11 Mai 2012 À 18:06
Acôté de la Mosquée Hassan II, de la Marina et des grands projets de Casablanca d’aujourd’hui, survit une médina ancienne et unique, car elle ne ressemble à aucune autre. Les remparts de cet espace portent encore les traces de nombreuses communautés qui y ont vécu. Trois quartiers, trois populations différentes D’après l’ouvrage de Robert Chavagnac : «Casablanca : historique et guide de l’ancienne Médina». Ed. Senso Unico 2004, l’ancienne ville se divisait en trois quartiers principaux : la Médina, le Mellah et le Tnaker. Le premier rassemblait la bourgeoisie marocaine juive et musulmane ainsi que les communautés européennes. Outre de nombreux marchés, échoppes, sanctuaires et lieux de cultes, il comptait plusieurs administrations, dont la résidence du Caïd (Dar El-Makhzen) et plusieurs Consulats (allemand, italien, français et britannique). Autour des résidences des grandes puissances étrangères, de nombreux Européens, attirés par l’essor commercial de la ville, s’établirent dans de belles demeures. Les franciscains espagnols édifièrent une église à la rue de Tanger, en 1891.Le Mellah fut le quartier juif de la ville avec une population dense et des constructions sous forme de huttes en roseaux. Il fut en partie détruit dans les années 30 lors de l’aménagement de la place de France, actuelle place des Nations unies. Quant au Tnaker, il représentait le quartier populaire situé au nord avec des constructions en pisé et en roseaux, matériau de fortune qui poussait aux abords de l’oued Bouskoura. A côté de la rue de Tnaker, on trouve un sanctuaire qui abrite la sépulture du premier patron de la ville, Sidi Allal El-Kairouani, et celui de sa fille, Lalla Beïda. Chaque quartier est divisé en derb, véritable unité de vie matérielle et spirituelle, une organisation qui sera reprise plus tard pour l’ensemble de la ville. Une architecture particulièreEn l’absence de souks traditionnels, l’ancienne médina ne fut jamais une ville d’artisanat ce qui explique l’absence d’une bourgeoisie qui donna aux médinas de Fès et de Marrakech leur prestige et leur rayonnement. Selon l’association Casamémoire et l’ouvrage de Robert Chavagnac, 75% de ses constructions datent du XXe siècle avec une architecture européenne. On n’y trouve pas d’habitat traditionnel, mais des hôtels particuliers et des maisons bourgeoises aux façades percées de porte-fenêtres et de balcons. Les faïences en relief sont une imitation de zellige. Par sa modernité et son style art déco, la médina ne cessera d’influencer la construction de la ville moderne. Au début du XXe siècle, Casablanca se limite à l’ancienne médina. En 1900, elle compte 20 000 habitants. D’une forme triangulaire, la ville est protégée par des remparts de 6 à 8 mètres de hauteur, totalisant une longueur de 4 km, flanqués par endroits de tours carrées. Souhaitant en faire un point de résistance aux incursions européennes, le sultan alaouite, Sidi Mohammed Ben Abdallah, arma la cité d’une batterie ou sqala qui pointe encore ses vieux canons vers le large. Aujourd’hui, la plate-forme accueille un beau restaurant avec une vue panoramique sur l’océan Atlantique.Régénération Dense en lieux de culte et en édifices publics, ce cœur de Casablanca a subsisté à un état de délabrement manifeste aux infrastructures dégradées, à l’habitat menaçant ruine, à la prolifération de marchés anarchiques, à la pollution de l’environnement, à l’entassement des ordures, à l’insécurité, aux trafics en tout genre, à la consommation de drogue… Formant un polygone irrégulier d’une superficie de 47 ha, limitée par ses murailles, l’ancienne médina, selon l’association du Grand Casablanca Carrières Centrales, forme un quartier essentiellement d’habitat et de petits commerces. Son tracé en fait une médina traditionnelle avec ses rues étroites à largeur variable, démunie d’espaces publics hormis quelques placettes, mais avec une forte densité allant jusqu’à 3 000 habitants à l’hectare.
Pour redonner une âme à ce quartier historique, il a été décidé de formuler une vision intégrée et partagée par tous les acteurs locaux pour se donner les moyens de réhabiliter l’ancienne médina intra muros. Cette action vise à créer un environnement favorable à l’émergence d’activités économiques afin d’enrichir l’offre touristique en sécurisant et sauvegardant les constructions et les monuments menaçant ruine. Néanmoins, d’autres quartiers de la ville n’ont pas encore eu l’intérêt qu’ils méritent à l’instar de l’ancienne Médina. Samedi prochain, on découvrira un autre laboratoire architectural du Grand Casablanca qui continue, malheureusement, de se dégrader. Source : Ouvrage de Robert Chavagnac : «Casablanca : historique et guide de l’ancienne Médina». Ed. Senso Unico 2004.