L'humain au centre de l'action future

Le nouveau souffle des ciné-clubs

Les faits : Les ciné-clubs au Maroc, qui jouaient auparavant un rôle prépondérant dans le paysage inématographique et culturel du Royaume, n’ont plus le même prestige aujourd’hui. La nouvelle direction de la Fédération nationale des ciné-clubs au Maroc tente de redynamiser les ciné-clubs à travers un plan d’action ambitieux.

Retour en force de l’Université d’été du cinéma et de l’audiovisuel.

21 Octobre 2013 À 15:29

Paradoxe : à l'époque où la production du 7e art national ne dépassait guère un film ou deux par an, les ciné-clubs étaient une composante essentielle du paysage culturel local. «La culture cinéphilique était portée très loin dans le pays profond, malgré un environnement politique hostile (c’était les années de plomb), permettant à des milliers de jeunes de découvrir, entre autres, le cinéma soviétique des années 20, le néoréalisme, le réalisme poétique et la présentation d’un programme dédié au Cinéma Nuovo brésilien autour de sa figure emblématique, Glauber Rocha», se souvient encore le critique de cinéma Mohamed Bakrim, fervent défenseur de la culture des ciné-clubs.

Aujourd’hui, avec la multiplicité des festivals de cinéma et l’essor que connaît le cinéma marocain, ces institutions cinématographiques n’ont plus la même présence dans le paysage du 7e art national. Déjà leur nombre, comme celui des salles de cinéma (27 dans tout le Royaume), diminue de plus en plus. La Fédération nationale des ciné-clubs en compte une trentaine seulement, contre une centaine à son âge d’or avec plus de 40 000 adhérents. Et c’était l’une des plus puissantes d’Afrique. Que reste-t-il de cet héritage ? Les quelques ciné-clubs encore affiliés à la FNCCM ont changé leur méthode de travail passant des projections-débats hebdomadaires des films à l’organisation des festivals. On citera dans ce sens, les clubs de Sidi Kacem, Kénitra, Martil, Settat, Immouzar, Sidi Slimane, Errachidia, Azrou, Machraa Bel Ksiri, Tissa, Berrechid, Khouribga, Tanger, Oujda, Fès, Casablanca et Béni Mellal. Ces clubs préfèrent éditer un livre par an, soit sur un réalisateur marocain à qui l’on rend hommage lors d’un festival à travers la projection de ses films au profit du public de la ville qui abrite l’événement, soit sur le thème de celui-ci.Parmi les activités des ciné-clubs, on note également l’initiation de plusieurs workshops à travers le Royaume. Mais cela tourne à faible régime.

Dans cette optique, «Jawassem», une plateforme de ciné-clubs créée en 1973, a tenté de redynamiser le secteur à travers le lancement d’un nouveau type de ciné-clubs, au sein des lycées et des maisons de jeunes. Pour cela, elle a élaboré des partenariats avec le ministère de l’Éducation nationale et celui de la Jeunesse et des sports, respectivement sous les mandats de Abdellah Saâf pour le premier département et de Mohamed El Gahs pour le second. Malheureusement, ces partenariats n’ont pas été reconduits par leurs successeurs, mais aussi par l’ancienne direction de la FNCCM.Cependant, et depuis quelque temps, on assiste à une redynamisation des structures de la Fédération nationale des ciné-clubs et à une relance de sa présence dans les paysages culturel et cinématographique du pays. «Une assemblée générale a été organisée après moult tergiversations et un nouveau bureau, composé de 11 membres (dont deux femmes) et présidé par Abdelkhalek Belarbi (du ciné-club de Sidi Kacem) a été élu, le secrétariat général étant assuré par Abdelhak Elmabchour (du ciné-club de Casablanca)», affirme Mohamed Bakrim. Mieux encore, un programme d’activité a aussi été tracé. Son point fort, selon Abdelhak Elmabchour, secrétaire général de la FNCCM, est «l’élargissement de la base de la fédération en encourageant les autres ciné-clubs à adhérer à la Fédération et surtout en suscitant la création d’autres».

Sur le terrain, la nouvelle direction a d’abord élaboré un plan d’action ambitieux. Elle a réussi à signer le retour en force de l’Université d’été du cinéma et de l’audiovisuel en cette année 2013 après dix ans d’éclipse. Cette manifestation vise à «assurer une formation en matière de gestion culturelle et logistique au profit des animateurs des ciné-clubs, et aussi à parrainer les jeunes cinéphiles pour leur offrir la possibilité de perfectionner leur savoir-faire cinématographique et, surtout, de réaliser et projeter leur premier film», explique le président de la Fédération nationale des ciné-clubs, Abdelkhalek Belarbi. Et toujours au registre de son plan d’action, la FNCCM a introduit le premier concours dédié aux réalisateurs affiliés aux ciné-clubs : le Concours Mohamed Reggab du court métrage en septembre dernier. Cette compétition a mis aux prises douze courts métrages réalisés par des cinéphiles adhérant aux ciné-clubs de différentes régions du Royaume : Rabat, Casablanca, Fès, Tanger, Meknès, Oujda, Khouribga, Kénitra, Sidi Slimane, Sidi Kacem, Errich et Guercif.

Bref, pour redynamiser les ciné-clubs au Maroc, la FNCCM a, depuis la tenue du Conseil national le 19 mars dernier à Casablanca, établi le programme culturel de l’année. Et elle a réussi à atteindre environ 70% des objectifs escomptés. Vaste défi, car, selon Mohamed Bakrim, les enjeux pour la nouvelle direction des ciné-clubs se posent dans un environnement complètement différent : rétrécissement du parc des salles, émiettement et fragmentation de la réception des images à travers une multitude des supports…

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