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Réflexion sur la relation entre le cinéma et la télévision

Dans la série de ses activités annuelles, l’Association marocaine des critiques de cinéma a organisé, les 25 et 26 avril à la Bibliothèque nationale, le colloque «Cinéma et Télévision», avec la participation de différents intervenants, notamment des chercheurs et professionnels du secteur.

26 Avril 2014 À 12:56

Tout le monde a été unanime sur l’intérêt d’organisation de ce colloque, dont l’idée mûrissait chez les membres de l’Association depuis déjà 5 ans. «Ce débat autour du thème “Cinéma et Télévision” vient à point nommé pour accompagner la réflexion concernant le soutien de la production, que ce soit pour le cinéma ou la télévision, et tous les efforts déployés pour ce faire, en essayant de cristalliser les conditions adéquates afin que ce soutien soit plus édifiant. C’est, également, l’occasion pour trouver un terrain d’entente entre les deux pôles, en ce moment où la révolution technologique bat son plein. Un point qui ne peut trouver sa résolution qu’à travers une politique de formation dans le domaine du cinéma et l’audiovisuel», souligne le ministre El Khalfi dans son allocution d’ouverture. Est-ce qu’il y a une différence entre le film cinéma et celui de la télévision ? Quel est leur public respectif ? ...

Et bien d’autres questions qui ont été évoquées au cours de ces deux journées pour cerner le sujet de tous les côtés et répondre à certaines interrogations devenues cruciales en ce moment d’invasion de l’Internet.«Ce colloque est intéressant à plus d’un titre, car parler du cinéma et de la télévision dans un langage différent, par rapport au langage des chiffres, de la production, des conflits, des cahiers des charges, c’est une bonne chose pour le Maroc. C’est bien de situer un débat de fond sur la relation entre les deux domaines : est-elle artistique et complémentaire, ou non ? Surtout lorsqu’on sait que la TV, il y a 20 ans, avait été considérée comme un ennemi du cinéma, et qu’aujourd’hui, nous savons qu’à travers le monde celle-ci est pourvoyeuse de fonds pour la production cinématographique. Il y a certainement une mutation qui s’est passée, un changement. Mais, pour le Maroc, honnêtement, je crois que nous sommes encore un peu loin en comparaison avec l’Europe et les États-Unis où les séries ont pris le pas et sont devenues plus importantes que les films. Ce qui est intéressant c'est de réfléchir sur la relation future, dans notre pays, entre la TV et le cinéma», explique le cinéaste et producteur, Saâd Chraibi. «Regarde-t-on une série comme un film ?» a été, ainsi, le titre de la conférence inaugurale tenue par François Jost, professeur à la Sorbonne Nouvelle Paris-III, qui a essayé d’expliquer la portée populaire de chacun des médias, tout en se focalisant sur le modèle français, qu’il connaît le plus. Il a montré son penchant, ces dernières années, pour les séries américaines. Un constat qui dérange un peu les Français sans pour autant toucher le quota imposé par l’État. «Avec l’arrivée de l’Internet, la donne a changé. Mais, on constate que c’est rare qu’un média tue l’autre. Il y a une lutte interminable entre les opérateurs. Parallèlement à cela, au lieu de penser à ce qui sépare les séries des films, il faut voir la différence entre les spectateurs du cinéma et ceux de la TV, ce qui rapproche les séries des films et ce qui les écarte. Et voir pourquoi les séries prennent le devant sur les films». Selon le professeur François Jost, les séries sont plus proches de notre quotidien, alors que chaque film est un nouveau voyage et une nouvelle réflexion. «La série repose plus sur la curiosité que le suspens. Elle instaure une relation particulière entre le personnage et le téléspectateur. Ce qui nous invite à changer nos regards de la cinéphilie à la “sériphilie”. Mais, il n’en reste pas moins que la question reste du côté du récepteur».

Un point de vue qui n’a pas été partagé par toute l’assistance, dont certains pensent que les données relatées par le conférencier reflètent uniquement le modèle français qui est loin de ressembler à celui du Maroc, dont le public cherche à retrouver sa société et son identité. «Je préfère, en comparant les séries aux films, aller vers le concret le plus influent, le plus flagrant et le plus efficace. Les séries diffèrent selon qu'elles émanent du Maroc, de l'Égypte, des États-Unis, de la Corée du Sud, ou de la Chine parce qu’elles appartiennent à des cultures totalement différentes. Les séries sont les armes les plus dangereuses actuellement pour mener la guerre à l'échelle du globe. Pour moi, la différence la plus profonde concerne la temporalité : à travers le cinéma, ce sont quelques minutes qu’un visiteur nous consacre qui risquent de nous imprégner à jamais. Alors que les séries, même les plus fortes, restent un locataire provisoire qui finit par nous habiter et nous déloger», affirme le professeur, chercheur, scénariste et critique, Driss El Korri.

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