20 Juillet 2013 À 15:34
Alors que certains préfèrent prendre congé durant le ramadan, d’autres choisissent tout de même de travailler. C’est le cas de Naïma, femme de ménage. «Le temps passe plus vite et j’oublie que j’ai faim ou soif. J’ai juste envie de finir mes tâches et de rentrer chez moi me reposer, et puis il faut bien travailler pour nourrir sa famille», confie-t-elle Mais pour Brahim, cela «dépend tout d’abord du métier exercé». «Je travaille dans les bureaux, ce n’est pas comme si j’étais sur un chantier en plein soleil, ou à cultiver mon champ… Mais j’avoue qu’à partir d’une certaine heure, même avec mon activité, je n’ai plus les idées très claires et je ne me fais plus confiance.
Du coup, je vérifie le lendemain matin pour être sûr que je ne me suis pas trompé», tranche le jeune cadre.Un avis que semble partager Kader, dont la profession demande une concentration intense. «Je m’occupe de jeunes handicapés. Je suis bien content de ne pas travailler durant le ramadan, car mon activité requiert énormément d’attention, de vigilance et d’énergie. Tout ce qui me manque durant cette période», souligne-t-il.
Mais à ceux qui diront que «ne pas travailler signifie ne rien faire», ce dernier répond : «Il est bien plus courageux parfois de prendre son temps pour la prière et le recueillement (travail d’introspection) que de travailler uniquement pour s’occuper l’esprit».Pas question non plus pour Mustapha de s’acharner au travail durant Ramadan. «Je préfère rester chez moi, je ne suis pas fatigué et le temps passe vite. Cela me permet de passer du temps avec mon épouse et mes enfants. Je me lève vers 15-16 h. Je prends ma douche, fait quelques courses en prévision du ftour et c’est parti jusqu’à 3-4 h du matin» avoue ce père de famille.
Une déclaration qui déclenche les foudres de Amina, directrice marketing. «Ce n’est pas du tout le but du ramadan ! En temps normal, on vit le jour et on dort la nuit. Alors si on vit la nuit et on dort le jour, cela revient au même. Où est la privation ? C’est bien trop facile !», s’emporte-t-elle. «Moi aussi, je ne travaille pas durant le ramadan afin d’être disponible pour ma famille. En temps normal, je travaille beaucoup et je n’ai pas le temps de cuisiner comme je le voudrais. Mais durant le ramadan, je souhaite que la cuisine traditionnelle retrouve sa place dans notre foyer. Je ne fais pas de grasses matinées, je suis active du matin au soir. Je continue même de faire ma marche à pied quotidienne pour le maintien de la forme. Aucun stress et jamais d’énervement, je me sens une pêche inhabituelle durant ce mois béni. Mais je suis peut-être la seule ?» s’interroge cette mère et épouse active. Si pour certains, allier travail et jeûne semble être chose facile, d’autres déplorent leur condition professionnelle. «Je travaille dans un centre d’appel.
Je peux vous dire que jeûner est loin d’être facile. Déjà parce que le client est étranger. Parler toute la journée une langue qui n’est pas la nôtre est fatigant, surtout quand on entend que des reproches ou des insultes», se désole Hind. En plus de devoir encaisser les retours de clients mécontents, celle-ci pointe également du doigt ses horaires.
«Ils ne sont pas du tout aménagés en circonstance. On peut faire du 5h-13h comme du 9h-18h. Essayez de trouver un taxi à 18h30 pour rentrer chez vous… Quand j’arrive chez moi, c’est quasiment l’heure de la rupture du jeûne et je n’ai pas le temps de le préparer comme il faudrait pour mon époux», s’offusque-t-elle. Et quand on lui demande pourquoi elle ne prend pas ses vacances durant le ramadan, celle-ci répond : «C’est prévu, mais nous n’avons le droit qu’à deux semaines par an…». «Ces entreprises-là sont bourrés d’argent, elles pourraient au moins proposer un petit quelque chose à manger pour les employés qui finissent à 18h, sachant que si le client appelle à 17h59, on est tenu de lui répondre et de rester en ligne jusqu’à ce qu’il décide de raccrocher, 30 minutes ou 1h plus tard !» se plaint la jeune femme. Pour tenir le coup, Yassine, lui, s’en remet directement à sa foi. «Cela fait plusieurs années que je passe le ramadan au travail. Il n’y a pas beaucoup de gens qui jeûnent chez nous. Alors quand tu es le seul, ce n’est pas facile. Le point positif, c’est que l’on sait finalement si on a un minimum de foi ou bien si on ne jeunait que par “habitude” ou “contrainte”».
Enfin, pour d’autres, le mot vacances ne rimerait pas si bien avec ramadan : «Le ramadan c’est faire son jeûne, sa prière, de bonnes actions, s’approcher de Dieu… Aller à la plage, bronzer, se faire des petits restaus» en famille, ou siroter un bon cocktail (le concept même des vacances, pour moi en tout cas), ne colle pas du tout avec le ramadan… C’est pourquoi, pour profiter pleinement de mon congé, je préfère attendre…», conclut finalement Karim.