03 Décembre 2014 À 12:27
Le Matin Eco : Quel bilan dressez-vous aujourd’hui du contrat-programme que vous avez signé avec l’État en 2011 ?Youssef Alaoui : Les réalisations des activités prévues dans le cadre du CP à l’horizon 2020 affichent des résultats positifs. En matière de production, le secteur avicole a enregistré, en 2013, une production de viandes de volaille de 495.000 tonnes avec un objectif de 900.000 tonnes en 2020. La viande de dinde représente 15% de la production globale en cette même année. Aussi, la production des œufs de consommation s’est établie aux alentours de 4,5 milliards d’unités.Par ailleurs, les autres activités du CP sont en cours de réalisation. Il s’agit en particulier d’actions visant l’encadrement des opérateurs du secteur ainsi que la promotion de la consommation des produits avicoles. Ces actions ont été menées par la FISA grâce à un soutien de 3 millions de DH reçus de l’État. En outre, le ministère de l’Agriculture a finalisé la construction du zoopole de formation et l’équipement est en cours. Il s’agit d’un pôle d’excellence à la périphérie de Casablanca, à Aïn Jemaa, qui permettra à la profession d’organiser des sessions de formation pratiques au profit des ouvriers et des techniciens du secteur. Il constituera également un outil important de coopération Sud-Sud dans le domaine de la formation. La gestion de ce zoopole sera confiée conjointement aux fédérations de l’aviculture (FISA), des viandes rouges (FIVIAR) et du lait (FIMALAIT). La recherche-développement est aussi un axe majeur du CP avec l’Institut agronomique et vétérinaire Hassan II : 5 thèmes de recherche-développement ont été réalisés. Globalement, le CP avance plutôt bien malgré quelques retards enregistrés dans la promulgation des textes réglementaires instituant des incitations au profit du secteur, notamment les subventions à l’acquisition de matériel et biens d’équipement d’élevage et à l’installation d’unités d’abattage industriel et d’unités de conditionnement et/ou la valorisation des œufs de consommation et la prime aux projets d’agrégation.
Quelle est la stratégie de la FISA pour moderniser le secteur de l’abattage ?Il nous faut absolument améliorer les circuits de commercialisation des produits avicoles par le développement des abattoirs industriels avicoles et des points modernes de vente des viandes de volaille en plus d’améliorer les conditions de transport de volailles vivantes en remplaçant les cageots en bois par d’autres en plastique lavable et se prêtant à la désinfection. Il faut aussi améliorer les conditions d’abattage et de préparation des volailles dans les tueries traditionnelles selon les prescriptions du cahier des charges relatif aux unités d’abattage de volailles destinées exclusivement aux ménages.
Il était aussi question d’amorcer des projets d’agrégations dans la filière…L’agrégation correspond à la situation où un même groupe fournit l’aliment composé et le poussin à l’éleveur qui s’engage à son tour à livrer la volaille (poulet ou dinde) à l’abattoir du même groupe moyennant un prix de vente préalablement défini. Ce modèle de production est illustré au Maroc par deux modèles d’agrégation. D’autres groupes sont en intégration partielle. La réussite de ces modèles de production requiert un accompagnement juridique et fiscal adapté.
Comment comptez-vous réguler le marché pour éviter les fluctuations de prix ?Le marché des produits avicoles est libre et les prix sont établis quotidiennement selon l’offre et la demande. La régulation de l’offre se fait naturellement selon le niveau des prix de vente des produits avicoles. Lorsque les prix sont rémunérateurs pour les éleveurs, plusieurs investissements sont engagés en vue d’augmenter la production avicole. Lorsque les prix sont faibles, les mises en place ainsi que la production avicole baissent. Il est à préciser que la loi 03-12 relative aux interprofessions agricoles et halieutiques a prévu des accords étendus, permettant à l’interprofession de réagir afin de réguler le marché pour éviter ses fluctuations importantes. Néanmoins, à l’instar de ce qui se pratique dans le monde, seul le développement des abattoirs industriels permettra une véritable régulation du marché.
Comment booster le chiffre d’affaires de la filière à l’export ?Le secteur dispose d’un fort potentiel à l’export. Il a exporté en 2013 quelque 10,3 millions d’œufs à couver, 2,3 millions de poussins d’un jour à destination de plusieurs pays du continent. La FISA ambitionne de développer les exportations des produits avicoles en particulier vers les pays de l’Afrique du Nord et de l’Ouest. En parallèle, elle a soumis un programme d’actions au ministère de l’Industrie, du commerce et des nouvelles technologies et à Maroc Export. Ce programme d’actions concernera des missions de prospection des marchés extérieurs et la participation aux Salons dans les pays cibles. Dans ce sens, la FISA a entrepris plusieurs actions, notamment l’invitation, lors de la 17e édition du Salon Dawajine, d’importantes délégations d’Algérie, du Burkina Faso, du Mali et du Niger. Les discussions ont porté sur l’opportunité de partager les progrès techniques réalisés au Maroc dans la production avicole.
Comment entrevoyez-vous le marché en 2015 ?Les aviculteurs ont connu une année 2014 difficile marquée par des niveaux des prix de vente relativement faibles et souvent en dessous des coûts de production. Cette situation a engendré d’importantes pertes financières pour les opérateurs. Nos prévisions pour 2015 sont plutôt pessimistes, en ce sens que l’offre de poussins d’un jour de type chair sera excédentaire. Le marché n’absorbera que 6,5 à 7 millions de poussins par semaine, alors que la production effective est aujourd’hui de l’ordre de 7 millions sujets-semaines. Les professionnels sont conscients du problème. La crise peut être jugulée si les concertations se multiplient.
Comment évaluez-vous les performances de l’industrie des aliments composés ?La capacité mise en place pour la fabrication d’aliments composés, si l’on tient compte des extensions opérées dans les anciennes usines et des nouvelles installations, est estimée à 6 millions de tonnes par an pour un marché qui a culminé à 3,75 millions de tonnes en 2013, contre 3,7 millions en 2012. Le marché est réellement saturé, mais les industriels croient beaucoup au développement du segment de l’alimentation du gros bétail qui représente un potentiel considérable – plus de 8 millions de tonnes par an. Les contraintes de cette industrie restent très dépendantes des fluctuations haussières du marché mondial des matières premières qui impactent les coûts de production avec une incidence directe sur les prix de revient des produits de l’élevage : œufs, poussins, viandes de volaille, lait, etc. Une autre contrainte est matérialisée par le butoir en TVA. La loi de Finances 2014 a harmonisé les taux de TVA et a donc arrêté le butoir. Sauf que les procédures de remboursement sont loin de régler les problèmes de tous les opérateurs.