Spécial Marche verte

«Le choix du Maroc, pays ouvert et stable,s’est imposé de lui-même»

À ce jour, plus de 600 millions de dollars ont été amassés dans le monde au nom de Terry pour la recherche sur le cancer. La Fondation Terry Fox soutient chaque année au Canada la recherche axée sur la découverte, à hauteur de près de 20 millions de dollars.

S.E. Mme Sandra McCardell.

12 Février 2014 À 15:29

Le Matin : La course Terry fox est une initiative connue à travers le monde, pourquoi avoir choisi le Maroc cette année pour faire cette course ?Sandra McCardell : Tout d’abord, je tiens à remercier très sincèrement Son Altesse Royale Lalla Selma, à travers la Fondation qu’elle dirige, d’avoir accepté que la course Terry Fox se fasse sous son égide. Aussi, j’aimerais remercier tous nos partenaires à savoir l’Association l’Avenir, la wilaya de Rabat… et enfin la grande championne mondiale Nezha Bidouane à travers son association Femmes Réalisations et Valeurs, pour son engagement en tant que marraine de la course. Je voudrais aussi, par la même occasion, remercier les sociétés canadiennes actives au Maroc pour leur contribution. S’agissant de la course Terry Fox, l’ambassade du Canada au Maroc a organisé par le passé deux éditions, dont la dernière s’est déroulée en 2006.

Cette année, nous avons décidé de la reprogrammer, sachant que c’est une course populaire non seulement au Canada, mais partout dans le monde ; et, le choix du Maroc, s’est imposé de lui-même, pays ouvert, stable, connu non seulement pour son hospitalité, mais aussi et surtout pour le dynamisme de sa société civile. Cette course en fait n’est pas une course conventionnelle au vrai sens du terme, mais une course marche à pied ou en patins à roulettes, à vélo, en fauteuil roulant, etc. On encourage les gens à venir en famille. Aussi la particularité de cette course réside dans le fait qu’il n’y a pas de gagnants ni de médailles, l’objectif principal est la participation d’un très grand nombre, sachant que cette participation n’est sujette à aucune contrainte préalable, d’ordre financier ou autre. Pour participer, il suffit de s’inscrire et les dons restent à la discrétion de chacun.

Parlez-nous des deux éditions précédentes qui ont justement eu lieu au Maroc ? Quels sont les objectifs des organisateurs ?Nous pouvons avancer que les éditions précédentes ont connu un succès certain et ont contribué, pour la première, à financer le registre du cancer de la wilaya de Rabat Salé et, pour la seconde, à répondre aux besoins en médicaments des enfants atteints du cancer de la maison de l’Avenir, initié par l’Association l’Avenir et qui accueille et héberge les enfants (avec leurs parents) en cours de traitements du cancer. Ce qu’il faut mentionner, c’est que les fonds qui sont récoltés lors de la course Terry Fox restent au Maroc et sont utilisés sur place. Par exemple, cette édition 2014 de la course servira à financer un projet de recherche initiée par l’Association l’Avenir en accord avec la Fondation Terry Fox et qui consistera à établir une base de données des jeunes guéris, connaître leurs statuts actuels, répondre à leurs besoins de traitement ou de prévention et enfin proposer une stratégie pour l’organisation du suivi à long terme des guéris.

Quelles sont les principales réalisations qui ont été faites en matière de lutte contre le cancer des enfants depuis le début de la course en 1981 ?À ce jour, plus de 600 millions de dollars ont été amassés dans le monde au nom de Terry pour la recherche sur le cancer. La Fondation Terry Fox soutient chaque année au Canada la recherche axée sur la découverte à hauteur de près de 20 millions de dollars. En 2012, la FTF a investi environ 29,3 millions de dollars dans trois secteurs clés de la recherche sur le cancer : la Recherche axée sur la découverte (science fondamentale et recherche biomédicale orientée vers la découverte d’un remède), la recherche translationnelle (mettre en application plus rapidement en clinique les découvertes des laboratoires afin d’en faire profiter les patients) et la formation de futurs leaders de la recherche sur le cancer. Ce que je peux rajouter, c’est que le progrès qui est fait en matière de recherche sur le cancer est immense et j’en veux pour preuve, que si Terry Fox avait vécu son cancer aujourd’hui, il aurait eu de meilleures chances d’être encore parmi nous.

Le Maroc et le Canada entretiennent des relations diplomatiques depuis 1962. Quelle évaluation faites-vous de ces liens d'amitié et de coopération ?En 2012, nous avons été fiers de fêter nos 50 ans de relations diplomatiques avec le Maroc. Mais la diplomatie ne pourrait se concrétiser et se développer qu’à travers nos différents partenariats : un partenariat de longue date qui continue grâce notamment au programme de coopération qui, avec 8 millions $ par année, cible les jeunes et le développement économique. Quant à nos échanges commerciaux, ils sont actuellement de 500 millions $ p.a., et continuent leur croissance. Mais je pense que le plus important dans les relations qu’entretiennent nos deux pays et la richesse qui les caractérise réside dans les relations humaines que partagent nos deux peuples : nous estimons le nombre de Marocains au Canada autour de 100 000, et autour de 6 000 Canadiens au Maroc. Nous accueillons chaque année autour de 8 000 visiteurs (y compris des étudiants et des travailleurs) -facilité par des vols directs entre Casablanca et Montréal- et ces 3 000 Marocains qui s’installent chaque année au Canada contribuent au rapprochement des deux pays et des deux peuples, et deviennent des passerelles immuables entre nos différentes cultures. Dans l’actualité, un des représentants du Maroc aux Jeux olympiques à Sotchi est un skieur de père marocain et de mère canadienne... Pour ne pas oublier le plus important : la course Terry Fox qui sera organisée à Rabat le 16 février prochain (dont je parlerai plus loin) et qui est un évènement qui témoigne de la vivacité et de la solidité de l’amitié et de la coopération canado-marocaine !

Les relations bilatérales entre le Royaume et le Canada sont en train de négocier un nouveau tournant. Que fait votre pays pour accroître ses échanges commerciaux avec le Maroc ?Le Maroc figure parmi les marchés prioritaires du Canada et nous soutenons activement les entreprises canadiennes qui désirent exporter et investir ici. En 2013, les exportations du Maroc vers le Canada ont progressé de 25% pour atteindre les 200 millions $. Celles-ci se comparent bien avec les importations du Canada qui ont augmenté de 20%, pour atteindre les 440 millions $ par rapport à l'année précédente. Nous comptons déjà plus d’une vingtaine d’entreprises canadiennes implantées au Maroc, notamment dans les secteurs de l’aéronautique, de l’éducation et des services d’ingénierie. Quelques sociétés marocaines dans le secteur agroalimentaire sont présentes au Canada ou considèrent de s’y installer. De plus, un grand nombre de nos entreprises visitent régulièrement le pays pour y brasser des affaires ou participer à des événements, comme le Marrakech Air Show. L'agence fédérale canadienne de crédit et d’assurances à l’exportation «Exportation et développement Canada» (EDC) a signé en mars 2013 un mémorandum d’entente avec le ministère marocain de l’Économie et des finances visant à mettre à la disposition du Royaume une enveloppe financière de 500 millions d’euros pour renforcer les exportations et les investissements des entreprises canadiennes vers le Maroc. Le Canada a récemment approuvé deux projets de coopération dans le cadre des négociations pour aider les entreprises marocaines, notamment les petites et moyennes entreprises (PME), à tirer parti d’une plus grande ouverture au commerce. Ces deux projets, d’un total de 11.6 millions $, qui s’inscrivent dans le cadre des négociations de l’accord de libre-échange, concernent les secteurs de l’agroalimentaire et de la meunerie, des pêches et du cuir. L’objectif principal d’un de ces projets est de renforcer les capacités en minoterie, tandis que l’autre augmente les capacités des PME marocaines pour accroitre leurs capacités d’export et avoir une meilleure connaissance des marchés pour répondre au mieux à leurs exigences. Il va sans dire qu’un éventuel accord de libre-échange bilatéral créera de nouvelles occasions d’affaires dans nos deux pays, stimulant ainsi la croissance économique et la création d’emplois.

Où en sont les négociations destinées à débroussailler les pistes pour un accord de libre-échange entre les deux pays ?Les négociations d’un accord de libre-échange entre le Maroc et le Canada ont été lancées en janvier 2011 lors de la visite de notre Premier ministre. Trois rondes de négociations ont eu lieu depuis et nous espérons qu’une quatrième ronde puisse être organisée dans les meilleurs délais. Le Canada est déterminé à négocier un accord ambitieux et bénéfique pour nos deux pays.

Plusieurs franchises canadiennes ont actuellement pignon sur rue au Maroc. Elles opèrent dans la lingerie, les cosmétiques, la chaussure, la réparation automobile et l'informatique. Où en est l’Accord sur la Protection et l'encouragement des investissements (APEI) ? Outre les nombreuses franchises canadiennes déjà présentes ici, je me dois souligner l’implantation de Bombardier aéronautique dont l’investissement de 200 millions de dollars va créer 800 emplois directs dans un secteur porteur d’avenir pour le Maroc. Un éventuel accord de libre-échange entre le Canada et le Maroc renfermera un chapitre sur l’investissement.

Comment le Maroc peut-il constituer pour le Canada, la plate-forme régionale à partir de laquelle les marchés de la Méditerranée, du Moyen-Orient et de l'Afrique pourraient s'ouvrir plus largement à la technologie et aux produits canadiens ?Je crois que la signature d’un accord de libre-échange augmentera l’attractivité du Maroc comme plateforme régionale. Il s’agirait pour le Canada d’un premier accord de ce type avec un pays africain. Plusieurs entreprises canadiennes peuvent tirer profit de l’empreinte marocaine en Afrique, notamment dans les secteurs de la finance et des télécommunications, pour soutenir leur expansion sur le continent. À l’inverse, le Canada offre une base francophone aux entreprises marocaines qui veulent étendre leurs activités en Amérique du Nord. L’expérience des entreprises canadiennes sur le marché américain est inégalée. Nos entreprises ont donc intérêt à travailler en partenariat.

Il n’y a pas longtemps, deux protocoles d'entente portant sur le «projet d'appui à la réforme de l'éducation par le biais de l'approche par compétences» (REAPC) et le «projet d'appui à la gestion des établissements du Maroc» (PAGESM) ont été signés entre les deux pays. Quel bilan faites-vous de ces deux projets ?Nos deux pays coopèrent depuis plus de 50 ans via l’Agence canadienne de développement internationale (ACDI). Le Canada espère poursuivre cette coopération pour bien longtemps encore, car notre présence au Maroc s’inscrit dans la durée. L’objectif du programme du Maroc est une éducation d’une qualité accrue, répondant aux besoins du marché du travail, pour les enfants et les jeunes marocains, particulièrement les jeunes femmes. L’appui du Canada s’inscrit dans le cadre des réformes prioritaires que le Maroc s’est fixées et vise notamment le renforcement de ces capacités pour adapter le système d’éducation et de formation aux défis d’une économie moderne et ainsi contribuer à l’amélioration de l’employabilité des jeunes. Les projets PAGESM et REAPC font donc partie d’un programme de coopération plus large qui vise les jeunes et le développement économique durable du Maroc. Ils sont actuellement à mi-parcours dans leur mise en œuvre. Le PAGESM s’inscrit dans une collaboration de plus de 12 ans avec le ministère de l'Éducation nationale. Ces activités couvrent toutes les académies régionales en éducation et formation (AREF) du Royaume et touchent plus que 9 500 écoles. Le PAGESM s’adresse particulièrement aux directeurs d’établissements scolaires et vise à apporter un appui à l’amélioration de leurs compétences de gestion. J’aimerais aussi mentionner que ce projet travaille également sur les obstacles que rencontrent les femmes dans leur cheminement de carrière et qui ralentissent leur accès aux postes de décision.Le deuxième projet, le REAPC, s’inscrit aussi dans la

continuité de notre appui au secteur de la formation professionnelle. J’aimerais souligner qu’il s’agit d’une coopération de presque 20 ans dans ce secteur. C’est, en effet, dans les années 1996 que le Maroc a fait appel au Canada pour mener une première expérimentation de l’Approche par compétences (APC). Le projet REAPC appuie actuellement le département de la formation professionnelle et les départements opérateurs de formation dans la réingénierie de la gestion de tout le système de la formation professionnelle selon l’Approche par compétences. Les deux projets PAGESM et REAPC se déroulent dans de bonnes conditions et nous sommes confiants sur l’atteinte des résultats malgré la grande complexité et les énormes défis du secteur de l’éducation et de la formation. Nous sommes convaincus que la réforme du secteur de l’éducation et de la formation est cruciale pour le développement du Maroc puisqu’à la base de tout changement durable se trouvent la ressource humaine et ses compétences de base. J’aimerais enfin ajouter que le Canada apporte aussi son appui au Maroc pour les questions de gouvernance locale, d’employabilité des jeunes, de soutien aux PME/TPE (petites et moyennes entreprises/très petites entreprises) - surtout celles dirigées ou employant des femmes - pour le développement d’activités à l’export et très prochainement, je l’espère, pour les questions de gouvernance économique. Par ailleurs, le Canada contribue de manière substantielle au Fonds de transition de Deauville, initié au lendemain du printemps arabe, pour venir en appui à certains États arabes dans leur transition vers plus de démocratie, et le Maroc a jusqu’à présent bénéficié de 5 projets d’envergure. 

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