Fête du Trône 2006

Le Maroc, membre fondateur de l’OUA, fête la Journée de l’Afrique

La Journée de l’Afrique du 25 mai 2013 coïncide avec le cinquantième anniversaire de la création de l’Organisation de l’unité africaine, première organisation régionale du continent. Le Maroc a fêté à sa manière le 50e anniversaire de la création de l’OUA, dont il est membre fondateur, en rappelant ce passé politique si proche, mais aussi en s’inscrivant résolument dans l’avenir, comme l’illustrent deux conférences à tonalité économique et financière et une conférence politique.

26 Mai 2013 À 16:00

Cheikh Tidiane Gadio

«L’Afrique ne peut se passer du Maroc, cela ne correspond pas à son histoire»

L’événement politique organisé par le ministère des Affaires étrangères qui aura marqué un auditoire venu très nombreux, c’est la remarquable conférence sur «la renaissance et le panafricanisme» de Cheikh Tidiane Gadio, ex-ministre des Affaires étrangères du Sénégal d’avril 2000 au 1er octobre 2009. Deux idées clefs ont ponctué son exposé : plus que jamais, pour faire face aux défis, l’Afrique doit se faire confiance et renaitre, c’est-à-dire s’imprégner de son histoire, sa civilisation des plus grandioses, comme l’atteste par exemple la construction des Pyramides. L’Afrique doit s’unir, dit le conférencier, car c’est en s’unissant qu’elle pourra engager les batailles contre la pauvreté, l’aliénation, la fragmentation du continent... Mais pour cela, conclut Cheikh Tidiane Gadio, «il faut trouver une solution pour réaliser l’unité de l’Afrique, qui est plus que jamais une impérieuse nécessité. L’Afrique ne peut se passer du Maroc, qui a lancé le groupe de Casablanca, membre fondateur de l’OUA, qui a beaucoup œuvré et qui continue à œuvrer pour l’Afrique et qui doit retourner à sa juste place. La situation actuelle n’est pas juste et ne correspond pas à l’histoire. Si nous n’y prenions garde, ajoute-t-il, nous risquerions, au lieu d’avoir les États unis d’Afrique, de faire face à un éclatement du continent. Ce serait une tragédie».

Le documentaire émouvant sur «la Conférence de Casablanca en 1961 à Addis Abeba en 2013» apporte un témoignage sur le rôle joué par Mohammed V dans la lutte pour l’indépendance de l’Afrique. En recevant des hôtes illustres comme Kwame Nkrumah, Sekou Touré, Modibo Keita, Gamal Abdel Nasser, Ferhat Abbas, Julius Nyerere et bien d’autres, le Maroc a permis l’unification de l’Afrique et l’élaboration de la Charte africaine. En recevant, plus tard, des leaders comme Amílcar Cabral et Nelson Mandela, il soutenait la guerre contre l’Apartheid et ce n’est qu’en s’unissant, soulignait le conférencier, que l’Afrique pourra faire face aux multiples dangers et conflits qui la menacent.Le développement de l’Afrique : une nouvelle frontièreLa Journée de l’Afrique a été marquée par plusieurs manifestations, dont la cinquième Conférence internationale du Club des investisseurs de long terme, qui a réuni le 24 mai des acteurs économiques internationaux comme les présidents de la BEI et de la KfW, les DG des Caisses des dépôts, des directeurs de fonds qui ont planché sur «les stratégies d’investissement et les opportunités en Afrique» qui font l’objet de notre dossier. Un focus particulier est consacré, sous forme d’entretien, au président d’Attijariwafa bank, qui a reçu la semaine dernière le Trophée Sedar «intégration de l’Afrique».La deuxième conférence à tonalité économique, qui a permis de réunir, le 25 mai, la communauté des ambassadeurs d’Afrique, a été organisé par la Fondation diplomatique présidée par Abdelali Habek qui a plaidé pour une renaissance de l’Afrique qui doit se battre contre «ses seuls vrais ennemis, à savoir la guerre, la pauvreté, l’exclusion et les endémies». «Ce qui nous unit en Afrique est plus fort que ce qui nous sépare», a-t-il conclu en remerciant le ministre des Affaires étrangères, Saad-Eddine El Othmani, de retour d’Addis Abeba, et les ministres Aziz Rabbah et Idrissi Azami, qui ont appelé, dans le sillage «de la politique africaine visionnaire de S.M. le Roi Mohammed VI, à engager une réflexion sérieuse sur les moyens d’une intégration économique efficiente». Le ministre chargé du budget a rappelé la signature de 22 accords en vue d’encourager et de promouvoir l’investissement en Afrique, les neuf conventions sur la suppression de la double imposition et l’importance accordée par le Maroc à l’Afrique : 70% des investissements extérieurs du Maroc sont dirigés vers le marché africain.

Au cours de la table ronde consacrée au PPP (partenariat public-privé), Aziz Rabbah a fait part de la disposition du Maroc à partager son expérience dans nombre de domaines, estimant qu’il est «inconcevable que les frontières géographiques se dressent comme un obstacle devant l’échange politique, économique et humain en général». Pour la représentante de la Banque africaine de développement au Maroc, qui tient dès aujourd’hui, 27 mai à Marrakech, son assemblée générale, Mme Amani Abou-Zaid, «les infrastructures sont des prérequis pour la compétitivité d’un pays et un catalyseur important pour l’économie». Elle a rappelé la nécessaire transition vers une économie verte, citant en exemple les projets réalisés par le Maroc dans le domaine du solaire, de l’éolien et de l’économie de l’eau et l’importance d’une bonne gouvernance.


Saad-Eddine El Othmani, ministre des Affaires étrangères et de la coopération

«Nous n’avons jamais été aussi présents qu’aujourd’hui en Afrique»

Le Matin : que répondez-vous au doyen du corps diplomatique, l’ambassadeur Ismael Nimaga, qui demande le retour du Maroc à l’OUA ?Saad-Eddine El Othmani : le retour du Maroc au sein de l’Union africaine ne peut se faire tant que l’organisation africaine ne corrige pas l’erreur commise au début des années 80 en reconnaissant la république fictive. Nous ne renions pas notre passé et sommes fiers d’être africains, mais nous ne répondrons à l’appel de nos amis africains de retourner à l’UA que si cette dernière corrige la faute grave commise au début des années 80. Je l’ai dit de nouveau à Addis Abeba la semaine dernière où j’ai rencontré de nombreux ministres des Affaires étrangères de pays amis. Il reste que nous n’avons jamais été aussi présents en Afrique et que, plus que jamais, nous revendiquons notre africanité : l’Afrique est pour le Maroc une réalité historique, géographique, un engagement indéfectible et un futur à construire ensemble en respectant les principes de base de notre diplomatie, à savoir la souveraineté, l’unité et la sécurité des pays africains.Vous avez appelé à une sorte de devoir de mémoire pour rappeler le rôle du Maroc dans la libération de pays africains ?Nous avons tous été extrêmement émus par le documentaire consacré à la Conférence de Casablanca qui s’est tenue le 4 janvier 1961 et qui se passait, comme l’a rappelé Cheikh Tidiane Gadio, dans une époque de grands convulsions et dangers pour l’Afrique, une période de lutte intense contre les différentes formes de colonialisme. Le conférencier a rappelé l’inquiétude de Sa Majesté Mohammed V quant à la situation du Congo, une inquiétude fondée, puisque quelques jours plus tard, Patrice Lumumba était assassiné. Dans cette situation, seule l’unité devait prévaloir, c’était le credo du Maroc qui avait déjà organisé avec le Ghana la première conférence des États indépendants en 1958. Cette conférence et celle de Casablanca ont constitué le prélude à l’intégration de l’Afrique et ont largement inspiré la Charte de l’OUA, l’Organisation de l’unité africaine dont le Maroc est l’un des fondateurs.Aujourd’hui, quel est l’état des lieux, quelles sont les relations entre le Maroc et l’Afrique ?Le nombre de visites, soit quelque 24 visites de Sa Majesté le Roi en Afrique depuis une décennie, témoigne de la force des liens qui nous lient à ce continent où se trouvent nos racines ; l’Afrique est plus que jamais présente dans l’agenda diplomatique du Maroc, mais aussi dans l’agenda économique et dans celui de nos grandes entreprises : je pense aux entreprises des BTP, à Maroc Telecom et à son chantier de câbles terrestres de 5 380 km, pour la création d’une autoroute de l’information vers Agadir, Dakhla, Nouakchott, de l’OCP, des banques qui rayonnent et aident à la financiarisation des économies des pays d’accueil. Je pense aussi aux multiples PME qui nourrissent notre relation et aux 12 000 étudiants africains qui préparent leur avenir dans universités et des écoles et qui en même temps construisent l’avenir de notre relation. Vous avez entendu les témoignages du doyen du Corps diplomatique qui remerciait le Maroc pour l’aide médicale apportée aux blessés de son pays et celui d’un participant qui rappelait le rôle joué par le Maroc dans les forces de paix et de sécurité des Nations unies… Notre ambition, c’est l’intégration de l’Afrique par le développement et la lutte contre la pauvreté par une véritable coopération, par l’échange de nos expériences et nos savoir-faire, par le commerce, par la paix et la sécurité. 


Mohamed El Kettani, président du groupe Attijariwafa bank, lauréat du Sedar 2012 de l’intégration africaine

«Le Club des investisseurs de long terme a un rôle crucial à jouer en Afrique»

La dixième édition des Prix Sedar a désigné, la semaine dernière, Mohamed El Kettani, l’Homme de l’année pour l’intégration africaine. Le lauréat est choisi selon des critères portant sur le mérite, la performance et l’éthique des actions accomplies. Nous avons rencontré le lauréat lors de la cinquième conférence du LTIC.

Le Matin : en recevant le trophée de «Sedar», du nom de l’ancien Président Leopold Sedar Senghor, vous avez déclaré «nous sommes gabonais au Gabon, maliens au mali et marocains au Maroc». Est-ce cette capacité d’adaptation qui explique le succès d’Attijariwafa bank en Afrique ?Mohamed El Kettani : oui, nous sommes avant tout Africains et nous partageons avec nos pays frères les mêmes problématiques d’alphabétisation, de santé, de déficit d’infrastructures, de problématique de lutte contre l’informel… Notre banque, forte de sa position et de son histoire au Maroc, a une expérience à partager dans les pays qui nous ont accueillis. On ne s’est pas trompé et le bilan parle pour nous. On a acquis 12 positions dans 12 pays africains aux actifs bancaires. Nous passons par une période de mise à niveau et de transformation des banques acquises pour les mettre aux normes de notre banque, les faire basculer dans le système d’information et opérer un changement au niveau des équipes. Là, l’académie Attijariwafa bank fait un travail au niveau des RH pour conforter l’expertise et les qualifications dans le domaine de la banque et de la finance. À chaque fois que l’on acquiert une banque, on engage immédiatement un programme d’extension du réseau. En Afrique subsaharienne, le taux de bancarisation est très faible, il oscille entre 5 à 8%. Les banques sont d’autre part concentrées dans les principales villes, alors qu’il faut installer des réseaux bancaires de proximité. Tout en l’adaptant aux spécificités culturelles du pays, nous dupliquons le modèle d’AttijariWafa bank. Aujourd’hui, notre secteur a un potentiel de développement important et nous sommes confortés dans notre vision stratégique. La bancarisation est payante et nous introduisons de nouveaux produits et services en faveur des ménages, mais aussi en faveur des PME et TPE qui sont les parents pauvres en Afrique, souvent délaissés par les banques installées en Afrique qui se sont tournées vers les multinationales. Nous assurons également nos services auprès de cette clientèle, mais nous ouvrons nos portes aux TPE, PME et ménages.On a souvent critiqué les banques pour un déficit d’accompagnement et de conseil. Êtes-vous sensible à cette problématique ?Nous emmenons l’expertise que nous avons développée au Maroc cette dernière décennie pour offrir nos conseils aux gouvernements dans le cadre, par exemple, de restructurations d’entreprises publiques ou dans le programme de privatisation, d’introduction en bourse d’entreprises publiques dans les bourses régionales en Afrique subsaharienne ou dans le project finance. Le déficit en infrastructure est le premier frein au développement. Il faut, d’ici 2020, des investissements de l’ordre de 100 milliards de dollars. Aucun pays ne peut assurer ces financements, il faut mobiliser l’épargne internationale, multiplier les contrats de partenariat public-privé (PPP) à travers une gouvernance claire.Le ministre des Finances a annoncé que le projet de loi établissant le cadre juridique du partenariat public-privé était fin prêt. Un mot peut-être sur le PPP ?Au niveau de la loi, il faut s’inspirer des meilleurs standards internationaux, pour drainer davantage d’investissements directs étrangers sur des partenariats. C’est en effet un puissant levier pour accélérer les financements des projets. Il existe, sur le plan international, une épargne qui ne demande qu’à être mobilisée. Sur la dernière décennie, nous avons eu des TRI (taux de rendement interne des investissements), dans le cadre notamment des fonds d’investissement privés, qui ont atteint 20% et même plus ! La perception du risque de l’Afrique doit changer, car il y a un formidable potentiel de développement et des marges importantes. Mon message à la cinquième conférence du Club des investisseurs de long terme c’est qu’il faut changer la perception du risque. Nous militons pour que les organismes internationaux qui interviennent dans notre continent puissent renoter pays par pays, en d‘autres termes faire un rating du continent pays par pays pour améliorer les spreads et contenir le coût des financements à niveau compétitif.Il a beaucoup été question de PPP qui ne sont pas exempts de risques ?Le Maroc est précurseur en la matière. Il a entamé depuis longtemps des PPP dans des domaines d’infrastructures de l’eau, de l’électricité en concédant aux secteurs privés national et international certaines opérations. L’objet de la refonte de la loi marocaine qui régit les PPP est de tirer les enseignements du passé et d’éviter les écueils pour réussir ces partenariats, aller vers des contrats équilibrés, même en matière de prise de risques entre l’État et l’opérateur privé. L’État doit rester dans son rôle de contrôle stratégique en veillant à ce que les investissements projetés soient réalisés et les délais respectés. Il doit également veiller à ce que la qualité délivrée des services soit aux meilleures normes. L’opérateur privé doit optimiser ses investissements, il doit être compétitif et productif pour offrir un service de qualité à un prix compétitif aux citoyens.Vous avez participé à la cinquième Conférence du Club des investisseurs de long terme. Quel est votre ressenti sur cette rencontre ?En tant qu’entreprise bancaire, nous avons des relations étroites avec certains des membres du LTIC et cette rencontre a constitué une opportunité de rencontres et de débats. Nous sommes des investisseurs et nous croyons aux potentialités de l’Afrique. J’ai partagé avec les opérateurs présents les recommandations qui émanent de 1 600 opérateurs économiques qui viennent de 15 pays africains que notre banque avait réunis fin 2012 dans le forum «Afrique développement». J’ai résumé ce travail prospectif en 3 défis majeurs intimement lié à la problématique du financement. Le premier, c’est de trouver le moyen pour baisser le coût du transport très élevé qui représente 14% de la valeur des exportations et parfois 50% pour des pays enclavés. Seuls 27% des 2 millions de kilomètres de routes que compte le continent africain sont asphaltés. Seuls 5 aéroports internationaux du continent africain bénéficient de la conformité aux normes de l’organisation de l’aviation civile internationale. Au niveau des ports, la plupart des terminaux à conteneurs ont déjà atteint leurs limites de capacité et sont largement sous-équipés.

Tout ceci freine l’intégration régionale souhaitée par nos gouvernements et nécessite des réformes cruciales, la mise en place de partenariats public-privé, la simplification des procédures et la formation des compétences. Le deuxième défi c’est le faible niveau des infrastructures qui freine la croissance, limite la productivité des entreprises jusqu’à 40%. Les besoins annuels en infrastructures d’ici 2020 sont estimés à 100 milliards de dollars pour l’Afrique. Le troisième défi c’est : comment assurer la mise en place d’un cadre réglementaire stable pour l’investissement privé et veiller à l’amélioration des affaires ? Nous constatons des évolutions positives, mais le chemin reste long pour améliorer les conditions du doing business. Le LTIC a un rôle crucial à jouer pour contribuer à relever ces défis.

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