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«Une bonne fonction RH doit veiller à assurer l’adéquation entre les modes de direction, participatif ou directif»

Directif ou participatif, quel style de management adopter ? Aujourd’hui, ces deux tendances de management agissent sur la compétitivité de l’entreprise

La fonction RH a le devoir d’accompagner les collaborateurs dans le processus d’apprentissage de l’autonomie.

17 Mai 2014 À 16:13

Selon Hamid Bouchikhi, directeur académique chez ESSEC Ventures, «le management directif agit sur le modèle commande-contrôle. Les collaborateurs reçoivent des objectifs et une feuille de route, à charge pour eux de faire de leur mieux pour exécuter les consignes.  Le management participatif prend le contre-pied de ce modèle et met les collaborateurs en situation de prendre des initiatives et des décisions. Dans sa forme extrême, le management participatif met les dirigeants au service des collaborateurs. Ces derniers sont sur le terrain et sont en contact direct avec les clients, les fournisseurs, les concurrents, etc.». Dans ce cadre, le devoir des décideurs est de favoriser les bonnes conditions pour pratiquer les bonnes décisions. «Le devoir des dirigeants n’est plus alors de prendre des décisions, puisqu’ils ne sont pas en contact direct avec le réel, mais de mettre en place les conditions propices à la prise des «bonnes» décisions par les collaborateurs. Un ex-président de la compagnie aérienne Scandinavian Airlines a popularisé cette philosophie de management dans «La Pyramide inversée», un livre qui a eu beaucoup d’échos il y a quelques années», fait savoir le responsable. Reste à déterminer comment concilier entre les deux styles. «La fonction RH a une double obligation vis-à-vis des dirigeants et des collaborateurs. Elle doit aider les dirigeants à savoir quand «lâcher prise» et faire confiance à leurs collaborateurs. Ceci peut nécessiter un travail difficile sur soi que la fonction RH peut faciliter par des séminaires de formation, une offre de coaching, des mises en situation, etc.», ajoute Pr Bouchikhi. Pour plus d’explications sur les deux modes de management, le point avec l’invité du «Matin Emploi».


Hamid Bouchikhi • Directeur académique chez ESSEC Ventures.

Le Matin Emploi : Entre les deux styles de management, participatif et directif, quel est le mode le plus répandu au Maroc ?Hamid Bouchikhi : La vérité est que je ne sais pas. Aucune recherche scientifique n’a jamais été menée pour identifier le style de management le plus répandu au Maroc. Si je peux m’appuyer sur les pratiques que j’ai pu observer autour de moi, je dirais que le Maroc est encore marqué par la «culture du chef» faite d’une centralisation forte de la décision et d’une quête du contrôle des comportements des collaborateurs.On pourrait m’objecter que les collaborateurs ne sont pas toujours dignes de confiance et qu’ils n’ont pas toujours les compétences ou la motivation pour prendre des initiatives bénéfiques à l’entreprise. Le problème que j’aurais avec cette explication est qu’elle renforce le cercle vicieux du contrôle qui nourrit le désengagement, voire la triche, qui renforce le besoin de contrôle et de centralisation. Comment sortir de ce cercle vicieux ?

Quels sont les impacts de ces modes de management sur la fonction RH ?La fonction RH a une double obligation vis-à-vis des dirigeants et des collaborateurs. Elle doit aider les dirigeants à savoir quand il faut «lâcher prise» et faire confiance à leurs collaborateurs. Ceci peut nécessiter un travail difficile sur soi que la fonction RH peut faciliter par des séminaires de formation, une offre de coaching, des mises en situation, etc. Ces activités d’accompagnement du développement professionnel ne peuvent pas se substituer entièrement à un bon processus de recrutement et de gestion des cadres et dirigeants. Une bonne fonction RH doit, en effet, veiller à assurer l’adéquation entre le mode de direction, participatif ou directif, requis pour une activité donnée et le profil du dirigeant en charge de l’activité. Lorsque le profil du dirigeant n’est pas en adéquation avec les besoins de l’activité, il faut être en mesure de le déplacer ailleurs dans l’entreprise, voire accompagner sa sortie. En ce qui concerne les collaborateurs, la fonction RH a le devoir de les accompagner dans l’apprentissage de l’autonomie, de la responsabilité et de la prise d’initiative. Un mode de management directif peut être source de confort pour les collaborateurs qui auront tout loisir de faire semblant d’exécuter des consignes sans se sentir responsables des conséquences de leurs actes. La culture du chef va très bien avec la culture du «moins j’en fais et mieux je me porte».De plus en plus d’experts soulignent l’importance qu’il convient d’accorder, aujourd’hui, à l’exigence de l’implication du personnel dans la prise de décision. Qu’en pensez-vous ?Dans un univers où des dirigeants savants et éclairés peuvent «prévoir, planifier, organiser, ordonner et contrôler», comme un certain M. Fayol a défini le management au début du 20e siècle, le management participatif n’est pas nécessaire. Les degrés de liberté laissés aux collaborateurs pourraient même nuire à la bonne efficacité de la mécanique managériale. Le besoin d’une implication plus forte du personnel dans la prise de décision ne découle pas d’une intention philanthropique, ou pas seulement en tout cas. Ce besoin s’est imposé avec la volatilité croissante de la vie des affaires où les cycles de décision doivent être très courts et où on ne peut plus prendre le temps de remonter les problèmes aux dirigeants pour analyse et prise de décision. Même dans les entreprises qui ne sont pas soumises à l’urgence, on ne peut plus dire aux collaborateurs, comme un certain M. Taylor au début du 20e siècle, contentez-vous d’exécuter, d’autres sont payés pour prendre des décisions. Une entreprise qui vivrait aujourd’hui selon ce précepte se priverait de l’intelligence collective de ses collaborateurs et risque de perdre les meilleurs, voire ne pas pouvoir les attirer en son sein.Actuellement, on parle beaucoup de la notion d’empowerment, est-ce le cas pour les entreprises marocaines ?Comme je l’ai dit plus haut, les pratiques marocaines sont relativement éloignées de l’empowerment. Au sens littéral, le mot signifie transférer, partager, déléguer le pouvoir. Il est difficile de développer ce mode de management dans une culture où les dirigeants pensent tirer leur légitimité de la possession du pouvoir et de ses attributs et où la vérité est censée venir d’en haut. Nous ferons un énorme progrès dans cette direction lorsque l’accès à des fonctions dirigeantes ne sera plus perçu et vécu comme un privilège à protéger, mais une lourde responsabilité à partager. Faisons confiance aux nouvelles générations de cadres et dirigeants marocains pour accomplir cette transition culturelle avant d’être managériale.

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