08 Septembre 2012 À 20:10
Depuis quelques années déjà, la femme marocaine a brisé ses chaînes et a décidé de s’émanciper et prendre sa vie en main, avec pour objectif de s’épanouir et de participer, elle aussi, au développement de son pays. Aujourd’hui, la majorité des femmes font des études supérieures, travaillent et occupent des postes de responsabilités. Toutefois, le revers de la médaille est que ces femmes n’ont plus assez de temps pour s’occuper des tâches ménagères qui leur incombent. Du coup, elles «délèguent» ces corvées à d’autres femmes qui ont fait du ménage leur gagne-pain.Cependant, depuis quelque temps les domestiques deviennent de plus en plus difficiles à trouver et à convaincre. C’est à ce moment qu’intervient l’intermédiaire «Semsar». La personne qui se porte garante de vous trouver une femme de ménage dans l’espace de 24 h et avec les conditions que vous voulez. Mais ce qu’il ne dit pas, c’est que rien ne garantit le sérieux ou la constance de cette femme dans votre foyer, quel que soit le prix que vous lui versez. «J’ai engagé une femme de ménage à 2 000 DH/mois et j’ai payé 1 000 DH à l’intermédiaire qui me l’a ramenée et pourtant elle est restée seulement trois mois, avant de partir. Quand j’ai appelé l’intermédiaire, il m’a expliqué qu’elle voulait simplement rentrer chez elle et que si j’en voulais une autre je devrais le repayer. Chose que j’ai acceptée parce que, vu mes engagements professionnels, j’ai vraiment besoin d’aide à la maison. Trois mois après, c’est le même scénario. C’est là que j’ai fleuré l’arnaque, mais je ne peux rien faire légalement parce que je n’ai aucune preuve de la mauvaise foi de l’intermédiaire», confie Houda. Heureusement, le cas des «Samsar» comme celui qu’a rencontré Houda reste assez exceptionnel. Il est vrai qu’il est difficile de garder une domestique pour une longue durée, mais ce n’est pas toujours la faute de l’intermédiaire. «C’est vrai qu’il existe dans notre métier des gens incompétents et malhonnêtes qui profitent de la détresse des ménages pour les arnaquer, mais ce n’est pas toujours le cas. Les femmes de ménage sont devenues une denrée rare et elles en sont bien conscientes. C’est pour ça qu’elles se font désirer», affirme Abdeslam, «Semsar». Et d’ajouter : «Je pratique ce métier depuis longtemps et j’ai bien remarqué le changement d’attitude chez les femmes de ménage. Aujourd’hui, elles ont beaucoup plus confiance en elles et ne se laissent pas faire. Il est révolu le temps où c’était la maîtresse de maison qui imposait ses conditions, de nos jours c’est la domestique qui multiplie les exigences. Elles refusent de travailler les week-ends, elles n’acceptent pas d’accomplir plusieurs tâches, elles exigent des heures de repos en journée et veulent rendre visite à leurs familles une fois par mois…».Des conditions que les ménages ont du mal à accepter. «J’avais une domestique qui s’occupait du ménage et gardait mes enfants pendant deux ans. On s’entendait très bien et les enfants se sont beaucoup attachés à elle. Un beau jour, elle est venue me dire qu’elle voulait passer deux semaines de Ramadan avec sa famille. Je lui ai expliqué que ce n’était pas possible parce que je travaille et que je n’ai personne pour garder les enfants pendant cette durée. Insatisfaite de ma réponse, elle a pris sa valise et a quitté la maison. Je ne l’ai plus revue», raconte Ilham, encore sous le choc. Des mois plus tard, elle a su que la jeune femme qui travaillait chez elle avait trouvé un emploi dans un autre foyer.
«Les domestiques sont tellement demandées, surtout dans les grandes villes, qu’elles savent très bien que si elles quittent une famille, elles peuvent à tout moment en trouver une autre. C’est parce qu’elles sont conscientes de leur importance au sein des familles, qu’elles n’en font qu’à leur tête. Nous, en tant qu’intermédiaires, on ne peut pas les forcer à rester chez une famille, ni garantir leur honnêteté et la qualité de leurs prestations», explique Abdeslam. Selon l’intermédiaire, certaines jeunes femmes prétendent vouloir travailler et dès qu’elles empochent l’argent, il ne les revoit plus. «Beaucoup de filles prennent l’argent du transport et ne viennent jamais au lieu du rendez-vous», assure-t-il.De leur côté, les femmes de ménage ne manquent pas de justifications. «On est toujours pointées du doigt. Mais les gens ont tendance à oublier qu’on est aussi des êtres humains et que si la vie nous avait un peu gâtées, on ne serait pas en train de faire ce genre de boulot», souligne tristement Najat, 23 ans. Et d’ajouter : «J’avais 8 ans quand mon père est décédé. J’ai deux sœurs, une mariée et l’autre divorcée, et un petit frère. C’est pour aider ma famille à subvenir à ses besoins que j’ai dû travailler, sachant que je n’ai jamais fait d’études. J’ai travaillé chez beaucoup de familles à travers tout le pays et toutes les maîtresses de maison ne sont pas des anges». Najat affirme que la dernière famille chez laquelle elle a travaillé l’a fait dormir dans un sous-sol sombre sur un matelas en éponge pourri. «Elle a cru que parce qu’elle m’a promis de me donner 2 000 DH, elle pouvait me traiter comme un chien. J’ai passé la nuit dans les escaliers et le lendemain de mon arrivée, j’ai pris ma valise et je suis rentrée chez moi. De toute façon, ce n’est pas le travail qui manque», conclut-elle.