20 Juillet 2012 À 19:45
Les mois de juillet et d’août sont synonymes de vacances, plages, voyages et surtout de vêtements légers, vu les fortes chaleurs que connaît cette période de l’année. Toutefois, l’avènement du mois du Ramadan au beau milieu de l’été a, une fois de plus, changé la donne. En effet, la spiritualité caractérisant ce mois sacré oblige les gens à changer leur train de vie habituel durant la saison. Un grand nombre d’entre eux reportent leurs voyages ou annulent les sorties en plages.
Mais le Ramadan a surtout un impact direct sur l’aspect vestimentaire des femmes. Le «pudique» prend le dessus. La plupart des Marocaines disent au revoir aux jeans moulants, aux robes courtes, ainsi qu’aux décolletés et choisissent de s’emmitoufler dans de larges vêtements longs. Mais est-ce vraiment un choix ? La tendance des femmes à changer de style vestimentaire pendant le mois du Ramadan émane-t-elle d’une réelle conviction religieuse ? Pas si sûr. «Depuis que le Ramadan coïncide avec la saison estivale, je suis obligée de changer mon style vestimentaire et acheter des habits longs et larges pour l’occasion. Je ne le fais pas par conviction. Pire, je pense plutôt que c’est de l’hypocrisie. Mais, la société, surtout les hommes, ne comprennent pas ce point de vue», indique Houda, la trentaine. Et d’insister : «Non seulement ils ne le comprennent pas, mais ne le tolèrent pas. Certains hommes dans notre société se permettent même d’insulter, voire agresser une femme parce qu’elle a osé ne pas se plier aux règles qu’ils ont imposées».
Houda affirme que certaines de ses copines qui avaient décidé de ne pas changer d’aspect vestimentaire pendant le Ramadan pour s’habiller d’une manière plus «pudique» se sont fait agresser dans la rue. Agressions«Malgré toute l’évolution qu’a connue notre société et l’ouverture d’esprit qu’on prétend avoir, on reste une société très machiste. La preuve en est que les femmes doivent se couvrir pendant le Ramadan pour que les hommes ne soient pas choqués. Pourtant eux, ils doivent s’abstenir de regarder avec concupiscence, chose que la plupart d’entre eux ne font pas et pourtant ils ne sont jamais critiqués ou réprimandés pour ça. On ne culpabilise que les femmes», fustige Imane. D’un autre côté, pour se sentir moins frustrées, certaines femmes essaient de faire de leurs habits traditionnels et larges, des tendances plus «fashion». Le Ramadan signifie pour elles plus une tendance «beldi» qu’une conviction religieuse, du coup elles ne lésinent pas sur les nouveaux styles de «djellabas» pour apparaître plus «stylées» que leurs proches. Résultat, on rencontre certaines d’entre elles, au sein même des mosquées, tirées à quatre épingles, maquillées et portant des «djellabas» évasées et très chics. «L’adoption de styles chez certaines femmes à l’occasion du mois de Ramadan, tend à satisfaire plus un besoin psychologique que de correspondre à un précepte ou faire l’objet de conformité à une norme.
Bien entendu, un tel comportement vestimentaire ne s’explique pas par une tolérance religieuse ou une évolution dans les mœurs, mais plutôt par des options individuelles et collectives faisant intervenir la touche moderne dans un cadre traditionnel dans la perspective de façonner une identité particulière. En outre, si tendance il y a dans ce cadre, elle est à apprécier au niveau de la valorisation du corps et de sa représentation sociale», explique le psychosociologue Abdelkarim Belhaj.
La vie sociale pendant le Ramadan, selon Abdelkarim Belhaj, psychosociologue
Le Ramadan est par définition un temps social animé par la sacralité et qui est délimité par un cadre religieux. C’est dans ce cadre que la vie sociale trouve son sens, de par son rythme et ses usages, notamment au niveau communautaire. Ramadan, donc, représente une situation marquée par des changements dans le mode de vie et les habitudes au quotidien. Ainsi, les femmes plus que les hommes subissent des adaptations à l’occasion. Alors, pour l’habillement, il est certain que la norme religieuse affecte les usages bien qu’elle ne les conditionne pas nécessairement. Mais, il reste notable que le caractère pudique gagne ces usages en matière de comportement vestimentaire et paraît beaucoup plus visible en société, compte tenu du fait que le corps de la femme est censé être couvert selon les normes religieuses et culturelles et correspondre aux usages qui y sont associés. Cependant, bien que le principe de cette «couverture» soit observé, des aménagements ont lieu au fil des ans. Ainsi, le «beldi» qui élit domicile dans le paysage public durant cette période se trouve traversé par un mouvement joignant l’utile à l’agréable. Aussi bien dans le fait de le porter par les femmes qu’au niveau de la perception dont il fait l’objet. Dès lors, donc, la mode prend place dans ce mouvement et accompagne un besoin de paraître chez les femmes. Cependant, il y a lieu de remarquer, également, que l’attitude à vouloir être à jour avec les nouveautés dans l’habillement s’inscrit dans cette dynamique de consommation qui prédomine pendant le Ramadan.Les femmes, donc, cherchent à marquer leur présence et à ne pas disparaître dans le décor social qui y règne, avec les deux moments temporels partageant le quotidien et déterminés par la rupture du jeûne, l’avant en journée et l’après en soirée. Ce contexte est devenu animé par une certaine créativité et innovation que les femmes se permettent de saisir au profit de leur bien-être et de leur présence en société.