29 Avril 2014 À 17:30
«L’AVC de mon mari a été un événement qui a totalement bouleversé notre vie», raconte Naïma, 54 ans. Pourtant son époux, Abderrahmane, de 4 ans son aîné, ne semblait pas être prédisposé. «C’était un grand sportif qui menait un mode de vie sain», se rappelle-t-elle.
L’accident est survenu alors que son mari jouait avec leur fils de douze ans. «En chahutant un peu trop, mon mari, dont les os ne sont plus aussi solides, s’est cassé le col du fémur». Jusque-là rien d’alarmant, il ne s’agit que d’une simple fracture. Une prothèse de hanche lui a été mise et il a dû rester dans un fauteuil roulant. Quatre mois plus tard, il remarchait normalement. «Mais un mardi après-midi, en rentrant d’une séance de rééducation, il m’a dit qu’il ne contrôlait plus son bras et qu'il avait dû le prendre pour le placer sur le volant…», se souvient l’épouse. Ils ont alors pris immédiatement rendez-vous avec leur médecin traitant qui leur propose de venir le lendemain après-midi. «Pour nous, il n’y avait rien d’urgent, nous pensions juste qu’il avait une crampe ou que sa rééducation l’avait trop fait travailler…», affirme Naïma. Mais le couple de quinquagénaires se trompait.
Le lendemain matin, Abderrahmane pouvait marcher, mais bavait et ne pouvait pas prendre son café : premier AVC. Le temps que les secours arrivent, il avait fait un deuxième AVC. À son arrivée à l’hôpital, il était paralysé. «À l’examen, on lui a diagnostiqué "un foramen ovale perméable", pour reprendre les termes du compte-rendu médical, probablement causé par un caillot qui serait parti vers le cerveau».Après cet épisode, l’enfer a continué pour le couple. «Abderrahmane a eu beaucoup de complications : une embolie, 6 crises d’épilepsie et une fracture de sa prothèse de la hanche préalablement posée ce qui l’a ramené au fauteuil roulant», dénombre Naïma.
Deux ans plus tard, Abderrahmane a quitté son fauteuil roulant. Il se déplace aujourd’hui avec une canne et garde des séquelles physiques et psychologiques de cet accident. Le plus difficile pour Naïma a été d’assister, impuissante, au changement de la personnalité de son époux. «Avant l’AVC, il avait beaucoup d’humour, mais après il est devenu impatient, et supportait mal les maladresses de ses proches». De même, Naïma dormait très mal et vivait dans la crainte de voir son mari faire une nouvelle crise. Sans compter le bouleversement social auquel le couple a dû faire face. «Le passage de mon mari en fauteuil roulant a été un traumatisme, un sentiment de dépendance, ne rien pouvoir faire sans l’autre…». Et avec une personne handicapée, il faut se rendre à l’évidence, tout se fait à deux : le passage aux toilettes, la douche, l’habillage, le couchage, le transport… «Bien que l’on soit mari et femme il y a des moments où l’on a plus ou moins besoin d’intimité…», conclut-elle finalement.
«Lorsque le patient a eu des problèmes avec la motricité de son bras, c’était déjà une urgence !» explique le Professeur Khalid Yaqini, médecin-urgentiste du CHU Ibn Rochd à Casablanca rappelant qu’un AVC n’est jamais à prendre à la légère. En effet, il représente dans certains pays la troisième cause de mortalité quand il n’est pas classé premier ! Par ailleurs, «10 à 20% des patients décèdent 72 heures à un mois après leur premier AVC, 20% restent institutionnalisés et la moitié des autres ont des séquelles physiques ou relationnelles importantes). Ainsi 30% des AVC à évolution sévère ont présenté un ou des accidents régressifs dans la semaine précédant la survenue de cet AVC. Au Maroc, la prévalence des AVC est de 300 pour 100.000 habitants (environ 4%), selon une enquête épidémiologique réalisée à Rabat et à Casablanca en 2010».
De plus, il peut parfois passer inaperçu ou négligé par les patients surtout quand les crises ne durent que quelques minutes. C’est pourquoi il est primordial de connaître les cinq signes qui ne trompent pas : l’apparition subite d’une paralysie ou d’un engourdissement du visage, d’un bras ou d’une jambe, des troubles de la vue, de l’élocution ou même de compréhension ainsi que de violents maux de tête.
«Lors d’un AVC, chaque minute qui passe équivaut à deux millions de neurones perdus»
Qu’est-ce que l’AVC ?Un accident vasculaire cérébral se caractérise par une perte subite des fonctions cérébrales imputable à une interruption du débit sanguin vers le cerveau à la suite d'un accident vasculaire cérébral ischémique (causé par la formation d'un caillot de sang) dans 80% des cas ou d’une hémorragie cérébrovasculaire (causée par la rupture d'un vaisseau et un saignement consécutif dans ou autour du cerveau) pour les 20% restants. Ainsi, les cellules nerveuses alimentées par ces branches sont privées soudainement d'oxygène et de sucres, ce qui provoque en quelques minutes leur détérioration ou leur mort. Chaque minute qui passe voit la destruction de deux millions de neurones. C‘est pourquoi il faut réagir et vite !
Comment reconnaître un AVC ?Les symptômes d'un accident vasculaire cérébral apparaissent soudainement, et ne durent que quelques minutes ou quelques heures, mais rarement plus de 2 jours. Tout le monde devrait pouvoir reconnaître les 5 principaux symptômes d'un accident vasculaire cérébral et solliciter immédiatement des soins médicaux si l'un de ces symptômes survient. Les principaux signes cliniques de l’AVC sont la perte de la sensibilité d'un bras, d'une jambe, de la face ou de tout un côté du corps. Une perte de la motricité et de la force d'un bras, d'une jambe, de la moitié du visage (déviation de la bouche) ou de la totalité d'un côté du corps peut être observée. Ce déficit peut être total ou partiel. La personne peut également avoir des difficultés à trouver les mots ou à les exprimer, une difficulté soudaine à parler (paraphasie), à bouger la langue voire l’impossibilité d'avaler sa salive. Elle peut rencontrer un trouble soudain de l'équilibre et de la marche, pouvant conduire à sa chute. Sa vision peut être troublée : perte soudaine de la vue, vision double ou trouble, sensation d’éblouissement ou perte de la vision des couleurs. Enfin chez certains patients on a pu voir apparaître de violents maux de tête.
Quels sont les facteurs de risque ?Bien que 30% des AVC ischémiques restent inexpliqués, on explique généralement sa survenue par un durcissement des artères : l'athérosclérose. Des dépôts graisseux (la plaque d'athérome) envahissent l'intérieur des vaisseaux sanguins, les carotides en particulier, mais aussi celles irriguant le cœur et les jambes. De même, une pression artérielle anormalement élevée ou des anomalies des vaisseaux sanguins sont les principales causes d’AVC hémorragiques. De nombreux autres facteurs de risques semblent non négligeables. À commencer par l’âge, l’inactivité physique, le tabagisme, les personnes cardiaques, diabétiques ou ayant des antécédents familiaux d’AVC. Il paraitrait également que les hommes soient plus concernés que les femmes (non ménopausées) et bien sûr si la personne a déjà fait un AVC on estime à 30% son risque de rechute dans les cinq ans.
Quel traitement après un AVC ?Une hospitalisation est nécessaire. On administrera au patient un traitement par anticoagulants si l’accident n’est pas trop important ou de l’aspirine en cas d’ischémie : l'aspirine, à petites doses, réduit de près d'un cinquième le risque de survenue d'un nouvel accident. On peut aussi avoir recours à un traitement antihypertenseur. Il doit permettre cependant de maintenir une pression artérielle minimale afin d'assurer une perfusion optimale du cerveau. Un traitement neurochirurgical peut être envisagé dans les cas particuliers et rares, d'hémorragie cérébrale, d'infarctus cérébelleux et d'infarctus hémisphérique malin.
Les médicaments thrombolytiques permettant la dissolution d'un caillot sont utilisés en cas d'accident vasculaire cérébral d'origine ischémique et doivent être administrés idéalement dans les 90 minutes et au maximum moins de 4 h 30 après les premiers symptômes, la rééducation après un AVC fait partie intégrante du traitement. Selon les cas : kinésithérapie, orthophonie, régime alimentaire et activité physique adaptée. L'accompagnement médico-social en cas de séquelles est également une part importante du projet de vie après un accident vasculaire cérébral.