06 Octobre 2013 À 15:06
Il est représentant du CRID au Conseil international du Forum social mondial, membre fondateur de l’AITEC (Association internationale de techniciens, experts et chercheurs) et de IPAM (Initiatives pour un autre monde), membre du Conseil scientifique d’ATTAC. Il a publié plusieurs ouvrages, dont «Une stratégie altermondialiste» (éditions La Découverte, Paris 2011), «Villes en développement» (avec Jean François Tribillon, éditions La Découverte, Paris, 1988) et a contribué à l’ouvrage «Quelles villes pour le 21e siècle ?» (sous la direction Françoise Lieberherr et German Solinis, Genève, Infolio, 2012). Dans son intervention très remarquée à Rabat, lors de la journée consacrée à «l’Attractivité des villes en Afrique», il a souligné trois hypothèses qu’il met en évidence dans ce texte, à savoir l’attractivité des villes africaines s’inscrit dans l’attractivité de l’Afrique, l’attractivité d’une ville se construit sur son identité et, enfin, l’attractivité des villes est portée par les pouvoirs publics locaux.
Pour réfléchir sur l’avenir de l’Afrique, il faut s’interroger sur l’avenir de la mondialisation. Il est conditionné par la crise et par l’exaspération des peuples qui en résulte. La situation globale est caractérisée par ce que l’on a convenu d’appeler la crise et qui s’approfondit. La dimension financière, la plus visible, est une conséquence qui se traduit dans les crises ouvertes alimentaires, énergétiques, climatiques, monétaires, etc. La crise structurelle articule quatre dimensions : économiques et sociales, celle des inégalités sociales et de la corruption ; écologiques, avec la mise en danger de l’écosystème planétaire ; géopolitiques, avec la fin de l’hégémonie des États-Unis, la crise du Japon et de l’Europe et la montée de nouvelles puissances ; idéologiques, avec l’interpellation de la démocratie, les poussées xénophobes et racistes. Deux questions conditionnent l’avenir de la mondialisation : la différenciation des grandes régions et le chamboulement géopolitique.
Dans la mondialisation actuellement dominante, l’attractivité de l’Afrique est surtout caractérisée par l’accès aux matières premières et aux ressources naturelles, y compris l’accaparement des terres. Elle relève de l’économie de rente. La course aux matières premières et à l’accaparement des terres et la multiplication des conflits et des guerres qui en résulte brouillent la dynamique économique réelle et la vivacité des mouvements. L’Afrique a des atouts : sa jeunesse, ses matières premières, la dynamique réelle de ses entrepreneurs. La condition nécessaire pour se saisir de ses opportunités est que s’imposent des pouvoirs publics sachant allier le souci de leur souveraineté et la défense des libertés démocratiques. Ces pouvoirs publics doivent s’imposer à tous les niveaux : locaux, nationaux et continentaux. Il s’agit de construire l’Afrique à partir de ses territoires. C’était le thème de Africités 6 à Dakar.Il faut éviter d’engager les villes dans ce qui est arrivé aux États africains, mis en concurrence pour les amener à adopter les mêmes politiques avec les limitations de ces politiques. Dans cette démarche, le défi n’est pas celui de la concurrence entre les villes. Il est dans leur coopération pour construire l’attractivité de l’Afrique.
L’attractivité des villes s’appuie sur leur image qui se donne pour objectif de figurer leur identité. L’identité des villes découle de leur spécificité. L’image urbaine résulte de son histoire et des traces vivantes de leur mémoire. Elle traduit aussi les réalités urbaines et le projet de la ville. Ce projet ne se résume pas au passé de la ville, il est porté par son avenir. La réalité de la ville dépend de l’articulation des modèles urbains qui se sont succédé et de la manière dont se combinent les logiques de ces modèles. Dans le cas de Rabat, par exemple, on voit comment la ville combine le modèle de la ville traditionnelle dans la médina, la ville royale et la ville capitale, la ville coloniale et haussmannienne, la ville de l’indépendance, la ville contemporaine industrielle et portuaire. À chaque période, une des logiques réorganise les villes antérieures, mais les logiques antérieures ne disparaissent pas, elles sont transformées. L’identité de la ville reflète la manière dont s’organise la combinaison. Ce qui donne une marge de manœuvre importante aux autorités locales et nationales par rapport aux rationalités nouvelles. Quels sont les modèles urbains qui imposeront les logiques dominantes avec lesquelles il faudra composer ? Trois modèles urbains correspondent aux horizons possibles qui s’esquissent dans la crise de la phase actuelle de la mondialisation.1. La première conception est celle de l’économie verte financiarisée. Dans cette vision, la sortie de la crise passe par l’élargissement du marché mondial, par le «marché illimité» nécessaire à la croissance. Elle propose d’élargir le marché mondial, qualifié de marché vert, par la financiarisation de la Nature, la marchandisation du vivant et la généralisation des privatisations. Il est reconnu que la Nature produit des services (elle capte le carbone, elle purifie l’eau, etc.). L’affirmation est que ces services sont dégradés parce qu’ils sont gratuits. Pour les améliorer, il faut leur donner un prix, un prix défini par le marché. Il faut les marchandiser, les privatiser, les financiariser. Il s’agit de remplacer le droit sur la Nature considérée comme un bien commun par une propriété privée qui permettrait une «bonne gestion» de la Nature. Il faudrait laisser cette gestion de la Nature aux grandes entreprises multinationales, financiarisées, qui sauraient la gérer et pallier ses insuffisances. Pour ne pas affaiblir la prééminence des marchés, les références aux droits fondamentaux, au droit international, au droit de la Nature seraient subordonnées au droit des affaires.Les modèles urbains correspondants sont dans le prolongement du modèle de l’ajustement structurel et de la ville libérale-mondiale, accentuées par les réponses violentes aux résistances populaires et l’insécurité croissante.
Pour réfléchir sur l’avenir de l’Afrique, il faut s’interroger sur l’avenir de la mondialisation. Il est conditionné par la crise et par l’exaspération des peuples qui en résulte. La situation globale est caractérisée par ce que l’on a convenu d’appeler la crise et qui s’approfondit. La dimension financière, la plus visible, est une conséquence qui se traduit dans les crises ouvertes alimentaires, énergétiques, climatiques, monétaires, etc. La crise structurelle articule quatre dimensions : économiques et sociales, celle des inégalités sociales et de la corruption ; écologiques, avec la mise en danger de l’écosystème planétaire ; géopolitiques, avec la fin de l’hégémonie des États-Unis, la crise du Japon et de l’Europe et la montée de nouvelles puissances ; idéologiques, avec l’interpellation de la démocratie, les poussées xénophobes et racistes. Deux questions conditionnent l’avenir de la mondialisation : la différenciation des grandes régions et le chamboulement géopolitique.
Dans la mondialisation actuellement dominante, l’attractivité de l’Afrique est surtout caractérisée par l’accès aux matières premières et aux ressources naturelles, y compris l’accaparement des terres. Elle relève de l’économie de rente. La course aux matières premières et à l’accaparement des terres et la multiplication des conflits et des guerres qui en résulte brouillent la dynamique économique réelle et la vivacité des mouvements. L’Afrique a des atouts : sa jeunesse, ses matières premières, la dynamique réelle de ses entrepreneurs. La condition nécessaire pour se saisir de ses opportunités est que s’imposent des pouvoirs publics sachant allier le souci de leur souveraineté et la défense des libertés démocratiques. Ces pouvoirs publics doivent s’imposer à tous les niveaux : locaux, nationaux et continentaux. Il s’agit de construire l’Afrique à partir de ses territoires. C’était le thème de Africités 6 à Dakar.Il faut éviter d’engager les villes dans ce qui est arrivé aux États africains, mis en concurrence pour les amener à adopter les mêmes politiques avec les limitations de ces politiques. Dans cette démarche, le défi n’est pas celui de la concurrence entre les villes. Il est dans leur coopération pour construire l’attractivité de l’Afrique.
L’attractivité des villes s’appuie sur leur image qui se donne pour objectif de figurer leur identité. L’identité des villes découle de leur spécificité. L’image urbaine résulte de son histoire et des traces vivantes de leur mémoire. Elle traduit aussi les réalités urbaines et le projet de la ville. Ce projet ne se résume pas au passé de la ville, il est porté par son avenir. La réalité de la ville dépend de l’articulation des modèles urbains qui se sont succédé et de la manière dont se combinent les logiques de ces modèles. Dans le cas de Rabat, par exemple, on voit comment la ville combine le modèle de la ville traditionnelle dans la médina, la ville royale et la ville capitale, la ville coloniale et haussmannienne, la ville de l’indépendance, la ville contemporaine industrielle et portuaire. À chaque période, une des logiques réorganise les villes antérieures, mais les logiques antérieures ne disparaissent pas, elles sont transformées. L’identité de la ville reflète la manière dont s’organise la combinaison. Ce qui donne une marge de manœuvre importante aux autorités locales et nationales par rapport aux rationalités nouvelles.
Quels sont les modèles urbains qui imposeront les logiques dominantes avec lesquelles il faudra composer ? Trois modèles urbains correspondent aux horizons possibles qui s’esquissent dans la crise de la phase actuelle de la mondialisation.1. La première conception est celle de l’économie verte financiarisée. Dans cette vision, la sortie de la crise passe par l’élargissement du marché mondial, par le «marché illimité» nécessaire à la croissance. Elle propose d’élargir le marché mondial, qualifié de marché vert, par la financiarisation de la Nature, la marchandisation du vivant et la généralisation des privatisations. Il est reconnu que la Nature produit des services (elle capte le carbone, elle purifie l’eau, etc.). L’affirmation est que ces services sont dégradés parce qu’ils sont gratuits. Pour les améliorer, il faut leur donner un prix, un prix défini par le marché. Il faut les marchandiser, les privatiser, les financiariser. Il s’agit de remplacer le droit sur la Nature considérée comme un bien commun par une propriété privée qui permettrait une «bonne gestion» de la Nature. Il faudrait laisser cette gestion de la Nature aux grandes entreprises multinationales, financiarisées, qui sauraient la gérer et pallier ses insuffisances. Pour ne pas affaiblir la prééminence des marchés, les références aux droits fondamentaux, au droit international, au droit de la Nature seraient subordonnées au droit des affaires.Les modèles urbains correspondants sont dans le prolongement du modèle de l’ajustement structurel et de la ville libérale-mondiale, accentuées par les réponses violentes aux résistances populaires et l’insécurité croissante.
Dans la ville de la financiarisation, le critère unique de l’attractivité, c’est l’ouverture aux capitaux. La marge de manœuvre des villes, c’est déjà de différencier capitaux et investissements productifs, car la majeure partie des capitaux ne créent pas d’emploi ou de richesse locale.2. La deuxième conception est celle du Green New Deal, défendue par d’éminents économistes de l’establishment comme Joseph Stiglitz, Paul Krugman et Amartya Sen, souvent qualifiés de néo-keynésiens. Il s’agit d’un réaménagement en profondeur du capitalisme qui inclut une régulation publique et une redistribution des revenus. Elle est encore peu audible aujourd'hui, car elle implique un affrontement avec la logique dominante, celle du marché mondial des capitaux, qui refuse les références keynésiennes et qui n’est pas prêt à accepter qu’une quelconque inflation vienne empêcher la revalorisation des profits. La situation nous rappelle que le New Deal adopté en 1933 n’a été appliqué avec succès qu’en 1945, après la Deuxième Guerre mondiale.
Les modèles urbains correspondant à cette issue de la crise renoueront avec certaines des politiques de la période des années 45 à 80, souvent qualifiée de fordistes et sociales-libérales. Elles pourraient aller plus loin, dans la mesure où les tenants de la modernisation sociale devraient s’appuyer sur les couches populaires et seraient plus à l’écoute des mouvements sociaux urbains. Elles trouveraient leurs limites dans la contradiction entre le productivisme du capitalisme vert et les contraintes de l’écosystème planétaire. Dans la ville du Green New Deal, l’attractivité, c’est la régulation publique, les services publics, l’emploi, l’articulation entre activités, habitat, espace public.3. La troisième conception est celle des mouvements sociaux et citoyens qui a été explicitée dans la rencontre des mouvements à la Conférence de Rio+20 en 2012. Les mouvements sociaux ne sont pas indifférents aux améliorations en termes d’emploi et de pouvoir d’achat que pourrait apporter le Green New Deal. Mais ils constatent l’impossibilité de les concrétiser dans les rapports de forces actuels. Ils considèrent que la croissance productiviste correspondant à un capitalisme, même régulé, n’échappe pas aux limites de l’écosystème planétaire et n’est pas viable.Ils préconisent une rupture, celle de la transition sociale, écologique et démocratique. Ils mettent en avant de nouvelles conceptions, de nouvelles manières de produire et de consommer. Citons : les biens communs et les nouvelles formes de propriété, le contrôle de la finance, le bien-vivre et la prospérité sans croissance, la réinvention de la démocratie, les responsabilités communes et différenciées, les services publics fondés sur les droits et la gratuité. Il s’agit de fonder l’organisation des sociétés et du monde sur l’accès aux droits pour tous. Cette conception est engagée dès aujourd’hui à travers les résistances et les pratiques concrètes d’émancipation qui, du niveau local au niveau global, préfigurent les alternatives. Les modèles urbains de cette issue à la crise sont à inventer. Elles sont préfigurées par les recherches d’alternatives qui passent par la convergence entre les mouvements et certaines autorités locales.Dans la ville de la transition, l’attractivité c’est l’équilibre entre l’environnement et l’adhésion sociale et démocratique. On peut l’atteindre par la coalition des acteurs sociaux locaux. Dans chaque ville, la réalité urbaine découlera d’une articulation entre ces modèles, variable suivant les situations et l’action des populations et des autorités locales. L’identité urbaine découle de la liaison entre cette articulation, l’histoire de la ville et l’action des acteurs urbains. Elle laisse des marges de manœuvre à la gouvernance urbaine.
Africités 6, à Dakar, en décembre 2012, a été une rencontre des autorités locales à l’échelle de l’Afrique, avec près de 2 500 pouvoirs locaux et territoriaux africains, alors que le continent en compte environ quinze milles. À partir du thème retenu (construire l’Afrique à partir de ses territoires), les débats ont mis l’accent sur l’articulation entre les échelles de territoires : local, régional, national, grandes régions (les cinq sous-régions africaines) et continental.La stratégie proposée a été de partir du local et de son territoire comme échelle pertinente de l’articulation entre la population et le social, l’environnement, les institutions et la démocratie. Les échelons locaux (ou subnationaux) sont de ce point de vue considérés comme des territoires locaux et les autorités locales correspondantes sont marquées par la volonté de démocratie et de proximité, et non comme une déconcentration de la légitimité nationale. La proposition est de reconstruire le territoire national à partir du local, ce qui permet de redéfinir l’espace public, la citoyenneté et la souveraineté.
Il s’agit de relier la construction des espaces nationaux et supranationaux en s’appuyant sur la référence au territoire local. Elle implique le refus de la logique de l’ajustement structurel, c'est-à-dire de l’ajustement de chaque société au marché mondial des capitaux, qui entraîne la subordination du local au mondial et la négation du national. La territorialisation définit les gouvernances : locale et régionale, nationale, des cinq sous-régions, du continent. La stratégie proposée par Africités 6 est de partir de la gouvernance locale pour renforcer la légitimité nationale, et construire l’unité africaine à partir de ses sous-régions. Il revient aux pouvoirs locaux de démontrer leur capacité à maîtriser leur territoire, son environnement et son aménagement ; leur capacité à mener une politique économique locale et à construire des coalitions locales associant les acteurs dans une cohésion sociale et démocratique. C’est cette capacité qui devient un facteur d’attractivité déterminant pour les villes africaines.