05 Février 2014 À 17:14
Que ce soit pour la monétique ou l’e-commerce, 2014 est incontestablement l’année de tous les changements. Si jusqu’en 2013, Maroc Télécommerce (MTC) était la seule plateforme e-commerce disponible sur le marché aux côtés d’Ogone qui traite avec tout les établissements de la chaîne Accor dans le Royaume, le 9 janvier a marqué l’arrivée de son premier concurrent : Vantage Payment Systems (VPS). Et ce n’est pas fini. Deux autres concurrents sont en pleine préparation pour pénétrer le marché : Fast Payment et M2T. Côté monétique, une petite révolution se prépare aussi. Le Centre Monétique Interbancaire (CMI) aura bientôt sont premier, et non dernier, concurrent. Il s’agit de M2M SPS (Secure Payment Services). Lequel a déjà l’agrément d’acquéreur monétique octroyé par Bank Al-Maghrib (BAM) depuis juin 2012. M2M SPS n’est autre que la filiale de l’éditeur mondial des applications monétiques M2M coté à la bourse de Casablanca. M2M SPS, qui a donc le même statut que le CMI, va pouvoir traiter des transactions de paiement, mais aussi émettre des moyens de paiement une fois qu’il aura bouclé toute la procédure pour être opérationnelle.
Au milieu de toutes ces ouvertures, le projet de nouvelle loi bancaire, toujours dans le circuit législatif, prévoit le statut d’opérateur de paiement. Celui-ci suppose un agrément spécial, avec un cahier des charges dédié. Une fois que ce projet de texte sera adopté (BAM prévoit son adoption au plus tard au second semestre 2014), le champ des acquéreurs monétiques se verra aussi ouvert à la concurrence. Le potentiel est donc bien réel, une ouverture sur deux fronts au moins. Un opérateur monétique comme le CMI est un acquéreur de commerçants, il est aussi émetteur de cartes bancaires. Ce terrain sert de switch pour ce que l’on appelle un prestataire de services de paiement (PSP : Payment Service Provider). MTC ou VPS permettent, entre autres, aux sites marchands de se connecter à l’opérateur monétique de manière sécurisée. Ce dernier doit donc absolument pouvoir protéger les données bancaires du client (numéro de la carte, le CVV code - Card Verification Value -… etc). Le champ d’un acquéreur monétique et celui d’une PSP sont donc fortement dépendants, mais seul l’opérateur monétique est soumis à un agrément de Bank Al-Maghrib. Il est, de ce fait, en mesure de donner ou pas, son accréditation à chaque nouveau prestataire de service technique. Un cahier des charges, une caution et une infrastructure technique sécurisées figure parmi les conditions qui favorisent, ou pas, l’arrivée d’un nouvel entant. VPS a été homologuée par le CMI en décembre dernier. L’entreprise offre désormais des services certifiés par Visa et MasterCard et selon les normes de sécurité exigées, notamment celles de l’industrie de la carte bancaire ou ce que l’on appelle le Payment Card Industry Data Security Standard (PCI DSS).
A travers sa plateforme Payzone, l’entreprise mise avant tout sur la sécurité des transactions dans cette relation tryptique qui lie consommateurs, e-marchands et acquéreurs de paiements (CMI et banques marocaines et internationales). Avec le lancement de sa plateforme Payzone, VPS décline une stratégie claire : «Nous sommes un opérateur de services de paiement multi-canal pour le B2C, le B2B et l’e-Gov. L’e-commerce est pour nous un canal important et stratégique. L’offre Payzone est venue pour donner aux e-marchands et aux facturiers un choix de plateforme, une flexibilité d’offre et une avancée technologique», soutient Ali Bettahi, PDG de VPS. L’entreprise table également sur l’ouverture du marché des acquéreurs monétiques, pour s’y faire une place.
Pour sa plateforme Blue TFS, Fast Payment voudrait, pour le moment, vendre ses services avec une commission plutôt basse. «Notre offre sera la plus performante du marché; elle propose une commission de 0,25% et respecte les normes de sécurité les plus performantes», souligne Younes Azzenoud, PDG de Fast Payment S.A., qui affiche ses ambitions. «En 2014, nous tablons sur 500 sites e-commerce et plus de 1.000 professionnels entre les secteur du tourisme et l’offshoring, car nous disposons de nos propres solutions métiers qui nous distinguent de la concurrence». Comme nous l’avions annoncé dans une précédente édition, Fast Payment confirme que l’interfaçage avec le CMI sera lancé ce mois de février.
Rappelons que, selon le bilan 2013 du CMI, le nombre d’e-commerçants affiliés atteint 816 sites. Pour sa part, le paiement en ligne via cartes bancaires auprès de ces marchands a connu une progression de 81,8% en passant de 752,3 millions de DH en 2012 à près de 1,4 milliard l’année suivante. Mais détrompez-vous, comme le souligne Mourad Mekouar, PDG de M2T, le marché est encore à un stade «embryonnaire», surtout comparé à des pays comme l’Egypte et les Emirats Arabes Unis. D’où son fort potentiel. Quelles sont alors les aspirations de M2T pour sa plateforme AmanPay® ? «Nous souhaitons être l’un des acteurs qui permettront de multiplier le nombre de sites opérant au Maroc et nous nous donnerons les moyens d’y arriver», nous déclare Mekouar. La solution AmanPay® semble tabler sur son capital image sur le marché des multiservices de proximité (10 ans d’existence) pour s’attaquer à celui des PSP. «AmanPay® profite de l’expertise de M2T et de son réseau de plus de 1.300 points services Proximo-Tasshilat, pour permettre aux internautes d’acheter sur la Toile, notamment en payant par espèces. Tous les e-marchands affiliés à AmanPay pourront, dès l’intégration de notre solution sur leur site, accepter les paiements par cartes mais aussi par cash dans l’un de nos points services, tout en gardant la même interface de gestion qu’ils utiliseront pour gérer les paiements en ligne», explique le PDG de l’entreprise.
A part Fast Payment et M2T, aucun autre opérateur ne serait sur la liste pour intégrer le marché cette année. A en croire Ismail Bellali, DGA du CMI, le marché des PSP «a fait le plein». Dans cette nouvelle configuration du marché, la bataille s’annonce rude. Surtout que tout reste à faire, selon de nombreux opérateurs. «Le e-commerce est un secteur en plein essor, avec une croissance très importante ces dernières années, mais nous pensons que nous avons devant nous une dizaine d’années de fort potentiel et d’innovations en termes de modèle économique et de types de commerce qui peuvent adopter le canal web», précise Bettahi. Même son de cloche pratiquement auprès de Nabil Sebti, directeur associé de Mydeal.ma. «Le potentiel du e-commerce est réel. Il y a évidemment des freins structurels à son développement et en particulier l’état des systèmes d’information, des infrastructures et de la logistique.
Preuve de ce potentiel, l’intérêt porté par de grands groupes internationaux comme Rocket Internet, Schibsted Classified Media (Bikhir.ma) ou encore Avito. L’appétit de quelques bailleurs de fonds qataris et de la région MENA est à cet égard tout aussi révélateur de ce potentiel qui est lié à des configurations sociales, économiques et géographiques propres au Maroc et à d’autres pays de la région». Pour ce jeune dirigeant, l’arrivée de ces nouveaux acteurs (VPS, Fast Payment, M2T et M2m SPS) va apporter une dynamique concurrentielle qui ne peut que servir le marché tant sur les aspects coûts que services. «Elle va aussi mettre fin à quelques conflits d’intérêts liés à l’agrégation de métiers différents comme l’acquisition versus la compensation. Parallèlement, je pense que cela va dans le sens de l’inclusion financière de certaines catégories de population et en particulier les populations rurales», poursuit-il. Najoua Bensouda, Responsable marketing à la Société Générale, abonde dans le même sens. «L’évolution de la monétique est marquée par une croissance soutenue. Il reste cependant du chemin à faire. Certes, nous comptons sur la place à peu près 10 millions de cartes bancaires, mais toutes ne sont pas actives en termes de paiement. L’activité e-commerce connait quant à elle une évolution exponentielle, +220% entre 2010 et 2013, mais elle est tirée principalement par le lancement de nombreux sites (deals, voyages, malls en ligne…) et par l’évolution du comportement du consommateur. Les perspectives d’évolution sont donc très importantes». Du business dans l’air!