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Alain Juppé, le sens d’une visite

Ce jeudi 8 mars, Alain Juppé, ministre français des Affaires étrangères, effectuera au Maroc une visite de travail, placée sous le signe de l’amitié. Elle sera en effet, outre la série d’entretiens avec son homologue marocain, Saad-Eddine El Othmani, et autres hauts responsables, notamment marquée par l’audience que Sa Majesté le Roi lui accordera.

05 Mars 2012 À 19:14

Dire que cette visite est significative relèverait de l’euphémisme. Cependant, elle prend valeur de symbole à un moment où la France et le Maroc traversent l’une des étapes importantes de leur histoire. La première vit aujourd’hui sous le rythme frénétique et acharné d’une élection présidentielle décisive, le second engrange à peine le changement radical au plan institutionnel et politique qu’il vient de réaliser depuis le 25 novembre 2011.

Familier du Maroc, de son histoire, de sa culture et de ses hommes, Alain Juppé abordera ce qu’on appelle habituellement les « sujets d’intérêt commun ». Leur liste est longue avec, néanmoins, quelques dossiers qui constituent des urgences permanentes de la coopération maroco-française. La France est le premier partenaire économique du Maroc, le premier investisseur également avec une forte présence d’entreprises, un système d’aide financière, publique et privée, un réseau de soutien renforcé au niveau de la culture, de la formation et de l’éducation. Or, et les responsables des deux pays ne s’en tiennent guère à ce volet du partenariat technique, la coopération s’enracine dans une tradition historique. L’amitié lui sert de fil conducteur, sur fond d’un destin partagé, communément assumé. Depuis de longues années, en effet, depuis toujours à vrai dire, excepté un laps de temps marqué par un relatif froid entre feu Hassan II et le général de Gaulle, la relation du Maroc avec la France n’a jamais quitté le sentier de l’amitié.

Sans pour autant être indifférents l’un à l’autre, Hassan II et Charles de Gaulle avaient un même tempérament, fait d’une pointe d’orgueil et d’un nationalisme ombrageux. Ce qui n’a jamais empêché l’amitié franco-marocaine de s’inscrire dans une exigence de continuité, transcendant et les régimes et les humeurs, y compris les moments d’exaltation ayant marqué en mai 1981 l’arrivée de la gauche en France. C’est un credo que cette continuité entre les deux pays, les gouvernements et les peuples. Alain Juppé, tout à sa rigueur et sa perspicacité, rencontrera un responsable de la diplomatie marocaine d’une autre culture, d’une autre obédience politique. En son nom, le gouvernement français n’a pas ménagé récemment ses efforts pour soutenir la signature de l’accord de libre-échange agricole entre le Maroc et l’Union européenne. Mieux, le chef de la diplomatie française aura été, c’est le moins que l’on puisse dire, une figure de proue dans la mobilisation en faveur du Maroc. À la fois pour vaincre les réticences malveillantes du lobby agricole anti-marocain et les atermoiements exprimés ici et là, suite à la victoire du PJD.

Sans doute, Alain Juppé abordera-t-il cette évolution en cours. Il confortera ses interlocuteurs marocains et réitérera la volonté de la France de soutenir les chantiers de réformes mis en œuvre par le Maroc. Un large éventail de problématiques multiples interpelle les deux gouvernements, elles s’apparentent à des défis : le soutien appuyé de la France au Maroc, outre la dimension quasi familiale au long cours, reste dicté par des impératifs de stabilité politique, de réussite du modèle économique et social, du projet de société qui lui est subséquent, de l’exemplarité ensuite de l’alternance démocratique, enfin du principe de changement sans bouleversements ni rupture du lien social. La France a soutenu la candidature d’un Marocain à la tête de l’Union pour la Méditerranée (UPM), dont création avait été annoncée par le Président Nicolas Sarkozy à Tanger il y a trois ans. La vaste région constituée autour de cette « mer nourricière », berceau de civilisation aussi,  reste un défi commun aux pays qui lui appartiennent, mais un enjeu particulier pour le Maroc et la France.

La France demeure attentive à l’évolution politique et militaire dans la région du Sahel où, mettant à profit le vide d’un « no man’s land », al-Qaïda nourrit un terrorisme violent et meurtrier dont plusieurs ressortissants français ont été victimes. Elle ne peut pas ne pas se réjouir que les pays concernés de près ou de loin - tous francophones d’ailleurs -, Algérie, Mauritanie, Mali, Niger, voire Maroc, mettent en œuvre une stratégie concertée de lutte contre le fléau du terrorisme dans ce qu’elle considère la « profondeur africaine de l’Europe » ! Le ministre français des Affaires étrangères traduira donc, avec le langage franc qui lui est familier, toutes ces préoccupations géostratégiques à ses interlocuteurs à Rabat. Celui d’une coresponsabilité et de quête d’une convergence impérieuse.

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