25 Mars 2013 À 17:51
«Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran» est une des œuvres les plus intéressantes d’Éric Emmanuel Schmitt. La compagnie l’Aparté a décidé de l’adapter d’une manière singulière sans pour autant que le texte original ne perde de son intensité dramatique. Les «Lectures théâtrales» se présentent à travers un dispositif simple, mais pas simpliste : trois comédiens au maximum et une mise en espace construite sur la base d’un texte contemporain français ou d’une adaptation d’un texte étranger en français. L’ensemble est doublé d’une musique bien soignée (corde, vent, percussions…).
Ici, le spectacle est un voyage initiatique au cœur de Paris des années 60. Momo (Thomas Sagnard), un garçon juif de douze ans, aux motivations troubles, s’immisce dans le quotidien d’un vieil épicier arabe de la rue Bleue, Ibrahim (Brahim Bihi). Le jeune, fuyant sa famille sans amour, devient ami avec Ibrahim. Leur amitié forme une trame qui conduit les spectateurs presque naturellement à une interprétation de leur relation. Commence alors un jeu de dialogue, un subtil passe-passe, de débats plus intimes plus flous, plus inavouables, entre les deux hommes. Et cela vaut largement la peine. La sincérité de Momo et son désir de comprendre, authentiques, lui mènent à découvrir que Monsieur Ibrahim n’est pas arabe, mais simplement musulman et un philosophe inspiré. Sa source, sa référence, son mode de vie : le Coran.
Après le suicide de son père, Momo est adopté par Ibrahim qui l’invite à un long voyage dans l’espace et le temps. Ainsi, il échappe à la solitude, la malédiction du malheur, mais apprend également à sourire. Il se convertit à l’Islam et hérite de Ibrahim tous ses biens, son épicerie, mais aussi un peu de sa sagesse. Et la vie devient rose, si rose, toute rose. Morale : il ne faut jamais fixer de frontières entre les religions. «C’est une belle histoire d’amour entre deux hommes aux sensibilités culturelles, ethniques et religieuses bien distinctes», nous confie Brahim Bihi, comédien, membre de la compagnie l’Aparté.
Le jeu des deux comédiens respectueux de la narration est subtil et empreint d’une véritable force dramatique. «Le texte est lu. Le livre est toujours présent. La voix se met au service du texte». Il faut dire que le texte d’Éric Emmanuel Schmitt est dense, libre, ironique, inspiré. En un mot : prolifique. Avec cette formule, le texte se fait voix. Une voix ferme, sensible, habitée.
Voici donc un concept innovant qui a réussi, à maintes reprises, à remplir les salles et à ravir le public présent. Le choix de ce texte s’explique par le besoin de mettre en lumière la nécessité d’établir un dialogue entre les religions. «Nous avons choisi ce texte “Ibrahim et les fleurs du Coran” d’Éric Emmanuel Schmitt pour dire que la réconciliation entre l’Islam et le Judaïsme est toujours possible. Cela ne peut aboutir que grâce à un dialogue fécond, franc, loin des préjugés dont le monde entier est victime». Des préjugés souvent basés sur apparences trompeuses, «source de bon nombre de querelles théoriques», précise-t-il.
Autant dire que réviser les œuvres contemporains semble bien être une solution alternative face à la crise du quatrième art national, éternel parent pauvre de la culture. «Bon vent» ! C’est vraiment tout le mal que l’on souhaite à cette jeune compagnie de théâtre.