04 Octobre 2013 À 14:46
Comme celui de la naissance, le temps de la fin de vie est une étape à vivre en toute conscience et en toute humilité. Le but des soins palliatifs est de préserver la meilleure qualité de vie possible des malades en phase terminale, jusqu’à la mort, qui n’est ni hâtée, ni retardée. Selon l’OMS, l’Afrique ne compte que 12% de la population mondiale, néanmoins elle enregistre 80% des patients cancéreux en phase avancée de la maladie, 70% de malades atteints du Sida et 1,2 million de personnes meurent chaque année de tuberculose. Ces différentes maladies peuvent être très douloureuses pour le patient qui en l'absence de traitement n'a d'autre choix que de souffrir en silence, devant des proches totalement ahuris et impuissants. Les soins palliatifs, les traitements médicamenteux et le soutien psychologique sont donc indispensables à ces patients tant à leur famille.
Afin de sensibiliser l'Afrique à ce fléau, s'est tenue à Johannesburg du 17 au 21 septembre dernier la quatrième Conférence triennale de l'Association africaine des soins palliatifs (APCA). Lors de cette rencontre, l'accent a, naturellement, été mis sur l'urgente nécessité de promouvoir le traitement de la douleur et les soins palliatifs en Afrique tant par la formation de ressources humaines et l’accès aux médicaments que par la recherche scientifique et l’éducation des populations.
Ayant participé à ce rassemblement international, le professeur El Mati Nejmi, président de la Société marocaine des soins palliatifs et traitement de la douleur et membre du Board des directeurs de l'African Palliative Care Association (APCA), avait à cette occasion tiré la sonnette d'alarme. «Face à la progression fulgurante des maladies transmissibles et non transmissibles, telles que le cancer, le Sida, le diabète et les maladies neurodégénératives, les instances gouvernementales – au même titre que la communauté médicale, paramédicale et la société civile – sont vivement appelées à réévaluer les priorités de santé», avait-il alors déclaré. Traitement mis à part, ce dernier avait également insisté sur la nécessité de créer des cellules de soutien psychologique pour accompagner les malades, mais aussi leurs proches. «S’inscrivant dans cette optique et malgré les efforts consentis au Maroc en matière de douleur et de souffrance, les soins palliatifs méritent d’être davantage renforcés afin de mieux soutenir les patients et leurs familles confrontés à la gestion de maladies graves et chroniques, en soulageant les douleurs et les symptômes, et en apportant un soutien spirituel et psychologique depuis le moment où le diagnostic est posé, et ce jusqu’à la fin de la vie. Car avant d’être une obligation éthique et déontologique, une telle approche multidisciplinaire est avant tout un impératif moral directement lié aux droits de l’Homme», a-t-il rappelé.
De plus, il apparaît que la moitié des patients atteints de cancer arrive en phase terminale de la maladie sans en avoir été informés. «La maladie appartient au malade, d’autant plus qu’elle est grave. Ne pas l’en informer constitue une aliénation. Proposer à un malade de la chimiothérapie et de la radiothérapie sans l’informer de son cancer, c’est à la fois le considérer comme un ignorant et lui faire croire que son “cas” est si mauvais que l’on n’ose pas lui en parler. Les traitements, souvent lourds et traumatisants, ont plus de chances d’être suivis et bien supportés quand le malade en connaît les raisons, les complications et les effets de la maladie. Traité, soutenu moralement et encouragé, le malade peut survivre plus longtemps que prévu», a-t-il souligné.Et si certains patients prennent rapidement conscience que leur mort est imminente, cela n'est pas toujours le cas des proches. De plus, ceux-ci faisant partie intégrante de la vie du patient seront forcément impliqués dans la gestion de la maladie, que ce soit en administrant le traitement au malade, ou en s'occupant de lui pour le nourrir, le déplacer ou le changer.
Une épreuve donc souvent pénible pour les deux bords. «L’entourage a souvent du mal à gérer cet abandon silencieux qu’ils vivent comme un échec, mais qui réclame tout autant de présence, et plus de savoir-être que de savoir-faire», affirme le professeur El Mati Nejmi. Enfin, les membres de l'ACPA, une ONG active dans ce domaine depuis plus de dix ans, sont surpris de voir que les gouvernements œuvrent de leur mieux pour prévenir ces maladies, mais ne font rien pour les patients les ayant déjà contractées. «Pour les congressistes, le constat est surprenant en matière de douleur, de souffrance et de soins palliatifs. Si les gouvernements et les bailleurs de fonds travaillent en continu pour mettre au point des stratégies préventives, diagnostiques et thérapeutiques efficaces de lutte contre les maladies transmissibles et non transmissibles, paradoxalement ils oublient d’intégrer en tant que priorité sanitaire, l’amélioration de la prise en charge de la douleur et le développement de l’accès aux soins palliatifs aux personnes souffrant de conditions limitant l’espérance de vie, dans leurs systèmes de soins de santé actuels», se sont-ils interrogés.
Les soins palliatifs,pour qui et pour quoi faire ?Les soins palliatifs consistent à s’occuper de personnes qui ont une maladie incurable, à soulager leurs souffrances et à les soutenir dans les moments difficiles. Ils sont mis en place pour aider les patients (quel que soit leur âge) qui souffrent de cancer, de VIH, de maladies neurologiques évolutives, d’insuffisances rénales ou cardiaques graves, de maladies pulmonaires en phase terminale ou autres affections qui limitent l’espérance de vie.
Qu'est-ce qu'on trouve au Maroc en matière de soins palliatifs ? Leurs coûts ?Au Maroc, la première unité de prise en charge de la douleur et des soins palliatifs a vu le jour début 1995 à l’Institut national d’oncologie de Rabat. De plus, le Plan national de prévention et de traitement du cancer lancé en 2010 par la Fondation Lalla Salma de prévention et de traitement du cancer contient treize mesures en rapport avec les soins palliatifs. Une équipe mobile spécialisée en la matière est, depuis quelques mois, opérationnelle à Rabat. Enfin, la première unité des soins palliatifs et de traitement de la douleur dans le secteur privé vient d’ouvrir récemment ses portes à Casablanca. Néanmoins, malgré toutes ces initiatives, il est navrant de constater que les autorités de tutelle n’ont toujours pas institutionnalisé la prise en charge de la douleur et l’enseignement des soins palliatifs au niveau des facultés de médecine et des hôpitaux. Pour ce qui est du coût des traitements, aucun travail ne l’a pour le moment évalué. Il est néanmoins compréhensible que le soulagement adéquat des douleurs, la diminution des séjours inutiles en hôpital et le développement de l’hospitalisation à domicile ne puissent que contribuer à une diminution de la facture des soins de santé.
Comment aider les patients à affronter la mort ? Et en sont-ils conscients ?Plusieurs enquêtes menées dans le grand public et dans les milieux hospitaliers auprès de grands malades ont rapporté que près de 90% des personnes désirent être informées de la gravité de leur état. Or, il semble que près de la moitié (depuis quelques années ce nombre diminue régulièrement) des malades atteints de cancer arrive à la phase terminale de la maladie sans avoir été informés.