15 Novembre 2014 À 16:50
Le Matin Emploi : Quels sont les comportements pouvant faire l’objet de sanctions ? Pensez-vous que les faits reprochés au salarié sont tous de nature à justifier une sanction disciplinaire ?Omar Fatemi : Les agissements pouvant faire l’objet de sanctions disciplinaires se répartissent en deux catégories. La première est celle des fautes non graves, qui sont d’ordre professionnel découlant de l’exercice par le salarié de ses fonctions (retard occasionnel non justifié, mauvaise exécution de ses missions contractuelles, etc.) et d’ordre disciplinaire (découlant d’un ou plusieurs manquements aux règles de disciplines édictées par le contrat de travail, le règlement intérieur, la convention collective et tout autre accord entre l’employeur et le salarié). La deuxième catégorie est celle des fautes graves. Il s’agit des fautes dont la gravité est telle que la relation de travail entre l’employeur et le salarié ne peut être maintenue. L’article 39 du code du travail dresse une liste de fautes à titre indicatif et non limitatif dont nous pouvons citer à titre d’exemple le vol, l’abus de confiance, l’ivresse publique, la consommation de stupéfiants, l’agression corporelle, etc. L’exercice du pouvoir disciplinaire par l’employeur ne peut avoir pour cause l’une des activités ou situations que le code du travail protége expressément dans son article 36 (l’activité syndicale du salarié, la race, la couleur, le sexe, le handicap, etc.).
Quelle est la procédure stricte à respecter ?La procédure à respecter pour les sanctions du premier et deuxième degré (l’avertissement et le blâme) est simplifiée, vu qu’elle n’impacte pas financièrement et contractuellement le salarié. L’avertissement et le blâme doivent ainsi être notifiés au salarié soit par remise en main propre contre décharge soit par courrier recommandé avec accusé de réception. En revanche, le deuxième blâme ou la mise à pied, le troisième blâme, la mutation ou le licenciement sont des sanctions qui ont des répercussions directes sur la présence du salarié dans l’entreprise, son poste ou sa rémunération. La prononciation de l’une de ces sanctions nécessite l’observation par l’employeur d’une procédure d’ordre public dont la violation emporte comme conséquence la nullité de la sanction. En application de l’article 62 du code du travail une procédure disciplinaire comporte essentiellement trois étapes : (i) la convocation à l’entretien préalable dans un délai de huit jours à compter de la constatation de la faute, (ii) la tenue d’un entretien préalable en présence du salarié et un représentant du personnel et (iii) la notification de la sanction disciplinaire au cas où les explications du salarié lors de l’entretien ne seraient pas satisfaisantes.
Quid des délais de notification de la sanction ?Pour ce qui est des sanctions de premier et de second degré, aucun délai de notification n’est requis.En revanche, s’agissant du deuxième blâme ou la mise à pied, le troisième blâme, la mutation ou le licenciement, la sanction disciplinaire doit être notifiée au salarié en mains propres contre reçu, par lettre recommandée avec accusé de réception ou par huissier, dans un délai de 48 heures suivant la date à laquelle la décision a été prise.
Comment protéger les salariés des abus ? Autrement dit, quelles sont les limites du pouvoir disciplinaire ?La première limite au pouvoir disciplinaire du salarié est, à notre sens, le lourd formalisme imposé par l’article 62 du code du travail, d’une part l’employeur étant tenu de préciser au salarié le ou les motifs reprochés, d’autre part le salarié a le droit de faire valoir ses arguments et d’être accompagné par un représentant du personnel lors de l’entretien préalable.La deuxième limite est qu’un agissement sanctionné ne peut faire l’objet d’une deuxième sanction en application du principe juridique «une faute ne peut être incriminée à deux reprises».Il convient de préciser que les tribunaux marocains sont très regardants sur le formalisme qui doit être respecté par l’employeur et vérifient minutieusement la matérialité et l’imputabilité des fautes ayant donné lieu à des sanctions disciplinaires. Quelles sont les principales difficultés juridiques rencontrées par les juridictions compétentes pour trancher en matière disciplinaire ?La difficulté majeure a trait à l’appréciation par le juge du fait commis par le salarié et sa qualification en faute grave ou faute non grave. La justification du licenciement pour faute incombe à l’employeur, et en pratique ce dernier éprouve beaucoup de difficultés à apporter la preuve des agissements fautifs du salarié. Le juge est alors souvent contraint à tenir une audience d’enquête afin de recueillir les versions respectives des parties et poser les questions pertinentes lui permettant de se forger une conviction sur le dossier.