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De l’intangibilité des frontières

Le référendum qui a débouché sur la proclamation de l’indépendance du Sud-Soudan constitue la première entorse au sacro-saint principe de l’intangibilité des frontières issues de la colonisation. La Cour internationale de justice dans l'arrêt le définit ainsi : «Le principe de l'intangibilité des frontières vise avant tout à assurer le respect des limites territoriales d'un État au moment de son indépendance».

29 Janvier 2014 À 15:13

Dans son numéro de février 2011, Le Monde diplomatique rappelle que : «Depuis 1963 et la création de l’Organisation de l’unité africaine (OUA), il était admis que les délimitations, parfois absurdes, imposées par les puissances coloniales entre 1885 et 1926 ne sauraient être contestées. Une seule entorse avait été reconnue : l’indépendance de l’Érythrée en 1993. Mais l’exception n’était qu’apparente puisqu’il s’agissait en fait d’un territoire colonisé par l’Italie, puis confié par les Nations unies (ONU) à l’Éthiopie en 1952 (…) Les tentatives de sécession du Katanga (ex-Congo belge) en 1961 et du Biafra (Nigeria) en 1967 s’étaient quant à elles heurtées à un rejet radical de l’OUA et de l’ONU.» Pour sa part, Abderrahim El Maslouhi, professeur à la Faculté de droit de Rabat-Agdal et conseiller auprès du Centre des études internationales, souligne que les annales du droit international foisonnent de dogmes controversés qui peinent à faire l'unanimité de la Communauté des juristes comme, du reste, celle des gouvernements. «Le dogme de l'intangibilité des frontières héritées de la colonisation fournit une illustration caractéristique de ce phénomène».

«Ils dévastent leur propre maison»

«Il y a un malaise africain face à cette indépendance, parce qu'elle rompt une tradition (l'intangibilité), et parce qu'elle semble due à la pression des États-Unis. Cela est perçu comme si c'était un Berlin II, où des puissances occidentales découperaient à nouveau l'Afrique», estime Roland Marchal, chargé de recherche au Centre nationale de la recherche scientifique français et enseignant à Sciences Po Paris, cité par Abderrahim El Maslouhi.

À une question qui lui a été posée par Radio France International quant à la faille du processus politique et de la création du Soudan du Sud, le chercheur français a répondu : «Sur le court terme, ce qu’on voit, c’est que la communauté internationale s’est un peu fait piéger par ses bons sentiments. C'est-à-dire qu’on a pensé finalement que l’indépendance était la seule solution puisque Khartoum ne se conduisait pas le mieux possible, et on ne s’est pas rendu compte que, peut-être, en donnant l’impression aux dirigeants du MPLS, en les reconnaissant comme victimes de l’histoire, on leur donnait un blanc-seing pour agir. Et pas pour agir simplement vis-à-vis de Khartoum (…) mais également, vis-à-vis de leur propre population. Et là, c’est assez terrible parce qu’il y a beaucoup plus de gens qui meurent au Soudan du Sud qu’ailleurs, dans ce qui était le Soudan du Nord, soumis à un régime très dur». Un des spécialistes impliqués dans le processus qui a mené à la paix de 2005 a confié au quotidien français «Le Monde» : «Tous les acteurs internationaux étaient tellement obsédés par l'idée d'une nouvelle guerre nord-sud après l'indépendance qu'ils ont refusé d'entendre les sonnettes d'alarme, alors que leurs petits protégés, à Juba, étaient en train de dévaster leur propre maison». C’est donc avec ceux qui «dévastent leur propre maison» et ceux qui agissent contre «leur propre population», selon les analystes, que les autorités du Sud-Soudan veulent, en juin 2011, établir des «relations diplomatiques» avec les séparatistes de nos provinces du Sud, «en conformité avec les principes et objectifs énoncés dans l’Acte constitutif de l’Union africaine», balayant par là même le principe de l’intangibilité des frontières comme énoncé par cette même Union africaine.

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