Spécial Marche verte

Les oubliés du douar Schneider

Depuis 10 ans, une cinquantaine de familles vivent dans des conditions insoutenables.
Zoom.

30 Juin 2012 À 22:04

A la rue Chiadma, pas loin de l’Ecole royale navale, la vie semble s’être arrêtée dans ce qui est communément appelé «Douar Schneider». Dans ce bidonville, situé en plein cœur de la métropole, vivent plus d’une cinquantaine de familles. Les habitants, si on peut les appeler ainsi, mènent une existence difficile dans des taudis délabrés. Un calvaire qui dure depuis l’année 2002. Le mot «misère» n’est pas suffisant pour qualifier la situation des «Schneideroix». En ces lieux, la misère atteint des dimensions vertigineuses.Chaque famille dispose d’une baraque bâtie grossièrement sur une surface de moins de 2 m² (2X190 cm). En moyenne, chaque baraque est occupée par 4 ou 5 personnes (couple et enfants). L’on se dit que c’est quasiment impossible. Malheureusement, l’on s’y fait par contrainte. Au fil du temps, et après avoir compris que les logements qu’on leur avait promis ne seront pas livrés demain, ou pas livrés du tout, les habitants se sont mis à aménager ces bicoques de fortune. On a commencé par détruire les séparations entre deux baraques occupées par les membres de la même famille, pour ainsi obtenir un espace de près de 4 m², voire passer à 6 m² en grignotant du terrain sur la devanture. Dans ces «logements» indignes, où l’on vit à plusieurs dans un espace aussi confiné, le mot intimité a été rayé du lexique des Schneideroix. En pénétrant dans ces chaumières, par les températures qui courent, l’on frôle l’étouffement dès les premières secondes. La tôle ondulée qui fait office de toiture produit des craquements à force de subir les dards peu cléments du soleil, produisant par là même un effet de serre. «Durant l’été, nous nous entassons dans la rue avoisinante pour passer la nuit à la belle étoile, car il est impossible de dormir à l’intérieur des bauges qui nous servent de logements», souligne une jeune mère de famille. L’hiver n’est pas clément non plus, vu que les baraques sont envahies par l’eau et le froid.  A l’intérieur de ces baraques, où vivent parfois jusqu’à 10 personnes, la température passe du simple au double. Dans le même espace, on est dans le salon, la cuisine et la chambre à coucher réunis. Les téléviseurs côtoient de très près les réfrigérateurs et les gazinières. L’eau courante ? L’on n’a pas l’air sérieux d’évoquer pareille question, c’est limite du blasphème. Les habitants du Douar Schneider se partagent 3 toilettes traditionnelles communes, en plus de ce qui s’apparente à une fontaine d’eau. «Au réveil, les hommes n’ont d’autres choix que d’aller aux cafés avoisinants pour faire leur toilette, afin de laisser l’usage des trois WC aux femmes…», explique l’un des habitants. Ironie du sort, à partir de leur bidonville, les Schneideroix peuvent voir pousser les bâtiments luxueux de la future marina, sur le terrain même où ils vivaient auparavant dans des maisons décentes, avant leur délogement par la force, un certain août 2002.

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