30 Mars 2013 À 14:35
Dans la vie, on ne peut pas tout faire en même temps, il faut donc savoir organiser ses priorités. Les jeunes en sont conscients et le moins que l’on puisse dire est que le mariage ne constitue pas une priorité puisqu’il arrive loin derrière l’emploi, l’enseignement et goûter aux plaisirs de la vie. Selon une récente enquête nationale sur les jeunes du Haut commissariat au Plan (HCP), seuls 17% des 18-24 ans sont mariés et selon l’enquête, ils ont en général un faible niveau d’enseignement notamment parmi les femmes et les ruraux.
Cependant, l’enquête révèle que même si deux jeunes sur trois considèrent le mariage comme une valeur de référence pour des raisons de stabilité familiale et le tiers pour des raisons religieuses, 42% des jeunes célibataires ne pensent pas au mariage, un homme sur deux contre une fille sur trois (31%) et 56% des 18-24 ans contre 25% des 35-44 ans. «C’est une réalité qui prévaut eu égard au mariage. Les jeunes sont de plus en plus moins enclins à s’engager dans la vie en couple selon les normes déterminant l’union maritale qui la consacre. Certes, et du constat général de ce phénomène, les conditions matérielles et financières pouvant participer à la constitution du couple font défaut, autant dans les faits que dans la perception qui lui est réservée» , explique Abdelkrim Belhaj, psychosociologue. Et de poursuivre : «Dès lors, et afin de faire face à un tel engagement, il s’agit beaucoup plus de stratégie que d’hésitation. Car, bon gré mal gré, on peut voir un certain bon sens dans l’attitude. En effet, les rôles, les devoirs et les responsabilités qui engagent le couple incitent à une prise de conscience qui interpelle les jeunes dans ce processus».
En effet, selon les différents témoignages, la réticence des jeunes vient surtout des responsabilités morales et financières. «Je veux bien me marier et fonder une famille, mais cela implique un grand investissement financier et beaucoup de responsabilités et je ne suis pas encore prêt pour un tel engagement», confie Fayçal, 28 ans, comptable. Même son de cloche chez Sofiane, 31 ans, salarié en assurances : «Tout le monde n’est pas prêt à fonder une famille, cela exige beaucoup de sacrifices. Les temps ont changé. Avant un jeune de 25 ans pouvait se marier facilement, aujourd’hui c’est plus compliqué. S’il réussit à trouver un travail à cet âge-là, c’est déjà un grand pas».
Par ailleurs, cette tendance à penser que les hommes sont les seuls à être concernés par cette réticence envers le mariage devrait changer selon le psychosociologue, qui affirme : «Le regard qui est souvent porté à ce sujet comporte une connotation masculine, compte tenu de ce qui caractérise culturellement la société. C’est ce qu’on a tendance à entendre par les jeunes, les mâles, lorsqu’on les confond avec cette attitude par rapport au mariage. Dans ce cas, pourquoi ne pas voir que les choses sont en train de connaître des bouleversements, ce qui affecte cette question du mariage chez les jeunes d’aujourd’hui. C’est-à-dire, que la culture de l’égalité des sexes est en train de s’installer dans les esprits, notamment en ce qu’elle commande les comportements et les pratiques, tendant à rompre avec les modes traditionnels du mariage, donc, de la construction sociale du couple».
En effet, contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, ce ne sont plus que les jeunes hommes qui fuient les responsabilités du mariage, les femmes s’y mettent aussi. Et même si leurs motivations semblent différentes, elles aussi appréhendent les responsabilités du mariage. «Le mariage ne fait pas partie de mes priorités, j’ai d’autres projets en tête. Et puis ce n’est pas facile de choisir le bon mari. Je connais plusieurs filles qui se sont précipitées et qui le regrettent aujourd’hui», souligne Fatima-Zahra, 32 ans, banquière. Et d’ajouter : «Le mariage est synonyme de responsabilités et je ne pense pas en être capable aujourd’hui».De son côté, Loubna, 26 ans, assistante sociale, c’est le divorce qui lui fait peur : «Plusieurs de mes proches ont divorcé, alors que leur mariage était basé sur l’amour, c’est pour cela que je ne veux pas me marier pour l’instant. Je préfère me concentrer sur ma carrière professionnelle et profiter de mon jeune âge avant de me lancer dans la grande aventure», indique-t-elle.
Toutefois, le psychosociologue explique que les jeunes ne peuvent pas fuir le mariage durant longtemps, puisqu’il représente l’unique structure légale permettant aux jeunes de vivre en couple. «S’il y a hésitation qui semble prévaloir dans le cadre du mariage, cela peut être dû à ce manque de visibilité plutôt qu’à un refus ou une abstention de s’engager. D’autant plus, que le contexte social et culturel ne permet pas à ces jeunes d’autres alternatives pour s’expérimenter en couple (comme le cas du concubinage dans les sociétés occidentales) et pour mesurer sa capacité à l’adaptation interpersonnelle et sociétale. Alors, le fait est que les filles et garçons se cherchent pour une vie de couple, car il y a un besoin psychologique en commun, mais qui n’arrive pas à trouver le maillon pouvant accorder la relation. Puisque le modèle, encore dominant, est que l’initiative et la décision pour un engagement en mariage reviennent au garçon, pour ne pas dire à la famille de celui-ci», conclut Belhaj.