Fête du Trône 2006

La Turquie, ou «la révolution silencieuse» d’un grand pays à cheval entre deux continents

Fondée en 1923 sur les vestiges de l’Empire ottoman, la République de Turquie est ce grand pays de 76 millions d’habitants à cheval entre deux continents, qui a réussi, en un temps record, un boom économique, soutenu par des réformes profondes sur les plans politique et social. D’aucuns parlent désormais d’une «révolution silencieuse», qui a conféré à la Turquie une notoriété régionale et internationale bien respectée.

03 Juin 2013 À 18:59

La «success-story» turque a commencé réellement en 2002 avec l’arrivée au pouvoir du Parti de la justice et du développement (AKP, tendance islamiste), conduit par des hommes qui ont su relever les défis de l’époque, avec à leur tête le Premier ministre, Recep Tayyip Erdogan, qui effectue du 3 au 5 juin une visite au Maroc. Des réformes profondes et bien ciblées ont touché pratiquement tous les domaines : économique, politique, social, droits de l’Homme, enseignement, santé, etc., à la faveur d’un projet de société clair et bien déterminé, qui a payé en un temps record, forçant l’admiration du monde entier, notamment de l’Occident, qui voit désormais en la Turquie un modèle réussi.

Sur le plan économique, les chiffres et les indices ne manquent pas pour prouver la réussite de cette «révolution silencieuse» durant les dix dernières années. En effet, le revenu annuel par habitant a plus que triplé (de 3 000 dollars à plus de 10 000 dollars), entrainant une amélioration du niveau de vie des Turcs, des consommateurs avertis qui constituent désormais un des moteurs de l’économie du pays.L’économie turque s’est fait une posture telle qu’elle a fait preuve d’une forte résilience vis-à-vis des crises économiques et financières qui ont secoué plusieurs parties du monde, dont les poids lourds de l’économie mondiale. Elle a affiché des taux de croissance importants atteignant en 2010 et 2011 respectivement près de 9% et 8,8%, deux des meilleurs taux au monde.

Aujourd’hui, la Turquie revendique la seizième place sur la liste mondiale des économies les plus puissantes, avec un produit intérieur brut (PIB) qui avoisine les 800 milliards de dollars, contre à peine 200 milliards en 2002 et une économie qui s’est littéralement transformée en une décennie pour passer d’une économie à forte connotation agricole à une économie basée essentiellement sur l’industrie et les services.

Le tourisme à lui seul génère plus de 30 milliards de dollars chaque année et contribue fortement à promouvoir l’image de la Turquie. Le nombre de touristes ayant visité le pays en 2012 a dépassé les 30 millions de personnes, attirés par les monuments et les vestiges historiques, mais également par les paysages naturels et les infrastructures d’accueil modernes. À côté du tourisme, les téléfeuilletons turcs, qui ont envahi ces dernières années le monde arabe, les pays voisins des Balkans et les anciennes communautés de l’ex-URSS, sont devenus le «soft power» de la diplomatie turque, qui fait la promotion de la Turquie et permet une entrée de devises importante, générée aussi bien par les ventes de la production artistique turque que par le flux des touristes, qui viennent par millions chaque année admirer de visu la Turquie et le style de vie des Turcs véhiculé par ces téléfilms.

Le succès de la Turquie sur le plan économique a été couronné durant le mois en cours par le paiement de la dernière tranche de ses dettes envers le Fonds monétaire international (FMI), pour rejoindre ainsi le club des pays non endettés auprès de cette institution financière internationale. Plus encore, la Turquie se dit prête à contribuer à hauteur de 5 milliards de dollars aux opérations du Fonds.Le facteur économique a énormément joué en faveur de la Turquie sur le plan diplomatique. Le pays est désormais un acteur déterminant dans la politique régionale et internationale. Membre du G-20 et de l’OTAN, Ankara a désormais son mot à dire dans presque toutes les questions régionales. Cette réalité s’est confirmée clairement lors du Printemps arabe, bien que ces bouleversements politiques qui secouent le monde arabe aient mis à mal la politique «zéro problème avec les voisins» si chère au ministre des Affaires étrangères, Ahmet Davutoglu, que certains surnomment le «Kissinger turc».

Les transitions profondes que vit actuellement la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord interviennent alors que la Turquie a entamé un rapprochement historique avec les pays arabes après plusieurs décennies de rupture. Un rapprochement qui s’est traduit sur le plan économique par le renforcement des échanges commerciaux et des investissements turcs dans les pays arabes et arabes en Turquie. En effet, le volume des échanges entre la Turquie et le monde arabe est passé de 2 milliards de dollars en 2002 à quelque 48 milliards actuellement. Les ventes turques dans la région MENA ont représenté 27% du total des exportations de la Turquie en 2011, contre 20% en 2002, tandis que la part de l’Europe dans les exportations de la Turquie a reculé de 57% en 2002 à près de 40% actuellement. Par ailleurs, la région arabe a drainé des investissements turcs estimés à 4 milliards de dollars, au moment où les hommes d’affaires arabes ont engagé des investissements pour un coût global de 14 milliards de dollars en Turquie.

Étalée sur 783 562 km², la Turquie est une mosaïque de cultures et d’ethnies, une diversité faisant la richesse du pays qui a réussi sa transition démocratique. La Turquie, qui se définit comme un État laïc, démocratique et social, a connu depuis 2002, trois mandats législatifs, tous remportés haut la main par l’AKP. Le pays a également gracieusement mené à bien en septembre 2010 une réforme constitutionnelle très importante qui a fortement réduit l’influence des militaires, qui tenaient auparavant les rênes du pouvoir politique et déposaient à leur gré des gouvernements démocratiquement élus.

Aujourd’hui, Ankara a ouvert un chantier important qui va couronner plus de 10 années de préparation d’une nouvelle Constitution, beaucoup plus moderne et surtout plus civile et à la hauteur de la Turquie du 21e siècle, qui aspire à un rôle encore plus déterminant sur le plan régional et international. Fort de ces acquis démocratiques, le pays, qui se réclame actuellement comme une démocratie parlementaire, se sent maintenant plus mature et prêt à basculer vers un système présidentiel, où le Président de l’État aura plus de pouvoirs et de prérogatives.

Par ailleurs, la question kurde qui empoisonnait la vie en Turquie est actuellement sur la voie d’une résolution définitive, après que le gouvernement a ouvert un dialogue direct avec le chef historique du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), Abdullah Ocalan, dans le cadre d’un processus de paix visant à mettre un terme à ce conflit qui a fait plus de 40 000 morts depuis 1984. À la suite de ces négociations de paix, les combattants du PKK ont accepté, à l’appel de leur leader historique, de déposer les armes et de quitter la Turquie, pour ouvrir la voie à une «lutte politique» sur la voie de la défense des droits du peuple kurde (environ à 15 millions de personnes) dans un pays désormais ouvert au dialogue.

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