21 Décembre 2013 À 16:14
La nouvelle loi sur l’immobilier locatif est rassurante. C'est du moins ce que pensent des avocats que nous avons interrogés. Selon Saïd Riafi, avocat au barreau de Mohammedia, la nouveauté de ce texte est qu’il a institué l’obligation pour le propriétaire et le locataire de signer un acte écrit pour pouvoir conclure l’opération de location du bien immobilier. «Cela aura au moins l’avantage de réduire le nombre d’affaires devant la justice», souligne Riafi. Un argument que soutient d'ailleurs le ministre de l’Habitat et de la politique de la ville, Nabil Benabdellah.Mais quels sont les différends qui reviennent le plus entre locataire et propriétaire ? Le non-paiement des échéances est assurément le conflit N°1. Riafi indique que sur l'ensemble des jugements prononcés par les tribunaux du Royaume dans ce genre d'affaires, les verdicts concernant le non-paiement des échéances par le locataire. Suivent les occupations illégales et les réparations des biens objets de la location sans accord préalable du propriétaire.
À en croire notre avocat, les dossiers portant différend entre propriétaire et locataire pèseraient entre 25 et 30% de l’ensemble des affaires portées devant la justice. Brahim Rachidi, avocat au barreau de Casablanca, confirme que les affaires les plus récurrentes sont relatives au non-paiement du loyer et pour lesquelles le tribunal doit se prononcer pour une injonction de paiement au profit du propriétaire. «En cas de défaillance du locataire, le tribunal lui accorde un délai de 7 mois avant de prononcer un verdict portant injonction de paiement», précise Rachidi. Pour lui, cela est dû essentiellement au fait que le locataire ne peut pas parfois respecter les échéances de paiement convenues avec le propriétaire après les deux ans de location parce que le loyer augmente. «Cette augmentation qui est calculée sur la base du taux d’inflation et dont la valeur est comprise entre 7 et 9% étrangle le locataire qui, en conséquence, accuse des retards dans l’acquittement de ses mensualités. D’où le différend avec le propriétaire qui – pour recouvrer ses droits – porte l’affaire devant la justice», détaille-t-il. Et le délai moyen de la procédure ? Difficile d’avancer un chiffre, selon Rachidi, pour la simple et bonne raison que cela dépend de plusieurs facteurs. «Si la procédure accuse des retards, c’est que le tribunal concerné est à court de moyens humains. Exemple, la Cour d’appel de Casablanca où des dossiers traînent sur les bureaux depuis des années», explique Rachidi.
Pour Youssef Marssoud, également avocat au barreau de Casablanca, le délai moyen d’une procédure judiciaire dans un conflit propriétaire/locataire est d'environ deux ans. Si les tribunaux grouillent de dossiers sur ce genre de conflits, c’est que l’arsenal juridique en vigueur n’est pas efficace. «En l'absence de confiance, il n’y a pas jusqu'alors d’équilibre entre les parties au contrat de bail. Cela explique d’ailleurs l’envolée des loyers, les propriétaires craignant les dédales de la justice en cas de conflit avec le locataire s’abstiennent de mettre leurs biens en location.
La preuve, des milliers d'unités d’habitation sont actuellement vacantes, selon les statistiques du ministère de l’Habitat», développe Marssoud. En plus, ajoute-t-il, quand le jugement est prononcé, il n’oblige nullement le locataire à s’acquitter du cumul des mensualités auprès du propriétaire. «Du coup, le locataire ne craint guère le recours à la justice par le propriétaire. Parce qu’il sait très bien que, d’abord, l’affaire traînera deux ans, puis même si le verdict est prononcé à son encontre, il ne sera pas obligé de payer quoi que ce soit. Il sera juste sommé de quitter les lieux», affirme Marssoud.Pour notre avocat, la nouvelle loi vient donc mettre de l’ordre dans ce secteur exposé à moult incohérences. «Parmi les nouvelles dispositions qu’a apportées ce texte, il y en a une (article 57) qui concerne les biens immobiliers loués, mais inoccupés par le locataire. Le texte donne le droit au propriétaire de récupérer son bien au cas où le locataire ne le fréquenterait pas dans une période de six mois, à condition bien sûr que ce dernier le vide de toutes ses affaires.
Mais quand le locataire s’acquitte de ses mensualités régulièrement, le propriétaire n’a pas le droit de l’en dissuader», souligne Marssoud. C’est une grande avancée, fait-il valoir, parce qu’avant le locataire pouvait acheter un logement et garder en même temps le bien immobilier en location sans toutefois payer le propriétaire. Avec le nouveau texte, le locataire ne peut plus se permettre un tel abus.