Spécial Marche verte

Un garçon à tout prix !

● Malgré l’évolution que connaît notre société, principalement dans les grandes villes, certains couples accordent toujours beaucoup d’importance au sexe du bébé.
● Avoir un garçon devient une obsession pour de nombreuses familles.

Quand la mère met au monde un fils elle est envahie d’un sentiment de fierté.

13 Avril 2012 À 17:15

Dans la salle d’attente d’un grand cabinet de gynécologie à Casablanca, Amal, 28 ans, cadre dans une importante multinationale de la métropole, attend son tour avec impatience. Aujourd’hui, elle pourra enfin connaître le sexe de son bébé. Elle n’a pas arrêté de taper du pied et à répéter «Je stresse comme une folle. Aujourd’hui est un jour décisif» jusqu’au moment où on l’a appelé pour faire l’échographie de son premier trimestre. Après une quinzaine de minutes, la jeune femme sort de la salle de consultation en sanglotant. Amal a, en effet, piqué une crise depuis que le médecin lui a annoncé qu’elle est enceinte d’une fille. C’était comme s’il lui avait dit qu’elle portait une malédiction dans le ventre.

«Comment je pourrai annoncer cette mauvaise nouvelle à mon mari qui attend avec impatience l’arrivée de son «prince héritier ?». Il va certainement se mettre en colère et m’en vouloir», lance-t-elle en pleurant. «Même s’il s’agit de ma première grossesse, j’aurai préféré avoir un garçon pour assurer l’avenir de notre couple. Je n’ai aucune envie de vivre la tragédie de ma sœur ainée. Après sept ans de mariage et trois enfants, des filles, son mari s’est remarié pour avoir le garçon. Les membres de sa belle-famille n’arrêtaient pas de la critiquer, de la juger et de l’ennuyer à cause de ce problème… », poursuit Amal.

Le «Garçon tant attendu»

Amal et sa sœur ne sont pas les seules à appréhender le moment de découvrir le sexe de leur bébé. En effet, malgré l’évolution de la société, on ne peut pas dire que les mentalités ont vraiment changé. Et même si c’est l’homme qui décide normalement du sexe du bébé, ce sont les femmes qui sont les plus incriminées et les premières à en subir les conséquences. Elles sont souvent amenées à se transformer en «machine à accouchement de filles» avant d’atteindre, ou pas, l’objectif fixé : donner naissance au «Garçon tant attendu».

Bien que cela soit choquant, plusieurs femmes, quel que soit leur niveau de vie ou leur niveau intellectuel, se mettent la pression à ce sujet pour diverses raisons. «La question de l’héritage est l’une des principales causes qui poussent certains couples à être obsédés par l’idée d’avoir un garçon. Quand on n’a que des filles, les autres membres de la famille peuvent facilement partager notre héritage. Tandis que quand on a “Le garçon”, on est comme immunisé», explique Mohcine Benyachou, psychologue. «Aussi, notre culture arabo-musulmane joue un rôle dans ce sujet. Tout le monde sait qu’avant on enterrait les filles vivantes juste après leur naissance. Un bébé de sexe féminin n’était jamais le bienvenu et être parents de filles était mal vu, alors qu’être parents d’un garçon était une fierté. Je crois que ces idées règnent toujours dans notre société», ajoute-t-il. Les femmes «mères de filles» sont aussi victimes de plusieurs jugements et accusations des membres de leur belle famille. Pour ces derniers, elles sont incapables d’assurer la descendance de la famille et elles sont les seules responsables. «Je me suis mariée à l’âge de 35 ans.

Heureusement, je suis tombée enceinte deux mois après mon mariage. J’ai donné naissance à une adorable petite fille, mais mon mari et sa famille n’étaient pas satisfaits. Ils voulaient “Le garçon”. Nous avons réessayé une deuxième puis une troisième fois, mais rien à faire. Nous sommes maintenant parents de trois filles et ma belle mère me rend la vie impossible. Elle me dit qu’à cause de moi, leur nom de famille va s’éteindre et que je dois trouver une solution sauf que je ne sais pas ce que je dois faire ?!!», confie Lamiâa. Histoire sans fin…

Copyright Groupe le Matin © 2025