07 Décembre 2013 À 17:36
La viande rouge, un des aliments favoris des Marocains et dont beaucoup de personnes ne peuvent se passer, pourrait être dans bon nombre de cas impropres à la consommation. En effet, le président de la Fédération interprofessionnelle des viandes rouges (FIVIAR), Hammou Ouhelli, avait déclaré récemment que seuls deux abattoirs au Maroc sont conformes aux normes de qualité. Il s’agit de l’abattoir privé de Meknès et l’abattoir communal d’Al Hoceima. «La majorité des abattoirs du Royaume ne respectent pas les normes de qualité requises. Il s’agit des normes d'infrastructures -disponibilité des chambres froides notamment- et des normes de fonctionnement comme la formation du personnel», souligne Hammou Ouhelli.
L’Office national de la sécurité sanitaire des produits alimentaires (ONSSA) confirme ces propos. D’après l’office, les abattoirs sont, de manière générale, non conformes aux normes sanitaires requises aussi bien en matière d’infrastructures, d’équipements que de fonctionnement, telles que spécifiées dans le cahier des prescriptions spéciales (CPS) fixant les conditions sanitaires et hygiéniques auxquelles doivent satisfaire les abattoirs d’animaux de boucherie. «Ce CPS a été validé par l’Agriculture et l’Intérieur en octobre 2012 et a été mis à la disposition de l’ensemble des professionnels de ce secteur. En effet, à l’exception des abattoirs communautaires de Casablanca, l’abattoir privé de Meknès et l’abattoir communal d’Al Hoceima, le reste des abattoirs municipaux et des tueries rurales sont vétustes et ne répondent pas aux normes hygiéniques et techniques requises dans ce domaine», affirme une source de l’ONSSA. Pour sa part, Kherrati Bouazza, président de la Fédération marocaine des droits du consommateur FMDC et auteur du livre «Viandes rouges au Maroc : salubrité et qualité» paru en 2012, estime que les abattoirs du Maroc doivent être carrément fermés. «La question des abattoirs de viandes rouges au Maroc a fait couler beaucoup d’encre et aucune mesure sérieuse n’a été adoptée par le ministère chargé de leur gestion par commune interposée. Nos abattoirs de viandes rouges doivent être fermés à l’exception de l’abattoir privé de Meknès et même celui de Casablanca qui avait coûté plus de 70 MDH, de quoi équiper, à l’époque, plus de dix villes en abattoirs comme celui de Meknès. Et si les abattoirs des collectivités urbaines sont dans des situations hygiéniques lamentables, que dire des tueries rurales qui pullulent à travers tout le Royaume ?», fustige Kherrati. Et d’ajouter que «la FMDC avait saisi à maintes reprises le ministère de l’Agriculture et de la pêche maritime, du temps de la direction de l’élevage, pour que les mesures draconiennes réglementaires soient appliquées, autrement dit, tout établissement ne remplissant pas les conditions minima d’hygiène pour l’abattage et la préparation des viandes rouges doit être fermé.
Les autorités locales devraient normalement appliquer les décisions des services techniques contre le gré des autorités communales. Par le passé, en 2002, les abattoirs de Salé (hebdomadaire du jeudi) avaient été fermés et ce sont les querelles politiques qui avaient conduit à leur réouverture. À ce jour, ils ne sont pas approvisionnés en eau». D’après l’ONSSA, cette situation constitue une entrave majeure au bon déroulement des opérations d’abattage et de contrôle sanitaire vétérinaire.
Les insuffisances relevées concernent le lieu d’implantation, les infrastructures, les équipements, le mode d’exploitation et de gestion ainsi que le transport des viandes. «Les défaillances enregistrées concernent plusieurs aspects, à savoir la vétusté des bâtiments qui sont généralement de simples aires d’abattage pour les tueries, le non-respect des principes hygiéniques de base, l’implantation des abattoirs municipaux en plein centre des agglomérations, l’existence et l’implantation de tueries rurales dans les souks où il y a absence d’infrastructures de base, l’état des équipements et l’absence ou insuffisance des chambres froides de ressuyage des viandes. Cette situation est la conséquence de la faiblesse des moyens financiers mobilisés par les communes pour l’entretien et la mise à niveau des abattoirs. Cet état de fait n’encourage pas les opérateurs privés à investir dans le secteur de l’abattage des viandes rouges, comme c’est le cas dans la majorité des pays», indique un responsable de l’ONSSA.
La Fédération marocaine des droits du consommateur déplore que les institutions chargées de la gestion des abattoirs favorisent le volet social et délaissent le volet sanitaire. De ce fait, le rapport S/S (sanitaire sur social) tend vers zéro au lieu d’être équilibré et procéder à son amélioration par la prise en conscience que le sanitaire coûte plus cher que le social, explique Kherrati. «L’augmentation des maladies entraine automatiquement une prise en charge toujours en croissance (occupation des lits, personnel, médicaments, etc.). En termes de responsabilité, il y a d’abord l’ONSSA qui, par son devoir régalien et d’instance officielle de protection du consommateur, doit prendre la ferme décision de planifier la fermeture des abattoirs et tueries non conformes. C’est un devoir national. Puis, le ministère de l’Intérieur, tutelle des collectivités locales, qui use de la charte communale pour bloquer les investissements privés dans le secteur», dénonce le président de la FMDC. «Actuellement, la seule autorisation possible pour la construction d’un abattoir privé est l’obligation de son intégration dans un projet de production complet (dispositions de ferme d’élevage et de points de vente). Et, enfin, les professionnels dont la majorité garde toujours la culture du gain instantané et travaille sans structure professionnelle malgré l’existence de l’esprit corporatif représenté par l’Amine. Avec le Plan Maroc vert, la profession traverse une zone hybride de l’archaïsme vers le modernisme. Bien qu'avec la FIVIAR, il y a un grand espoir d’organisation et d’amélioration du secteur. Secteur qui ne dispose d’aucune école ni centre de formation : le métier est appris sur le tas. La contribution de la FMDC pour la mise à niveau a été la publication d’un livre sur la salubrité et la qualité des viandes rouges au Maroc», poursuit-il.De son côté, Hammou Ouhelli préfère rester optimiste, même s’il estime qu’il manque encore la volonté des communes et la prise de conscience du bien-fondé du développement de ce secteur. «Avec l’évolution que connaît le Maroc dans plusieurs domaines, l’information à travers les médias et la plus grande implication des pouvoirs publics, le problème des abattoirs se résoudra à moyen terme avec la mise à niveau déclenchée actuellement», espère-t-il.
L’Office national de la sécurité sanitaire des produits alimentaires (ONSSA) procède à un contrôle quotidien des abattoirs. «L’inspection sanitaire des viandes rouges est assurée quotidiennement par 220 vétérinaires et 600 techniciens relevant de l’ONSSA, conformément à la législation et la réglementation en vigueur. Cette inspection s’effectue dans 180 abattoirs municipaux, 540 tueries rurales et dans 2 abattoirs privés», affirme un responsable de l’ONSSA. Et de poursuivre : «L’inspection des viandes comporte l’inspection ante mortem des animaux vivants avant leur abattage et l’inspection post-mortem (après abattage). Les viandes reconnues salubres à la consommation sont estampillées par les vétérinaires inspecteurs de l’ONSSA tandis que les viandes insalubres sont saisies et détruites». Par ailleurs, le volume annuel des viandes préparées et contrôlées dans les abattoirs de viandes rouges est d’environ 260 000 tonnes. Le tonnage saisi annuellement s’élève à 1 400 tonnes, soit environ 0,5% du total des abattages contrôlés. «Le tonnage des viandes abattues dans les abattoirs municipaux constitue 70% du tonnage contrôlé, alors que celui réalisé dans les tueries représente le reste. Il est à noter que le secteur d’abattage est caractérisé par l’atomisation des unités d’abattages», explique la même source.
Je pense qu’il y a de nombreuses mesures à prendre pour que les abattoirs soient conformes aux normes de qualité comme :• Libéraliser le secteur et donner la chance au secteur privé d’y investir. À travers le monde, les abattoirs gérés par les communes se comptent sur les doigts de la main. • Appliquer fermement les termes de la loi 28-07 et son décret d’application par l’ONSSA. À quoi peut servir une loi si elle n’est pas appliquée ? Et ceci, en matière d’hygiène et d’octroi d’agréments. • Soumettre inconditionnellement les autorités locales aux décisions de l’ONSSA en matière de mise à niveau du secteur.• Organiser des circuits de commercialisation des animaux destinés à l’abattage et interdire leur transport par des moyens non autorisés.• Assister les abattoirs dans la lutte contre l’abattage clandestin qui détruit toute stratégie de protection du consommateur en matière de denrées alimentaires animales ou d’origine animale et prive l’État de liquidité. • Le ministère de la Santé doit être partie prenante avec le MAPM pour prévenir les maladies transmissibles. C’est avec regret, et nous l'avions signalé au Pr El Ouardi, que dans sa stratégie de lutte contre la tuberculose, son département n’avait pas pris en compte la tuberculose d’origine animale qui reste responsable de plus de 16% des cas enregistrés en milieu urbain (Hôpital My Youssef Rabat).