L'humain au centre de l'action future

Fermeture des salles de cinéma : est-ce une fatalité ?

Les salles de cinéma qui subsistent au Maroc sont dans un état déplorable. Parmi les 365 qui faisaient vivre des milliers de familles, seules 33 sont en effet encore ouvertes. Mais elles tournent à faible régime. Comme les faire revivre ?

L'ancien cinéma Opéra, à Casablanca.

30 Décembre 2013 À 16:17

Pauvres salles de cinéma ! La désaffection du public se poursuit. Cette année, il s'est vendu quelque 2 millions de tickets, soit 30 000 de moins qu'en 2012. Rien à voir avec les 50 millions enregistrés dans les années 1980. En 2009, les salles obscures enregistraient encore 4 millions de tickets. Avec un chiffre d’affaires qui ne franchit pas la barre des 100 000 DH par an dans le meilleur des cas, les patrons des salles de cinéma apparaissent comme des «Don Quichottes» des temps modernes. Ils ont beau déplorer la fermeture de plusieurs salles de cinéma un peu partout dans le pays, cela ne change pas grand-chose à l'affluence du public. En tout cas, dix salles bénéficient depuis fin mai dernier d'une enveloppe de 6,2 millions de dirhams pour leur numérisation, octroyée par la Commission d’aide à la numérisation présidée par Rachid Andaloussi. La modernisation et la création de nouvelles salles de cinéma figurent également dans le plan d’action de la commission appelée désormais à la refonte du secteur et à la sauvegarde du patrimoine. Certes, une bonne nouvelle pour le cinéma marocain ! Il s'agit des salles de cinéma Avenida (756 000 DH) et Espagnol (504 000 DH) à Tétouan, Rif (693 000 DH), A.B.C (459 000 DH), Ritz (540 000 DH) et Lynx (837 000 DH) à Casablanca, Colisée (756 000 DH) et Mabrouka (666 000 DH) à Marrakech, Dawliz (395 000 DH) à Meknès et Hollywood (693 000 DH) à Salé.

Voilà de quoi rassurer les fervents défenseurs des salles obscures qui se trouvent en majeure partie aujourd’hui en état de délabrement avancé. Pour les différents intervenants dans le domaine, sortir de cette impasse est plus que jamais une nécessité. Ces salles sont aujourd’hui jetées aux oubliettes. «L’urgence pour les salles de cinéma en activité est de passer très vite à la projection numérique dans la mesure où les films en argentique ne seront plus disponibles sur le marché». C’est l’esprit du texte du 19 septembre 2012 qui précise les modalités pratiques pour bénéficier d’une subvention publique destinée soit à la rénovation ou à la construction de nouvelles salles de cinéma. «Le texte stipule en effet qu’une salle répondant à un certain nombre de critères techniques et socioculturels peut bénéficier d’une aide publique d’un montant d’un million de dirhams (100 000 euros) pour passer à la DCP. L’aide, une fois les conditions réunies, peut être livrée en totalité au bénéficiaire», précise Mohamed Bakrim, critique de cinéma avisé. D’autres formules sont prévues. Mais la numérisation des salles suffirait-elle à donner une nouvelle impulsion à cette activité ? «Non, pas vraiment !» répond Abdelhamid Marrakchi, ex-président de la Chambre marocaine des salles de cinéma. «Les spectateurs boudent le grand écran. Il ne suffit pas de changer l’aspect des salles (fauteuils, son, lumières...) et remplacer le 35 par le numérique.

Le numérique n’est qu’un moyen de projection, il ne draine pas forcément les clients», ajoute-t-il. Car il faut aussi contrecarrer le piratage. Ici, l’on parle d’une perte considérable enregistrée dans le domaine de la production et de la distribution. Les professionnels investissent des millions de centimes et ne gagnent que quelques centimes en contrepartie. Pour faire face à cette situation, il existe également d’autres solutions dont la création d’une commission interministérielle composée du ministère de l’Intérieur, du ministère de l’Industrie, du commerce et des nouvelles technologies et du ministère de l’Économie et des finances dans le but de contrôler l’importation des CD. «Le CD importé coûte 50 centimes et est vendu à 5 DH. Il y a 30 millions de CD importés chaque année et donc c’est 250 millions de dirhams qui échappent à tout contrôle fiscal», déplore Hamid Marrakchi qui suggère également la révision de la taxe sur la valeur ajoutée appliquée aux professionnels de 20 à 5%, à l’instar de ce qui se fait en France. Des solutions donc. En attendant une éventuelle mise en œuvre, les professionnels de la production et de la distribution cinématographiques doivent prendre leur mal en patience. Les amoureux du grand écran aussi. 

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