14 Mai 2014 À 11:31
Le Matin éco : Comment se porte la production cinématographique au Maroc ?Abderrazzak Zitouny : La crise économique mondiale a certainement eu un impact sur l’affluence des productions étrangères au Maroc, en général, et à Ouarzazate, en particulier. Cette baisse est intervenue entre 2009 et 2011. Les studios américains ont longtemps financé leurs films avec l’argent de Wall Street et des banques étrangères, allemandes notamment. Hollywood vivait alors à crédit, n’utilisant ses fonds propres qu’à de rares occasions. Cet âge d’or a pris fin avec la crise économique de 2008. Les studios ont dû mettre la main à la poche et des coupes budgétaires spectaculaires ont été effectuées sur les grandes productions. Il faut savoir que les plus grandes productions étrangères qui viennent tourner à Ouarzazate sont en grande partie d’origine américaine. Le Maroc demeure, malgré tout, la première destination arabe et africaine des investissements liés au septième art. En 2012, une nette amélioration a été ressentie : 29 productions étrangères au Maroc, dont 25 longs métrages (dont 10 à Ouarzazate), 3 séries télévisées (dont 2 à Ouarzazate) et 1 téléfilm également tourné à Ouarzazate. En 2011, ce sont 19 productions étrangères qui ont été tournées au Maroc. Bref, le tournage au Maroc et à Ouarzazate connait un rythme crescendo depuis 2012.
L’année 2013-2014 est une bonne année pour l’industrie cinématographique à Ouarzazate. Plusieurs productions étrangères et notamment américaines ont regagné les territoires marocains et ceux d’Ouarzazate. D’ailleurs, rien qu’à cette ville 8 productions étrangères ont été tournées depuis le début de cette année. Il s’agit notamment des grandes productions avec des stars comme Nicole Kidman pour le film «Queen of Desert», Tom Hanks dans «Hologram of king» et plusieurs productions de séries télé comme «Le transporteur», «Atlantis», «Games of thrones» et «La Bible». Notons que des studios hollywoodiens de renommée investissent avec des budgets consistants, actuellement la Fox y est présente pour «Hieroglif» et Sony Pictures pour le film «Red Tent».
Le Maroc a bénéficié de l’agitation dans d’autres pays d’Afrique du Nord, puisque la sécurité dans le pays a toujours été un facteur majeur pour l’attraction à la fois des touristes, mais aussi des productions étrangères. Il faut ajouter à cela le rôle du Centre cinématographique marocain (CCM) et de Ouarzazate Film Commission. Ces acteurs sont présents dans les Salons et événements liés à l’industrie cinématographique – Cannes, Los Angeles, Film Market, Berlin… – afin d’assurer la promotion de la destination.Et ce n’est pas tout. D’autres mesures sont prises par l’État. Les autorités offrent une exonération d’impôts de 20% directement et non en mode de cash-back. De même, le coût du technicien est moins élevé par rapport à une production en Europe ou aux USA. La Ouarzazate Film Commission offre également une assistance aux équipes de repérage étrangères dans la ville et sa région. Il faut dire aussi que les productions issues d’Europe, notamment de France et Allemagne, sont de plus en plus en tournage au Maroc et à Ouarzazate.
L’activité cinématographique à Ouarzazate et sa région est d’une importance cruciale pour le développement économique et social local. Cet impact est ressenti à travers les revenus directs et indirects engendrés et les emplois créés : figurants, techniciens, acteurs, artisans, constructeurs... Sans parler du tourisme. Un taux de 30% du remplissage des hôtels est le fait du secteur cinématographique, qui profite aussi au transport touristique et à l’artisanat. Cette activité permet également le rayonnement de la ville sur le plan international, ce qui permet de mieux la vendre sur le plan touristique. Des projets qui allient ciné et tourisme y sont créés afin de mettre en valeur cette synergie dont vit essentiellement la ville.
Les figurants et techniciens ont été recensés. Des séances de prise de photo pour les figurants ont été organisées afin de constituer cette base de données dénommée «TAF». Après une convention de cession des droits avec le photographe espagnol Juan Munoz, la base de données images – décors, paysages de la région – qu’on présente aux producteurs et éventuels porteurs d’un projet de tournage à Ouarzazate et sa région a également été constituée.
Déjà, l’avènement de Ouarzazate Film Commission a permis une meilleure visibilité et une promotion plus agressive lors des salons, foires et festivals liés à l’industrie cinématographique. Notons que l’OFC est membre permanent à l’Association internationale des films commissions (AFCI)) basée à Los Angeles. Cette association regroupe plus de 400 Films Commissions du monde entier. Autre changement de taille : les acteurs de l’industrie cinématographique se sont organisés afin de fournir des prestations plus professionnelles comparées aux années précédentes. De nouveaux prestataires marocains et étrangers liés à ce secteur se sont également installés à Ouarzazate.Sur le volet formation, des conventions ont été signées avec l’Institut de cinéma d’Ouarzazate et la Faculté polydisciplinaire d’Ouarzazate afin de répondre à des besoins spécifiques de formation. L’objectif étant également de faciliter l’insertion des étudiants dans des stages de formation au sein des productions étrangères et autres projets audiovisuels.
La Ouarzazate Film Commission supervise un fonds de soutien aux activités cinématographiques (SMDI) créé par le Conseil régional de Souss-Massa-Draâ et qui permet à ces acteurs de créer leurs propres projets liés à l’industrie cinématographique. Les artisans, les techniciens, mais aussi les lauréats de l’École de cinéma et de la Faculté polydisciplinaire ont bénéficié de ce fonds afin de créer leur propre entreprise. L’un de nos objectifs, c’est aussi structurer le secteur pour passer de l’amateurisme au professionnalisme.
Déjà, la région souffre de l’enclavement routier et aérien. D’autres obstacles méritent également d’être levés : l’absence de participation au financement de films et d’incitations financières et le manque d’infrastructures sanitaires plus développés. Nous ne devons pas perdre de temps, d’autres destinations cinématographiques comme la Jordanie, Dubaï et l’Europe de l’Est, préparent leur percée.