Spécial Marche verte

Dur, dur d’être belle-fille

La femme marocaine a sans doute évolué au fil des années, cependant son statut de belle-fille est resté le même. Toujours «à la merci» de sa belle-famille et particulièrement de sa belle-mère, elle essaye de «vivre» comme elle peut.

La jeune mariée est loin de se douter du grand nombre de responsabilités et d’obligations qui l’attendent une fois la fête de mariage terminée.

07 Septembre 2012 À 17:22

Pendant la soirée du mariage, chaque mariée est sûre de vivre la plus belle journée de son existence. Elle est que c’est le début d’une vie pleine d’amour, de bonheur… Croyant qu’elle a atteint le nirvana, elle ne prête aucune importance à la fameuse phrase que répète sa belle famille ce jour-là : «Donnez-nous notre fille, elle n’est plus à vous», pourtant c’est une réplique pertinente qui devrait la mettre sur ses gardes. Ce n’est que plus tard qu’elle comprend que le mariage est loin d’être le paradis dont elle a longtemps rêvé et qu’il engendre un grand nombre de responsabilités, d’obligations et de sacrifices non seulement envers son mari, mais aussi envers sa famille. «Je ne comprends pas d’où vient l’appellation de belle-famille ! Franchement, ça n’a rien de beau. Je suis obligée de supporter tous les caprices des parents de mon mari, de ses sœurs… au détriment de ma vie de couple. Le pire c’est qu’il trouve cette situation normale», fustige Kawtar.

En effet, on choisit son mari, mais certainement pas sa famille. La majorité des femmes se plaignent de leur belle famille et particulièrement de leur belle-mère qui est souvent désobligeante, autoritaire et trop présente dans la vie du couple. Tout le monde sait que les rapports belle-mère/belle-fille ont été, depuis la nuit des temps, compliqués. De nos jours, la situation n’a pas changé pour autant. Même si la femme marocaine est aujourd’hui une femme active, instruite, cultivée… elle reste toujours sous l’autorité et le contrôle de sa belle-mère et même parfois de ses belles-sœurs.

La belle-mère, du fait de son statut, critique tout, tout le monde et surtout la femme de son «bébé», celle qui a osé le lui voler. Pour elle, celle-ci ne fait rien de bien, elle sait toujours mieux faire, connaît mieux que cette «gamine»… En bref, l’épouse n’est pas assez bien pour le fiston chéri. «Ma belle-mère est mes belles-sœurs me gâchent la vie. Je ne sais pas ce qu’elles ont contre moi pourtant je ne leur ai fait aucun mal. Elles ne ratent pas une occasion pour m’humilier et monter qu’elles sont plus douées dans certaines choses. Heureusement que mon mari me soutient et me comprend sinon je n’aurais jamais pu supporter tout cela surtout que je suis convaincue que je suis plus intelligente et instruite qu’elles», confie Souad. En effet, quand la femme est plus cultivée et indépendante que les membres de sa belle-famille, ses problèmes se multiplient en général. Pour eux, c’est une personne hautaine qu’il faut remettre à sa place rapidement. 


Le statut de la belle-fille vu par Khalil Jamal, sociologue

Une rude compétition

«Un homme est toujours proche de sa famille, et surtout de sa mère, contrairement à ce que l’on peut croire. Le problème qui se pose chez la belle-fille est qu’elle débarque dans une «structure forte» qu’elle ne connait pas, entourée de personnes étrangères avec des habitudes différentes, des mentalités différentes et qui en plus ont une autorité directe sur elle. Ce n’est donc pas évident pour elle de s’adapter à ce changement. C’est comme l’organisme humain qui a l’habitude de rejeter tout corps étranger. Il lui est difficile de creuser une place dans sa nouvelle famille surtout qu’elle n’a pas eu droit à un temps d’adaptation. Le changement était aussi brusque qu’important. Elle, qui s’attendait à vivre une vie de couple comme dans ses rêves, se retrouve devant l’obligation de s’habituer rapidement à l’autorité de sa belle-famille qui n’est pas toujours à son goût.

De son côté, la belle-famille et particulièrement la belle-mère doit laisser son enfant prendre son autonomie et être indépendant. En d’autres termes, il va falloir se séparer de son petit et surtout accepter qu’il soit heureux, sans elle. Cela n’est pas toujours facile, et s’avère au contraire compliqué surtout si le lien mère-enfant a été très fusionnel. Justement, quand la relation mère-enfant a été très fusionnelle, l’enfant devenu adulte est pris dans un conflit de loyauté. Il est partagé entre sa mère qui l’a fait naître, l’a fait grandir et envers laquelle il se doit de rester loyal et son épouse, étrangère à la famille. Du coup, la belle mère et sa belle-fille entrent dans une rude compétition pour tester l’amour du mari ce qui engendre généralement plusieurs conflits».

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