21 Octobre 2013 À 13:50
Il doit parler. Dans un silence assourdissant, on lit la peur et la détresse sur son visage, mais on découvre aussi les regards gênés et les sourires moqueurs de ceux qui attendent ses paroles qui ne viennent pas… Cette scène résume parfaitement le regard que porte, encore aujourd’hui, la société sur la personne bègue. Pénible sur le plan physique, car le bégaiement fatigue. Mais pénible, aussi, sur le plan psychologique, car il a de lourdes répercussions sur la relation à l’autre. «Ma fille de 11 ans souffre de bégaiement depuis l’âge de 3 ans. Aujourd’hui, elle est en sixième et essuie régulièrement les moqueries des autres élèves», raconte Warda, maman de Loubna.
Impossibilité de s’exprimer spontanément, honte, stigmatisation… Face à tous les problèmes dont il prend vite conscience, le bègue va représenter l’acte de parler comme étant émotionnellement difficile. «Les adultes, eux, ne se moquent pas directement de moi, mais ils ne m'écoutent pas. Car je suis trop lente à parler et les gens n’ont pas le temps...», ajoute la petite Loubna.
«Il faut faire la différence entre la personne bègue et un bégaiement physiologique qui est une phase de bafouillage survenant aux alentours de trois ans, quand le langage s’organise et que l’enfant établit ses premiers contacts hors du milieu familial», explique le docteur Salima Chaoui Aziz, orthophoniste, avant de poursuivre : «Cette période de bégaiement régresse puis disparaît dès que l’enfant dispose des moyens d’expression suffisants pour organiser son langage. C’est à partir de quatre ans, lorsque ces phénomènes persistent, que l’on confirme le diagnostic». Ainsi, les enfants sont plus facilement touchés par ce handicap que les adultes. «En effet, dans 70% des cas, le bégaiement apparaît au moment de l’apprentissage du langage oral et très rarement à l’âge adulte», précise la spécialiste.
En ce qui concerne les causes de l'apparition du bégaiement, les spécialistes ont révélé, depuis plusieurs années déjà, l’existence d’une fragilité d’ordre génétique, qui prédispose à devenir bègue. Mais ce terrain génétique n’est qu’un facteur prédisposant. En effet, on observe souvent, dans la vie de l’enfant, un événement perturbant qui va faire rupture et entraîner la manifestation du bégaiement. Cela peut aller d'un événement banal comme la perte d’un doudou à un événement plus tragique comme le décès d'un proche... Enfin, tous les petits enfants seront amenés à bégayer à un moment ou un autre. Mais cela ne veut pas dire qu'ils le resteront à vie. C'est là qu'intervient un autre facteur : la réaction des parents ou de la famille à l’occasion des premiers bégaiements. Si l'enfant observe des réactions négatives lorsqu’il parle (quelqu’un qui fronce les sourcils, un autre qui rigole), cela va compliquer considérablement son apprentissage, en véhiculant l’idée que la parole crée des tensions. Pour ce qui est du traitement thérapeutique, plus tôt les patients consultent un orthophoniste, plus tôt elles peuvent établir le projet thérapeutique en corrélation avec la problématique diagnostiquée. La précocité du travail permettra donc de soulager plus vite les difficultés langagières du patient et le travail ré-éducationnel devrait être moins long. «Cependant, nous constatons que chez les petits enfants, le transfert des techniques de rééducation est plus difficilement applicable que chez un adulte qui comprend mieux ce qu’il doit gérer lorsqu’il se retrouve en situation de communication avec un pair. À l’inverse, la rééducation avec un adulte peut nécessiter davantage de séances, les mauvaises habitudes phonatoires étant intégrées et difficilement changeables», conclut finalement la spécialiste.