Fête du Trône 2006

De la gare comme point de passage à la gare centre de vie

C’est le 18 mai dernier, à la Bibliothèque nationale, que le jury a attribué les prix de concours des projets des gares LGV de Tanger, Kénitra, Rabat, Agdal et Casa Voyageurs et de la gare classique de Meknès «maillage entre histoire et contemporanéité». En observant le flux et le reflux des milliers et milliers de «navettistes» qui chaque matin empruntent les trains entre les deux capitales, des millions de voyageurs qui utilisent ce même transport à la faveur de leur déplacement et des fêtes, on constate que les gares sont devenues «les lieux par excellence de l’intensité» de nouveaux centres urbains qui transforment l’environnement, mais qui exigent plus d’attention, de vigilance, d’organisation sans faille.

Gare de Rabat.

21 Mai 2013 À 19:05

 Les questions de mobilité ont transformé les modes de vie et le mode de transport ferroviaire, plus démocratique, plus écologique qui occupe une place prépondérante étant entendu comme le pensent les sociologues urbains «que les villes qui gagneront demain devront être dotées d’une mobilité moderne».L’intensité de la gare fait d’elle le lieu de tous les paris, ceux de sécurité, de rentabilité, de services publics, tout cela à la fois, ce qui fait sa complexité. D’autant que ces espaces à la fois publics, de services et de commerce sont devenus selon le nouveau terme des «plateformes multimodales» où l’efficacité d’un transport de masse doit se conjuguer avec une organisation sécurisée à tous les niveaux. La conception et la réalisation de gares de nouvelles générations qui répondront aux normes de la ligne grande vitesse constituent un nouveau pari en termes de réalisation et de gestion pour l’ONCF qui doit «répondre aux exigences des clients en termes de multifonctionnalité, de confort et d’accessibilité.

La nouvelle génération des gares ferroviaires LGV au sein des pôles urbains multiservices nommés «Pôle d’échange (PE)» devra ainsi mettre à disposition du voyageur des services et des espaces adaptés», précise le communiqué de l’office. Pour le DG de l’ONCF Rabie Khlie, «l’ONCF a engagé cette dernière décennie un programme ambitieux de construction et de rénovation de gares pour un montant de 800 millions de DH. On a pu passer d’un concept de gares comme points de passage à la gare centre de vie, et à une nouvelle génération de gares avec la LGV qui relie Tanger à Casablanca et qui concerne 4 gares : Tanger, Kénitra, Rabat, Casablanca. Nous avons lancé pour ce faire un concours d’architecture en partenariat avec les représentants de ces villes, les walis, les gouverneurs, les directeurs d’agence urbaine dans une démarche participative. Les gares développées dans des centres multiservices sont une opportunité pour les villes et pour capter les valeurs créées par les trains grande vitesse, par les développements créés autour des gares, car il y a des master-plan qui intéressent tout l’environnement direct des gares.

C’est ainsi que les meilleurs projets ont été sélectionnés et nous avons primé les quatre premiers qui portent en eux toute l’évolution des gares et toute la créativité des architectes qui ont eu toute la liberté de choix. Hasard des choses ou clin d’œil dénué d’ironie, une excellente illustration de cette transition entre le Maroc d’autrefois et celui de demain était représentée par la très belle exposition qui jouxtait celle des nouvelles gares : l’exposition de Rabat, patrimoine universel de l’humanité, Rabat d’autrefois, d’aujourd’hui et de demain». En admirant les photos de la médina, des murailles de la Tour Hassan, du jardin d’Essais botaniques du site de Chellah et, à deux pas à côté, celles des gares et plateformes multimodales, les spectateurs passaient à la fois du sentiment de nostalgie à celui du vertige futuriste…

À bâtons rompus avec Rabie Khlie, D.G. de l’Office national des chemins de fer (ONCF)

Le Matin : Parmi les projets réalisés dans le cadre des contrats-programmes, le réaménagement et la construction de gares multimodales figurent en bonne place. Quelles sont les gares qui ont fait l’objet de rénovation et d’agrandissement ?Rabie Khlie : L’ONCF s’est engagé dans un vaste programme de modernisation des gares. Dans ce cadre, il a réalisé près d’une quarantaine au titre du plan d’investissement 2005-2009 pour un investissement de 800 millions de DH. Vingt autres unités sont concernées par ce programme dans le cadre du plan de développement de l’Office pour la période 2010-2015. Avec l’avènement des gares LGV, cette dynamique s’accélère puisqu’une enveloppe de 1,6 milliard de DH est réservée à cette catégorie de gares nouvelle génération, dont près de 1 milliard de DH pour la première phase. Le programme de modernisation des gares vise la rupture avec l’ancienne conception des gares comme simples points de transit des voyageurs. Il adopte un nouveau concept qui intègre harmonieusement ces nouveaux édifices dans l’environnement urbanistique et en fait des repères dans la ville. Il les positionne comme espace fonctionnel et multiservice au sein des agglomérations et sources d’effets structurants et d’entraînement positifs sur l’économie régionale et nationale. Au registre des gares déjà modernisées fig, Marrakech, Rabat-ville, Fès, El-Jadida, les extensions des gares de Salé-ville, Mohammedia, Ksar El Kébir, Safi, Youssoufia, Bel Ksiri. Celles dont le réaménagement est prévu fin 2015 sont Settat, Taza, Oujda, Guercif et Sidi Kacem.Prévoit-on la construction de nouvelles gares ? Nous avons en cours de construction les sites de Casa-port, Taourirt, Mechraa Belksiri et Souk Larbaa. Et il y a en cours de reconstruction plusieurs gares : Meknès qui a été primée, Taza, Oujda, Rabat-Ryad, Benguerir, Settat, Témara, Bouznika, Sidi Kacem, Bouskoura, Guercif, Ain Taoujtate…Comment concevez-vous le rôle des gares aujourd’hui au XXIe siècle ?La gare, avec la situation centrale qu’elle occupe aujourd’hui au cœur des villes, constitue une opportunité à fort potentiel de développement urbain, économique et social. Toutefois, le développement des gares nécessite une transformation majeure à la fois des pratiques du transport intermodal, d’accessibilité et de développement urbain. Cette transformation vise à faire émerger un vrai pôle intégré autour d’un repère urbain structurant : la gare centre de vie. En effet, la gare répond aujourd’hui à deux impératifs majeurs : le transport et l’aménagement urbain. Pour maîtriser l’expansion urbaine, il y a lieu de développer un pôle d’échange dense et durable autour de la gare. Ainsi, émergeront des éco-quartiers autour des gares, bien desservis, lieux de la mixité urbaine et sociale, en réduisant à la source les besoins de déplacement individuels. L’ONCF s’est inscrit dans cette logique et cultive la volonté d’optimiser et de valoriser les atouts des sites des gares afin que celles-ci génèrent une dynamique aussi bien urbaine, économique et sociale.Ces projets sont des moteurs de densification urbaine et devraient entrainer une nouvelle dynamique urbaine des centres-ville, prévoit-on des restructurations des quartiers avoisinants ?Conscient de l’importance de la situation stratégique qu’occupe le patrimoine ferroviaire au sein des villes, l’ONCF a procédé, en 2009, à l’élaboration d’un schéma directeur des gares qui a permis de développer une nouvelle approche intégrée visant la valorisation de ce patrimoine ferroviaire à travers la mise en place d’un programme de développement qui intègre des projets de requalification urbaine en vue de devenir des espaces urbains dynamiques et ouverts au service de la ville et du citoyen. Les objectifs du programme concernent la délocalisation des activités à caractère industriel et du fret à l’extérieur des villes, l’accompagnement du développement urbain des villes à travers des projets de requalification urbaine intégrés afin de générer des recettes pour financer le programme de délocalisation et, enfin, la participation au niveau de l’accessibilité et de la fluidité des circulations autour des gares.Dans les nouveaux pôles des gares multimodales, il y a une diversification des services liés aux voyageurs, mais aussi un tissu commercial important qui nécessite une bonne exploitation et une valorisation. Qui seront les gestionnaires de ces futurs pôles qui sont à la fois des lieux de production de services et de consommation ? Le nouveau concept de gares en tant que lieu de vie intègre dans une harmonie et une logique de valorisation les espaces liés au voyage (espace billetterie, hall d’attente, points d’informations, etc.) , mais aussi des espaces offrant des services et des commodités aux voyageurs (coffee shop, point de presse, services télécoms, location de voitures, agence de voyages, agence immobilière, agence bancaire, bureau de change, etc.) et aux chalands (food court, supermarché, etc.). Le maintien de la valeur patrimoniale d’un ensemble immobilier en gare passe nécessairement par le recours aux prestataires de gestion, à l’instar des centres commerciaux, c.-à-d. le gestionnaire aura pour mission la planification et la budgétisation de toutes les prestations multiservices (gardiennage & nettoyage) et multitechniques (maintenance et gros entretien), le contrôle du niveau de qualité des différents prestataires ainsi que la gestion marketing pour la promotion des commerces. Cette expérience est déjà avérée au niveau des gares de Marrakech, Rabat-ville, Salé-ville, Mohammedia, Fès et Nador…Ces projets posent la question du modèle économique qui permet de les réaliser et de les faire vivre. Un mot sur ce modèle ?La réalisation de ces pôles d’échanges, notamment les centres multiservices, se fera selon des montages institutionnels intelligents avec des partenaires stratégiques dans le cadre du Partenariat public-privé (PPP). Les recettes générées par ces projets permettront de contribuer au développement de ces centres multiservices. Nous avons l’expérience des autres gares, même s’il faut souligner que les gares nouvelle génération sont de dimension beaucoup plus importante. Avec l’expérience des gares comme celle de Marrakech, nous avons le retour d’expérience, car le centre commercial a été confié à un opérateur privé suite à un appel d’offres. Nous avons d’autre part des échanges suivis avec d’autres réseaux espagnol, français…

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