09 Octobre 2013 À 12:02
Samedi après-midi, au quartier Al Amane d’Ain Sebâa. Dans ce quartier populaire, l’on semble divorcer avec l’immobilisme. Tout bouge, ou presque. Le touriste qui y débarque est attiré par les va-et-vient réguliers des personnes, surtout les adolescents, entre les snacks qui jalonnent la route secondaire et dont les senteurs du poulet flirtent avec nos narines, le salon de coiffure mitoyen à la petite quincaillerie, et la nouvelle boulangerie qui se situe dans l’angle du coin. Que dire du café d’à côté qui commence à accueillir ses premiers clients, à quelques heures du démarrage des matchs de football du week-end !
C’est en plein cœur de ce brouhaha que Mohamed a décidé de s’implanter. Son installation ne passe pas inaperçue. Elle est implantée à quelques encablures des deux petits marchés du coin. Il ressemble à une cage, entourée par des bâches blanches avec des motifs noirs. Un tas de foin est placé sur la devanture. Un petit espace fait office de portail pour les clients. Quand on lui demande pourquoi il a choisi cet emplacement, il nous répond, sourire aux lèvres : «parce que ce n’est pas loin de la route et je souhaite que les passants aient plus de visibilité sur ma marchandise !». Cette marchandise composée de 50 moutons est jalousement gardée à l’intérieur, par ses trois autres compagnons. Un peu réticent au début, Mohamed décide finalement de nous répondre après que nous ayons décliné notre identité. «À la veille de chaque fête, j’aménage ces lieux pour vendre des moutons. Cela fait cinq ans que je sacrifie à cette tradition», indique-t-il. Les prix des moutons varient entre 2 000 et 2 500 dirhams. Mais ce n’est pas encore la grande affluence chez lui. «J’ai ouvert ce point de vente il y a de cela quatre jours. Mais pour le moment je n’ai vendu que 7 moutons», constate-t-il. Cette rareté des clients n’est-elle pas due à la cherté du bétail ? «Non, je pense que les prix sont abordables. J’achète les moutons au Souk (ndlr. marché) pour les revendre. Souvent j’ai juste 100 dirhams de bénéfice», répond notre interlocuteur.
Autre lieu, autre décor, autre ambiance. Après avoir quitté le fief de Mohamed, nous voilà dans cet endroit, d’un autre acabit. Nous sommes plus exactement dans un grand supermarché de la place. Aïd oblige, les responsables ont aménagé un espace de vente pour la circonstance. Il est placé à côté d’un grand parking. Ici on n’a pas de cage, mais plutôt une sorte de bivouac décoré par des bâches marron et noires. À l’entrée de la grande porte, une grande banderole bleu et blanc avec des écritures rouges en arabe, encadrées par deux gros béliers, souhaite la bienvenue aux passants.
Après avoir franchi le portail, nous nous dirigeons vers deux hommes qui sont assis sur une petite table en bois. L’un porte un body noir (Hicham), l’autre un maillot de l’équipe nationale d’Italie (Zeyd). Il nous invite à nous asseoir à côté d’eux. Après les présentations, le premier nommé appelle un responsable commercial pour l’informer du motif de notre présence. Presque dix minutes plus tard, son téléphone sonne. «Il a donné son feu vert, on peut commencer», nous lance-t-il après quelques secondes de communication. La pièce est en fait scindée en deux parties, avec 290 moutons dans chacune d’elle. De temps à autre, un homme habillé en T-shirt blanc remplit du foin dans les quatre réservoirs situés de part et d’autre, pour ravitailler le bétail. «Nous vendons deux races différentes, les “Sardi” (250 moutons) et les “Bergui (40)”. Et les prix diffèrent pour chaque catégorie» , informe Hicham El Khoulfi. Cette différence de prix saute à l’œil nu. De petites pancartes jaune et rouge avec l’indicatif «Promotion» affichent 51,5 dirhams le kilo pour les «Sardi» et 49 DH pour les «Bergui». En plus clair, «la fourchette des prix varie entre 2 000 et 5 000 dirhams pour les premiers et entre 1 000-2 000 dirhams pour les seconds», indique Hicham. Une pièce en caoutchouc de couleur bleu ou rouge est placée dans l’oreille de chaque mouton, «pour une traçabilité des ventes et pour le suivi des moutons achetés par des clients parce que certains préfèrent laisser leur bélier ici parce qu’ils n’ont pas d’espace chez eux». Les choses semblent organisées. Hicham délivre les bons d’achat et prend le numéro des clients et son collègue Zeyd se charge de rapporter les ventes de la journée. «Nous avons ouvert depuis jeudi dernier. Pour le moment, nous avons vendu 40 moutons, soit 20 moutons par jour», révèle Hicham.
Au fur et à mesure de notre conversation, le public devenait de plus en plus nombreux. Enfants et adolescents ou simples passants débarquent pour aiguiser leur curiosité, des couples observent le cheptel pour dénicher la bonne marchandise. Un vigile, accoudé sur l’une des barrières placées devant la porte, veille au grain. C’est dans cette foule que nous rencontrons Moustapha, un père de famille. Il juge que les prix des moutons ne sont pas abordables. «Les prix sont très chers cette année comparée à l’année dernière ou le kilogramme se situait entre 40 et 42 dirhams. Je vais essayer de chercher un mouton qui avoisine les 2 000 et 2 500 dirhams», confie-t-il. À côté de lui, Mohamed, un autre père de famille. Il porte une chemise aux manches courtes avec de petits carreaux bleu et blanc, assorti d’un jean bleu foncé.
Il partage le même constat. Il n’hésite pas à utiliser la calculatrice de son portable pour calculer les prix. «Vraiment, les prix appliqués cette année sont chers. L’année dernière j’avais déboursé 2 000 dirhams pour mon bélier. Je ne compte pas dépasser les 2 500 dirhams cette année», déclare-t-il. Juste avant la sortie, nous rencontrons Yahia, lui aussi est à la recherche de son bélier. «Je suis là parce j’ai entendu qu’il y avait promotion. Mais je constate une grande différence des prix par rapport à l’année dernière où j’avais acheté le mouton entre 1 500 et 1 700 dirhams», remarque-t-il. Bon nombre de personnes vont, à coup sûr, attendre les tout derniers jours avant la fête pour se rendre dans les points de vente. Une bonne astuce pour se procurer peut-être un mouton, à bon prix !