillerons à ce que des réajustements soient opérés. Donc rassurez-vous, le PPS ne sera phagocyté par personne. Il gardera son âme. Sur le plan décisionnel, le gouvernement n’a interdit aucune manifestation, n’a pas réprimé les libertés et n’a pas remis en cause les fondements essentiels de la société marocaine. Il ne faut pas confondre déclarations et décisions.Comment se passe la cohabitation avec le PJD ?À part les petits couacs dus aux déclarations, la cohabitation avec le PJD se passe dans de bonnes conditions. Nous avons participé à ce gouvernement, car il était nécessaire de répondre à l’appel du peuple relatif à l’approfondissement de la démocratie et des libertés. Nous nous sommes rencontrés avec le PJD, l’Istiqlal et le Mouvement populaire pour aller dans ce sens-là. Au sein du gouvernement et des conseils de gouvernement, nous n’avons jamais eu de heurts ni de problèmes. Au sein de l’union de la majorité, le même constat est à relever. Il se trouve que trois partis ont déjà fait l’expérience gouvernementale et un autre vient au gouvernement après avoir été longtemps un parti de l’opposition. Il garde, peut-être, encore des automatismes liés au discours de l’opposition. Ce sont des choses normales. Je pense que nous allons vers plus de stabilité et d’homogénéité à très brève échéance. Le chef du gouvernement joue un rôle extrêmement positif qu’on ne peut que lui reconnaître. Il est systématiquement à l’écoute de nos remarques. Il faut maintenant améliorer l’impact médiatique et la politique de communication de ce gouvernement.Quel bilan faites-vous des trois premiers mois de l’action du gouvernement ? On reproche à l’exécutif l’absence de mesures concrètes…Nous sommes arrivés dans des conditions difficiles. Le gouvernement a été mis en place le 3 janvier sans loi de Finances. Il fallait apporter à cette loi des rectifications dans l’urgence. Les orientations générales de celle-ci versent dans ce que nous avons toujours défendu. Elle reste une loi de transition. Nous devons préparer une loi de Finances plus conséquente pour 2013, qui imprimera l’identité de ce gouvernement. Dans le même temps, les ministres planchent sur leurs programmes d’action. Celui du ministère de l’Habitat, de l’urbanisme et de la politique de la ville a été adopté par le gouvernement. La même chose s’opère dans d’autres secteurs. Nous sommes face à des changements importants et des initiatives importantes qu’il faut discuter au sein du conseil du gouvernement. Nous devons accorder nos violons en la matière.

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