25 Décembre 2013 À 17:05
Quelques jours après avoir accordé un prêt de 115 millions d’euros au Maroc pour la réforme de la couverture médicale, la Banque africaine de développement (BAD) publie son rapport d’évaluation du programme d’appui à la reforme de la couverture médicale (PARCOUM). Ce programme est aujourd’hui dans sa phase 3 (PARCOUM III). Selon les experts de la BAD, malgré leur augmentation, les dépenses publiques de santé demeurent faibles au Maroc. A titre indicatif, le budget prévu pour le ministère de la Santé en 2013 représente seulement 5% du budget de fonctionnement de l’Etat (contre 20% pour le ministère de l’Education nationale). Malgré cette faible part, les besoins financiers du Maroc s’élèvent à 66,5 milliards de dirhams, soit l’équivalent de 6 milliards d’euros. Pour 2013, ces besoins sont couverts en parties par les ressources propres du pays (5,4 milliards d’euros, soit 89,8%) et par les ressources extérieures (0,6 milliard d’euros, soit 10,2%). A ce jour, les indicateurs de santé et d’utilisation des services de santé n’ont pas connu l’amélioration qu’on aurait pu attendre au vu du PIB par habitant du pays, soulignent les experts de la BAD. La mortalité infantile, par exemple, apparait plus élevée que dans un certain nombre de pays affichant un niveau comparable de revenu par habitant comme l’Egypte ou la Tunisie. Le ratio de mortalité maternelle atteint 112 pour 100.000 naissances vivantes avec un niveau de recours aux soins prénataux, post-nataux et d’accouchement en milieu médical relativement faible.
La BAD constate aussi l’existence de fortes disparités selon le milieu (urbain ou rural), le genre et le quintile de revenu. A titre indicatif, dans le Maroc rural, la mortalité maternelle est de 43% plus élevée qu’en zone urbaine. La proportion d’enfants qui souffrent de malnutrition chronique (retard de croissance) est beaucoup plus importante en milieu rural qu’en milieu urbain (20,5% contre 8,6%). En outre, malgré les efforts jugés importants consentis par le gouvernement pour améliorer l’accès aux soins, plus de la moitié de la population (51%) ne bénéficie pas d’un mécanisme de protection du risque. Près de 34% de la population est couverte par une assurance maladie (10,7 millions de personnes) à travers l’assurance maladie obligatoire (AMO), les régimes internes et mutuelles et les entreprises d’assurance. Environ 15% de la population était couverte par le RAMED à la fin juillet 2013 (5,1 millions de personnes). Finalement, le groupe constitué des populations «indépendantes» et estimé à près de 10 millions de personnes, reste pour le moment exclu de la couverture médicale de base (CMB). Par ailleurs, les dépenses de santé au Maroc représentent un lourd fardeau pour les ménages marocains et les expose à un risque d’appauvrissement du fait de la maladie. En effet, les ménages supportent plus de la moitié des dépenses totales de santé (53.6%). La contribution de l’assurance maladie est seulement de 18,8%, celle de l’Etat de 25,2%, et celle des employeurs et de la coopération internationale de 1% chacune. «Cette répartition des dépenses de santé expose les ménages, notamment les plus vulnérables, au risque de dépenses catastrophiques. Ainsi, on estime que 1,9% de la population marocaine encoure des dépenses catastrophiques et que 1,4% se sont appauvris du fait de ces dépenses, notamment en zone rurale», soulignent-ils.
De plus, le Maroc connaît actuellement une augmentation sans précédent de la population couverte par l’assurance maladie, notamment du fait de la généralisation du RAMED, mais les difficultés rencontrées pour maintenir l’équilibre financier des organismes gestionnaires de l’AMO et l’absence d’organisme gestionnaire du RAMED font peser la menace d’une explosion des coûts à laquelle le Maroc pourrait avoir des difficultés à faire face. Selon la BAD, il devient donc indispensable et urgent de mettre en place les outils permettant d’assurer la bonne gestion et le financement durable du système.
Octroyé en deux tranches, le PARCOUM III permettra ainsi de conduire cinq grands chantiers. D’abord, atteindre une couverture de 93% de la population cible par le RAMED. Ensuite, parvenir à intégrer progressivement certaines catégories sociales dans l’assurance maladie obligatoire (AMO), en visant au moins 200.000 affiliés supplémentaires, ainsi que l’établissement d’une vision stratégique à long terme pour la couverture des professions indépendantes. Le programme achevé, la disponibilité des services de qualité devrait en outre se voir améliorée. Autre réalisation importante : le projet permettra de rationaliser le recours aux soins, avec l’augmentation des populations couvertes qui disposeront d’un médecin de famille (40% prévue en 2014 contre 21% aujourd’hui). Enfin, le projet entend promouvoir la voix citoyenne et renforcer la redevabilité au Maroc, grâce à la mise en place d’un projet pilote qui permettra d’évaluer la perception de la qualité des soins par les usagers. A souligner que le dernier prêt de la BAD (115 millions d’euros) permettra de couvrir 9,7% du financement extérieur pour 2013 et 6,2% pour 2014.