17 Décembre 2012 À 20:13
En tenant, la réunion du bureau de l’Union des Conseils économiques et sociaux et institutions similaires de la francophonie (UCESIF), les présidents des CES du Bénin, du Gabon, du Mali, du Cameroun, de la Mauritanie, du Niger, du Congo, de la Côte d’Ivoire, de la Guinée, réunis avec les représentants de la Roumanie, de la France, de la Grèce, du Luxembourg, et de l’Organisation internationale de la francophonie avaient sans doute en tête cet événement qui fit basculer toute la région et dont on n’a pas encore fini de mesurer l’impact.
La Charte sociale de l’UCESIF, qui a été adoptée, est le résultat d’un travail collectif qui a fait l’objet de plusieurs versions et amendements, inspirées du concept de la Charte sociale élaborée par le CES du Maroc. Ce document, salué par Mme Élisabeth Dahan, SG de l’UCESIF, qui en a suivi les différentes phases d’élaboration, est en phase avec l’environnement économique et politique, car il est, souligne Nicolas Adagbé, président du Conseil économique et social du Bénin et président de l’UCESIF, fondé «sur un socle de valeurs universelles et de droits appartenant à différents champs, y compris les droits de la nouvelle génération qui constituent de véritables repères de la démocratie : gouvernance responsable, reconnaissance de la légitimité et importance du rôle des acteurs sociaux dans la vie de la Cité».
Cette charte, souligne Driss Guerraoui, SG du CES, qui est le résultat d’un partage d’expériences est au diapason des préoccupations des sociétés : revendications des jeunes, développement durable, financements alternatifs qui pourraient ouvrir un nouvel horizon de coopération. L’idée est également développée par Chtristian Roux, directeur de cabinet de Jean Paul Delevoye, président du CESE de France, qui évoque les différentes «exploitations» qui pourraient être faites de cette Charte en termes de partenariat entre différentes institutions.
Cette Charte s’inspire donc des Droits fondamentaux tirés des conventions internationales, dont beaucoup de pays en Afrique sont signataires. Il reste que le problème, comme le déclarait Fouad Benseddik, membre du CES qui a présenté la Charte, n’est pas d’adhérer à des conventions internationales, mais de les rendre effectives. La Charte n’a peut-être pas de force juridique, mais elle a une ambition soulignée par le président du CES, Chakib Benmoussa, qui rappelle le cadre à la fois normatif et opérationnel de la Charte, au service de la concrétisation des droits sociaux, fondement des sociétés de responsabilités partagées qui développent les principes de la bonne gouvernance, le dialogue, l’engagement social et civique et contribuent au développement d’une conscience collective. Autant de principes qui, s’ils devenaient effectifs, permettraient d’éviter les implosions sociales comme ce qui s’est passé à Tunis un 17 décembre 2010.
Le Matin : C’est à Brazzaville que les 22 pays membres de l’UCESIF ont inscrit dans leurs statuts leur détermination à promouvoir les droits économiques sociaux et environnementaux dans l’espace francophone et c’est dans ce cadre que la Charte sociale a été élaborée. Vous avez souligné que le résultat de ce travail, c’était le partage du patrimoine de valeurs et d’idées de l’UCESIF. Comment se présente la structure de cette charte ?Fouad Benseddik : La Charte comporte 54 droits fondamentaux, tirés des conventions internationales opposables et de traités gouvernementaux adoptés par des institutions publiques. Ces droits ont forgé des normes qui sont en termes de droits de l’Homme considérés comme des droits indivisibles. Droits interdépendants indissociables et complémentaires qui nous rappellent qu’en matière de droits de l‘Homme, on ne fait pas son marché, car l’on est tenu de tout prendre !
M. Adagbé soulignait l’idée que ces droits, qui sont des repères pour la démocratie, sont nommés en vue de leur réalisation et que la Charte est construite selon une méthode programmatique tournée essentiellement vers l’action. Pouvez-vous approfondir l’idée ?Ces droits ont été déclinés sous forme d’objectifs réalisables opérationnels, et nous avons veillé à promouvoir la visibilité, la disponibilité et l’accessibilité de ces droits aux citoyens. Nous avons eu en tête un objectif essentiel, celui d’assurer leur effectivité, car il ne sert à rien d’avoir de belles déclarations de droits de l‘Homme qui ne sont pas déclinées dans la réalité. Le grand défi des pays francophones n’est pas celui de la ratification des textes internationaux, mais celui de l’effectivité des droits. Comment rendre effectifs ces droits ? comment s’assurer de leur visibilité, de leur appropriation par les citoyens ?
Je vous pose à mon tour cette question essentielle : comment rendre effectifs ces droits ?Nous avons associé aux 107 objectifs opérationnels une batterie d’indicateurs qui permet de faire le suivi de ces objectifs. C’est là une innovation de cette démarche qui associe un triptyque : des droits, des objectifs et des indicateurs permettant d’en mesurer l’effectivité, le degré de réalisation et le progrès. Nous disposons ainsi de guides opérationnels en faveur des droits.
Un mot sur la structure de cette Charte ?La charte sociale de l’UCESIF comprend 54 principes et droits fondamentaux déclinés en 107 objectifs opérationnels associés à plus de 300 indicateurs de suivi des réalisations et des progrès. La Charte est déclinée en 7 volets, accès aux services essentiels et bien-être social, savoirs, formation et développement culturel, inclusion et solidarité, protection des enfants, dialogue social, dialogue civil et partenariats innovants, protection de l’environnement, gouvernance responsable, développement et sécurité économique et démocratie sociale. Ce sont là les objectifs autour desquels s’ordonne la Charte adoptée.
Quel est le statut de cette Charte ?Elle ne constitue pas un instrument de droit positif, elle ne crée pas de droits nouveaux. Elle ne peut revêtir de force juridique contraignante. Les Conseils économiques et sociaux ne légifèrent pas, nous ne pouvons pas parler de force juridique. Cette Charte est en fait un référentiel de lignes directrices qui nourrissent les interventions des membres des CES auprès de leurs vis-à-vis. C’est le travail que feront les membres de l’UCESIF auprès des législateurs au niveau international, en lien avec les ONG qui pourront faire en sorte que ces dispositions et ces objectifs gagnent en légitimité et en autorité juridique. C’est un travail qui débute avec l’adoption de la Charte qui a le statut d’Initiative volontaire au service de l’amélioration de l’intelligibilité et effectivité des droits humains tels qu’ils sont universellement reconnus par les Nations unies.
Quelle est en fait l’ambition de cette Charte ?C’est de décliner ces droits fondamentaux en termes de principes d’action, d’objectifs pour aider à la prévention, au respect et à la promotion de ces droits. La Charte telle qu’adoptée rappelle, de la part des Conseils économiques et sociaux, aux partenaires gouvernementaux que ces normes, que ces droits engagent la responsabilité des gouvernements. Les gouvernements sont tenus de les respecter. Ces droits impliquent la participation des acteurs sociaux professionnels et de la société civile qui doivent veiller à leur effectivité. L’ambition de cette Charte est aussi d’associer des indicateurs de suivi utilisables par les CES et nos parties prenantes.
Question de fond : comment ce document peut-il vivre une fois adopté ?Cette Charte est un élément de l’agenda de l’UCESIF. Elle sera utilisée comme un moyen d’action pour la prévention des risques de violations des droits sociaux. La Charte peut être invoquée comme référence de prévention des risques et comme argument à l’appui du respect de l’effectivité de ces droits. Cette Charte est un référentiel pour les droits humains dans le dialogue social, le dialogue civil, entre les acteurs et les pouvoirs publics. Ce sera une guidance pour l’évaluation des politiques publiques et privées, mais aussi pour l’interprétation des lois et règlements. C’est peut-être aussi un outil pour appeler à une coopération accrue au sein de l’Organisation internationale de la francophonie dans ses différentes composantes, comme l’a souligné M. Rioux du CESE. L’USECIF pourrait appeler à son adoption solennelle par l’OIF. Nous pourrions présenter cette Charte au CESE européen, au CES des Nations unies, à l’OIT et au comité d’experts indépendants de l’OIT en charge de l’application des conventions et des recommandations, et au comité d’experts en charge de la surveillance de l’application du Pacte international sur les droits économiques, sociaux et culturels dont la Charte s’inspire largement. Des programmes de formation et d’étude sur la Charte sociale peuvent être lancés pour donner plus de visibilité et permettre à l’UCESIF de s’exprimer à l’occasion d’événements internationaux.