09 Octobre 2013 À 12:13
D’après les psychologues, ce comportement des victimes de viol, qui choisissent de se renfermer dans le silence, révèle une envie d’être davantage comprises que vengées. Le psychiatre Khalid El Alj explique que «l’après-viol suppose qu’il y ait un avant et un sens. Et si l’on cache le viol c’est qu’il y a un contresens et que l’on s’imagine y être pour quelque chose», souligne-t-il, avant de reprendre : «Prendre une femme de force, la violer ou la violenter signifierait qu’on la chosifie, qu’on la prend pour un objet». Et ceci donnerait la preuve à l’agresseur «qu’il est en deçà de pouvoir lui plaire et qu’on est l’objet et la chose d’un désir aveugle qui maudit sa propre origine à soi». Quant à la victime, elle se sent souillée et salie et cela est aisément compréhensif. Pour le psychiatre, il est normal que «la femme violée craigne de parler aux siens, car elle sait qu’en retour, elle pourrait n’avoir qu’un regard réprobateur, un discours d’une morale puritaine qui lui confisque son droit et sa liberté sur son corps», indique le Dr El Alj, puis de continuer : «Par contre, elle se confierait plus facilement à une amie qui s’identifierait à elle, ou un spécialiste neutre, qui pourraient intégrer le sens de son traumatisme et l’aideraient à retrouver ses repères».
Ainsi, Khalid El Alj confie que «c’est en nommant l’agression par son nom et en désignant son auteur que la victime peut panser son traumatisme, retrouver ses repères et sa place parmi les siens». Et pour aider les victimes de viol à briser le silence, un blog a été créé récemment. Ce projet, initié par la photographe américaine Grace Brown, fonctionne comme une thérapie par l’art. Son but est simple : De quelques centaines, au départ, à désormais plus de 2 000, nombreuses sont celles qui ont souhaité participer à ce projet depuis sa création en posant avec une pancarte où sont inscrits les mots prononcés par leur agresseur. Qu’elles dévoilent leur visage ou qu’elles souhaitent rester anonymes, ces femmes veulent toutes la même chose : se délivrer et briser le silence en mettant le public face à la violence dont elles ont été victimes de façon inattendue et percutante. Et pour se faire l’écho de toutes les victimes de viol, le projet s’est récemment étendu aux hommes, dont la situation est beaucoup moins exposée.
Face à la recrudescence alarmante des viols et des agressions sexuelles à l’encontre des enfants et des femmes, le Comité national de soutien aux victimes de viol et d’agressions sexuelles a organisé, lundi 7 octobre, un sit-in à Rabat. L’une des actions de l’événement est de sensibiliser les citoyens à ce fléau. L’objectif premier quant à lui est de se solidariser avec Hiba et Jihane, deux victimes de sévices sexuels, révèlent les membres du comité dans un communiqué. Le comité tire la sonnette d’alarme, car selon lui, «la procédure juridique ne garantit ni justice ni protection aux victimes». Puis d’ajouter que «face au mutisme complice de la société, il est important de promouvoir la lutte contre le viol et les agressions sexuelles en faisant pression pour l'adoption de mécanismes visant à criminaliser les auteurs des viols pour mettre un terme à l’impunité des criminels et délinquants sexuels», ajoute-t-il.