27 Juin 2013 À 17:25
Aujourd’hui, beaucoup de parents ne savent plus punir leurs enfants. Pourquoi ? Parce que le seul mot de punition sonne mal. Il ramène les parents des décennies en arrière, où fessées, gifles, voire coups de bâton pleuvaient pour presque rien : l’éducation à la dure. La fin des années 1960, elle, a marqué un tout autre courant avec son «interdit d’interdire». Résultat : l’ère des enfants-rois voyait le jour. Aujourd’hui, les parents cherchent le juste milieu de ces extrêmes. Ils ont compris l’utilité du dialogue, mais reconnaissent aussi la nécessité de savoir imposer des limites, sans lesquelles l’enfant devient «incontrôlable». Mais pour «bien» punir, il faut, avant tout, faire la distinction entre une «sanction» et «une punition», que le grand public à tendance à confondre.
La sanction se réfère à une règle établie. Si l’enfant ne suit pas la règle, les parents lui assignent la sanction fixée dès le départ avec lui. La punition, elle, joue souvent sur la peur et l’humiliation, voire sur la dévalorisation de l’enfant et peut avoir «des répercussions sur le développement de sa personnalité». Pour que la sanction ait un véritable rôle éducatif et ne soit pas qu’une simple punition bête et méchante, le Dr Raddaoui conseille avant tout «d’encourager et de renforcer le dialogue pour prévenir les conflits et les conséquences qui en découlent». Il faut fixer des règles et les faire connaître à son enfant (heure du coucher, autorisation de sortie, interdiction de toucher tel ou tel objet, etc.), cela permet de le «cadrer» et de lui donner des «repères». Il faut bien sûr l’informer du «prix à payer» en cas de non-respect de cette règle afin «qu’il comprenne qu’il court vers la punition», poursuit la même source. Et enfin, ne jamais déroger à une règle que vous avez appliquée en ne sanctionnant pas l’enfant. Cela l’empêche de se structurer et peut même le mettre en danger. Le spécialiste pense que «cette abstention peut devenir problématique». En effet, si le parent ne sanctionne pas, il satisfait tous les désirs de l’enfant en ne lui imposant pas le respect des règles fixées et agit à son détriment. «Toute défaillance parentale ou éducative peut être à l’origine d’une faible intégration des schémas éducatifs, des normes socio-familiales et donc une mauvaise perception des limites comportementales», avertit le spécialiste.
De plus, multiplier les menaces de punitions sans les appliquer est le meilleur moyen de ne plus pouvoir se faire obéir. Selon lui, «la meilleure punition est celle qui est la moins violente et la plus efficace. C’est le cas de la privation». Mais attention, pas n’importe laquelle. «Il faut viser des activités stériles (télé, jeux vidéo, sorties…) et non celles qui lui permettent de s’épanouir ou qui lui sont vitales (sport, art, nourriture)», conseille-t-il. D’autres spécialistes recommandent, pour leur part, des punitions qui engagent le corps : ranger, tondre le gazon, nettoyer, etc. En fournissant un effort, l’enfant se débarrasse physiquement du poids de cette culpabilité. Il se «dépense» pour «payer» sa dette. Mais pour qu’une sanction soit bonne, il y a quelques règles à respecter. Quand vous prenez un enfant sur le fait, sanctionnez-le le plus tôt possible, «à froid», lorsque les émotions sont calmées. La sanction doit être l’occasion de rappeler la règle : «Tu as joué au ballon dans la maison, je te rappelle que c’est interdit». La sanction doit être en rapport avec la faute. Dans le cas, du jeu de balle, on ne supprime pas son argent de poche, on confisque le ballon. La sanction doit bien sûr «être proportionnelle à la faute et réparatrice, dans la mesure du possible». Par exemple, l’enfant nettoie ce qu’il a sali : la faute est «réparée», on n’en parle plus. «Si l’enfant montre de la bonne volonté ou s’il regrette sa faute. Il doit pouvoir se racheter, s’excuser et se faire pardonner», déclare le spécialiste. On évite ainsi le sentiment de culpabilité qui n’a pourtant pas lieu d’être. Ce qu’il faut savoir, c’est que l’interdit est sécurisant pour l’enfant. Même s’il râle, il se sent protégé et peut développer son autonomie. Pour déculpabiliser les parents, le Dr Raddaoui rappelle que la punition «doit être vécue comme un moyen éducatif auquel l’adulte est parfois forcé de recourir faute de réussite par le dialogue».Faut-il ou non frapper ses enfants ?Interrogé au sujet de la question qui fâche, le spécialiste explique qu’il est important de «faire la différence entre une violence envers l’enfant (châtiments corporels tels que les coups de poings, de ceinture, etc.) et un geste physique ferme par lequel le parent met un terme à un comportement devenu ingérable». Bien que le spécialiste pense que «les châtiments corporels doivent, dans la mesure du possible, être totalement interdits et céder la place à un dialogue continu», il n’est pas contre une «petite tape» en cas de nécessité absolue. «Dans des situations d’urgence où un parent est forcé d’arrêter un comportement jugé inacceptable, voire dangereux, il peut recourir à une fessée qui a pour but de forcer l’enfant à obéir vite à une injonction, par exemple, pour le soustraire à un danger potentiel ou imminent», affirme-t-il. Mais si une fessée n’est pas dramatique, elle n’en reste pas moins une «mauvaise punition», déclare le spécialiste. «Le meilleur moyen d’éviter la réaction brutale, c’est d’envoyer l’enfant dans sa chambre. Cela lui laisse le temps de réfléchir à son comportement», conclut-il.
«L’enfant doit avoir le sentiment que la punition est juste et méritée»
❶À quoi sert une punition ?En matière d’éducation, la punition fait partie des moyens auxquels les parents ou les éducateurs peuvent parfois avoir recours. Pour obtenir un comportement approprié et socialement acceptable, il faut renforcer les «bonnes conduites» en les encourageant et en les renforçant par la récompense. On doit également aider à modifier et réduire les «mauvaises conduites» par des mesures progressives allant de la réprobation, le rappel et l’explication adéquate des conséquences négatives et enfin de la possibilité du recours à la punition en cas de persistance. L’enfant doit avoir le sentiment au fond de lui-même que la punition est «juste et méritée».❷Comment faire pour que la sanction ait réellement un rôle éducatif ?Il faut avant tout encourager et renforcer le dialogue pour prévenir les conflits et les conséquences qui en découlent. En cas d’échec du dialogue et de persistance d’une attitude négative de l’enfant, il faut qu’il comprenne qu’il court vers la punition et surtout qu’il puisse en tirer les leçons en revenant sur l’incident et en expliquant le pourquoi de la sanction. L’enfant a tendance à chercher les limites de l’adulte par la persistance et la provocation. Ces limites doivent lui être sans cesse rappelées. Enfin, la punition ne doit pas être disproportionnée par rapport à la faute sinon elle perd de son efficacité. Elle ne doit pas être fonction de l’état émotionnel de l’adulte, mais du degré de transgression constaté. Trop forte et trop répétée, elle cesse d’avoir un effet positif et l’enfant peut ne plus la craindre. Trop faible ou restée une menace non suivie d’effet, elle n’a plus d’impact sur l’enfant.❸Quelles sont les caractéristiques d’une bonne sanction ?Une bonne sanction est proportionnelle à la faute. Elle doit, en outre, être largement commentée afin que l’enfant apprenne à l’éviter. Il faut, parfois, différer la sanction ou la modifier si l’enfant montre de la bonne volonté ou s’il regrette sa faute. Il doit pouvoir se racheter, s’excuser et se faire pardonner à condition que cela ne devienne pas une habitude pour éviter la punition. La bonne sanction est celle qui permet d’atteindre le but éducatif recherché, c’est-à-dire corriger un mauvais comportement répété.❹Que conseiller aux parents qui refusent de punir ou de sanctionner ?C’est un choix à respecter s’ils peuvent atteindre leurs objectifs autrement. Ce serait même l’idéal si la punition peut être évitée. Par contre si l’enfant devient désobéissant ou persiste dans des conduites non conformes sur le plan social ou si ces conduites menacent la dynamique familiale et l’équilibre de l’ensemble, l’abstention peut devenir problématique. Toute défaillance parentale ou éducative peut être à l’origine d’une faible intégration des schémas éducatifs, des normes socio-familiales et donc une mauvaise perception des limites comportementales.La non-sanction ne doit pas correspondre à une permissivité excessive. L’enfant doit percevoir les normes et prendre conscience des exigences du vivre-ensemble ainsi que des règles familiales, sociales, culturelles et religieuses. Un bon dialogue entre la famille et l’école est très important à cet égard. Il arrive parfois que les deux institutions se renvoient la balle et rejettent chacune la responsabilité l’une sur l’autre.❺Comment éviter le sentiment de culpabilité lorsqu’on punit son enfant ?Il faut que la punition soit réfléchie, argumentée et expliquée à l’enfant. L’enfant doit en être averti afin de ne pas être surpris par son exécution. La punition ne doit pas donner lieu à une décharge émotionnelle non contrôlée ou une colère non maitrisée. Enfin les châtiments corporels doivent, dans la mesure du possible, être totalement interdits et céder la place à un dialogue continu. Les punitions doivent être la dernière chose à envisager en cas d’échec de tout autre mesure. Elle doit être vécue comme un moyen éducatif auquel l’adulte est parfois forcé de recourir faute de réussite par le dialogue.❻Que penser de la gifle ou de la fessée ? Est-ce une bonne sanction ?Il faut absolument éviter de frapper l’enfant, car il le vit très mal en raison de son infériorité physique et de sa dépendance à l’égard de ses parents. Cependant, dans des situations d’urgence où un parent est forcé d’arrêter un comportement jugé inacceptable, voire dangereux, il peut recourir à une fessée qui a pour but de forcer l’enfant à obéir vite à une injonction par exemple pour le soustraire à un danger potentiel ou imminent.❼Quelle serait, selon vous, la meilleure punition pour un enfant ?La meilleure punition est celle qui est la moins violente et la plus efficace. Elle doit être acceptée par l’enfant et assumée par l’adulte. Celle-ci doit, en outre, être expliquée et commentée afin de faire sens chez l’enfant. Le crescendo dans les moyens est très important à observer : montrer et dire qu’on n’est pas content, dire que c’est dommage, demander à l’enfant de se retirer dans sa chambre, le priver de quelque chose (séance de dessins animés, sortie, confisquer un jouet…).