21 Août 2013 À 15:14
Le travail des enfants n'a pas totalement disparu en Europe et pourrait même se développer sous l'effet de la crise économique, estime le commissaire aux droits de l'Homme du Conseil de l'Europe, Nils Muiznieks. «Je suis très préoccupé par le peu d'attention que l'on accorde aux dangers du travail des enfants en Europe. Dans la plupart des pays, les responsables sont conscients du problème, mais rares sont ceux qui sont prêts à s'y attaquer. Le seul fait que chiffres et données sont très approximatifs, voire pratiquement inexistants, est déjà inquiétant», écrit-il dans un article publié sur le site du Conseil.
«Si le travail des enfants est un phénomène grave, c'est aussi parce qu'il perturbe leur scolarité : leurs résultats ne tardent pas à s'en ressentir et beaucoup d'enfants finissent par décrocher. Cela ne fait que perpétuer le cycle de la pauvreté. Le seul moyen pour un pays de se développer est d'appliquer une politique de l'enfance qui donne la priorité à l'éducation sur le travail», poursuit-il. «Les personnes vulnérables sont toujours touchées de manière disproportionnée en période de difficultés économiques. Il n'est donc pas étonnant que le ralentissement de la croissance se traduise par une augmentation du travail des enfants. La récession a conduit de nombreux pays européens à réduire de manière drastique le budget de l'aide sociale. Face à la montée du chômage, bien des familles ne trouvent plus d'autre solution que de faire travailler leurs enfants», soutient-il.
Le commissaire cite à cet égard les chiffres de l'Unesco affirmant qu'en Géorgie 29% des enfants travaillent, alors qu'en Albanie cette proportion est de 19%. Les estimations gouvernementales en Russie avancent le chiffre d'un million d'enfants et, en Italie, une étude de juin 2013 indique que 5,2% des mineurs de moins de 16 ans travaillent. Le commissaire aux droits de l'Homme relève qu'en Europe, des enfants sont employés dans des activités extrêmement dangereuses dans les secteurs de l'agriculture et du bâtiment, dans de petites fabriques ou dans la rue. Ce phénomène a été observé, par exemple, en Albanie, en Bulgarie, en Géorgie, en Moldova, au Monténégro, en Roumanie, en Serbie, en Turquie et en Ukraine. Dans l'agriculture, les enfants peuvent être affectés à des tâches qui impliquent d'utiliser des machines et des outils potentiellement dangereux, de soulever de lourdes charges ou encore de répandre des pesticides nocifs. Travailler dans la rue expose les enfants aux abus et à l'exploitation.
En Bulgarie, le travail des enfants est apparemment très courant dans l'industrie du tabac, où des enfants peuvent travailler jusqu'à 10 heures par jour. En Moldova, des contrats auraient été signés entre des directeurs d'établissements scolaires et des fermes ou des coopératives agricoles, en vertu desquels les élèves doivent participer aux travaux de récolte, affirme-t-il, en mettant en garde contre le risque de développement de ce phénomène dans d'autres pays européens, durement frappés par des mesures d'austérité, tels que Chypre, la Grèce, l'Italie et le Portugal.
Au Royaume-Uni, soutient-il, de nombreux enfants auraient également des horaires de travail très lourds et dans toute l'Europe, les enfants Roms sont particulièrement menacés, tout autant que les migrants non accompagnés de moins de 18 ans, originaires de pays en développement.Le responsable européen souligne qu'il est urgent que les gouvernements s'intéressent de près au problème du travail des enfants, en réalisant des études, en collectant des données et en suivant l'évolution de la situation.