Spécial Marche verte

La Kafala au cœur des débats

L'association «Bébés du Maroc» a organisé ce week-end la quatrième édition du Salon de la petite enfance et de la Kafala sur le thème «Tous ensemble pour stopper l’hémorragie». L’occasion de sensibiliser les Marocains sur l’importance des actions préventives et de la prise en charge des bébés privés de leur famille.

Des conférences ont été organisées en marge du Salon avec des interventions d'experts pour étudier plusieurs problématiques.

24 Décembre 2013 À 17:30

Le nombre d’enfants abandonnés au Maroc ne cesse de croître. La Kafala se présente aujourd'hui comme étant la meilleure alternative pour garantir une vie décente à ces enfants. Afin de coordonner les efforts pour mettre en place des prises en charge de qualité au profit des enfants abandonnés, l’association «Bébés du Maroc» a organisé les 21 et 22 décembre, la quatrième édition du Salon de la petite enfance et de la Kafala sur le thème «Tous ensemble pour stopper l’hémorragie».

Cette rencontre a eu pour objectif de sensibiliser le grand public quant à l’importance des actions préventives et de la prise en charge des bébés abandonnés. Des conférences ont été organisées en marge du Salon avec des interventions d'experts pour étudier plusieurs problématiques. «Le programme a compté trois ateliers animés par des spécialistes et non ouverts au public dans le but de se pencher sur l’étude de trois problématiques que nous avons jugées prioritaires. Il s’agit notamment de la problématique des enfants à besoins spécifiques et abandonnés, celle des enfants Makfouls par les institutions après 18 ans et enfin le contrôle et le suivi des enfants Makfouls par des familles au Maroc et à l’étranger», souligne Asmâa Benslimane, présidente fondatrice de l’association «Bébés du Maroc» et coordinatrice générale du salon de la petite enfance et de la Kafala.

Le salon de la petite Enfance a également été une occasion pour évaluer l’état des lieux et l'évolution de l'application de la loi de la Kafala de 2002 et d’examiner la procédure de son application. «La kafala rencontre plusieurs problèmes au niveau de la loi et de l'application de la réglementation. C’est la raison pour laquelle nous avons tenu à organiser cette année une rencontre-débat sur l'évaluation de la loi de la kafala qui a maintenant 10 ans», fustige Benslimane. Et de poursuivre «Il faut procéder à la révision de la loi actuelle qui régit la Kafala, pour plusieurs raisons, notamment pour simplifier sa procédure jugée trop longue et compliquée, ce qui amène les demandeurs impatients de la Kafala à abandonner leurs démarches à mi-chemin, uniformiser l’application de la procédure de la Kafala sur tout le territoire marocain, exiger l’intervention du tribunal en cas d'abandon répété de l’enfant par son Kafil, protéger les parents Kafils quand les parents biologiques veulent reprendre l’enfant et clarifier les conditions de nomination du deuxième Kafil en cas de décès du 1er et retour du Makfoul à l’orphelinat à défaut d'un nouveau Kafil». Par ailleurs les organisateurs ont profité de cette occasion pour présenter une nouvelle forme de Kafala au sein de la famille biologique.

D’après eux, le lieu normal d’un enfant est au sein de sa famille biologique qui l’aime et qui le protège, c’est pourquoi la kafala des enfants issus de familles pauvres, par la prise en charge de leur frais de scolarisation, des soins médicaux..., est une solution parmi d’autres pour prévenir l’abandon des enfants. Il a également été question lors de cet évènement de présenter l’état d’avancement des travaux du collectif associatif pour le droit de l’enfant à une protection familiale. «Le collectif associatif pour le droit de l’enfant à une protection familiale» s’est fixé l’objectif de favoriser la coordination entre nos associations pour réaliser des actions de plaidoyer efficaces et mobilisatrices. Cette initiative, lancée avec l’aide de l’UNICEF en juillet 2012, a abouti, le 22 février 2013, à la formalisation de la Charte de fonctionnement et à la définition des structures de notre Collectif.

Nous sommes actuellement au stade de l’élaboration du plan stratégique, une réunion est programmée pour le 10 janvier afin de nous pencher sur le sujet», a déclaré Asmâa Benslimane. À l’issue de cette quatrième édition du Salon de la petite enfance, plusieurs recommandations ont été formulées. Il s’agit, entre autres, de l’élaboration d’une stratégie nationale pour subvenir aux besoins des enfants privés de leurs familles et handicapés en même temps, de la prise en charge médicale adaptée aux spécificités de chaque cas d’enfant en situation de handicap, d'encourager le partenariat entre les secteurs public et privé et les programmes d’insertion des jeunes en situation précaire, de la création d’une institution centrale pour le suivi des enfants Makfouls au Maroc et à l’étranger et de prendre en considération les droits des parents Kafils et les obligations des enfants Makfouls…


Questions à Asmâa Benslimane, présidente fondatrice de l’Association «Bébés du Maroc» et coordinatrice générale du Salon de la petite enfance et de la Kafala.

«Les enfants qui restent dans les orphelinats deviennent à 80% des délinquants»

Que pensez-vous de la circulaire publiée par le ministère de la Justice et des libertés fin 2012 sur la kafala accordée aux étrangers ? Le 19 septembre 2012, le ministère de la Justice et des libertés marocain a émis une circulaire sous la référence N° 40 S/2, visant à rendre impossible la kafala des enfants marocains par des musulmans non-résidents au Maroc. Ce document a été adressé aux procureurs généraux près des Cours d’appel, et aux procureurs des tribunaux de première Instance. La société civile marocaine se pose les questions suivantes : • Quelles mesures de substitution le ministère de la Justice et des libertés a-t-il mises en place pour préserver l’intérêt supérieur de l’Enfant tel qu’il est défini par la législation nationale et internationale ?• Que dire également de ces milliers d’enfants qui attendent désespérément une famille dans des orphelinats dont la capacité d’accueil sera vite dépassée puisqu’on a 24 bébés abandonnés chaque jour soit 6 000 enfants abandonnés chaque année ?Sachant que les demandes de Kafala formulées par les familles marocaines sont trop peu nombreuses et que les enfants qui restent dans les orphelinats deviennent à 80% des délinquants, se suicident dans 10% des cas et ne sont socialement insérés qu’à raison de 10%, cette circulaire va aggraver la situation en mettant les centres dans l’incapacité de recevoir plus d’enfants et les réseaux parallèles de trafic en tous genres ne rateront pas cette opportunité de s’étendre.

Quels sont les derniers chiffres que vous avez concernant les bébés privés de leurs familles ?Selon l’étude : «Le Maroc des mères célibataires», tous les jours 153 bébés sont nés hors mariage, 24 d’entre eux seront abandonnés. Des chiffres terribles recueillis grâce à une enquête effectuée en 2010 par le cabinet Amers pour le compte de l’association Insaf. Selon une étude plus ancienne menée conjointement par la Ligue marocaine pour la protection de l’enfance et l’UNICEF, vers la fin de l’année 2009, sur le phénomène de l’abandon des enfants, un nombre important de bébés est abandonné à la naissance. En effet, les résultats de cette étude montrent que selon les données recueillies des statistiques officielles des ministères de la Santé, de la Justice et des structures de la société civile, le nombre d’enfants abandonnés s’élevait en 2008 à 4 554, soit 1,3% du total des naissances en cette année. En considérant que tous les abandons ne sont pas comptabilisés, ce taux est réévalué à 2% du total des naissances du pays, soit 6 480 enfants abandonnés à la naissance en 2008.

Lors du salon, il y a eu un trophée qui a été remis au représentant de la Fondation CDG. Parlez-nous de l'engagement de cette fondation. Vu que l’intervention de la Fondation CDG s’articule entre autres autour de l’appui aux programmes de protection de l’enfance et du soutien des orphelins et des enfants en situation précaire, elle nous a accompagnés financièrement depuis l’année 2010 pour nous permettre d’institutionnaliser le Salon de la petite Enfance et de la Kafala.

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